David Lynch fait salle(s) comble(s) à la Cinémathèque française

En fait d’idée, le nom d’une avenue (démarche Modianesque…), un mot évocateur, une adresse de légende : « Mulholland drive » qui sillonne Hollywood… C’est intéressant ce que David Lynch raconte sur la genèse d’un film devenu culte avec le temps : d’abord, un pilote pour une série TV, les producteurs le regardent sur un écran minuscule en faisant autre chose en même temps et en concluent qu’ils détestent ça. Lynch est repêché par deux français dont le producteur Alain Sarde, ce sera un film. Mais comme au départ, on projetait un tournage long pour une série, Lynch n’a pas trouvé de stars disponibles, en revanche, il découvre la merveilleuse Naomi Watts dont on est stupéfait en revoyant le film, à présent qu’elle est devenue elle-même une star, de vérifier combien elle était déjà aussi exceptionnelle qu’aujourd’hui. Ce qui m’a frappée aussi en revoyant le film avec un peu de distance… c’est à quel point la série « Twin peaks » possède déjà tout l’univers de Lynch qu’on retrouve dans « Mulholland drive »… Ce film diptyque m’a aussi fait penser au principe du film « Une Sale histoire » (1977) de Jean Eustache, deux fois la même histoire en deux versions et en inversant la logique des passages 1 et 2 (la version clean ou onirique d’abord, en deux mots).
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1. « Six Men Getting Sick » (1966, 4),
2. « The Alphabet » (1968, 4),
3. « The Grandmother » (1970, 34),
4. » The Amputee » (1974, 5),
5. « The Cowboy and the Frenchman« (1988, 25)


Il parle beaucoup de détails les plus précis sur une date, un nom, un souvenir de sa jeunesse mais ne raconte rien sur ses films et pas grand chose sur lui, pudique, poétique, persuadé que l’art parle en lui-même. Il est intarissable, par exemple, dans la description de tous les accessoires de sa toute première caméra. Il a fait les Beaux-arts, il avait obtenu une bourse, habité Philadelphie dans un quartier violent, sombre, il a fait des petits boulots comme employé dans une pharmacie ou dans un bureau de tabac. Il aime les formes des armes à feu et des avions. Cette formation des Beaux-arts lui a permis de savoir tout bricoler lui-même dans ses films et autres travaux artistiques.Etonnamment, en opposition à ce qu’il filme, il affirme avoir eu une enfance heureuse près de la nature, son père scientifique spécialisé dans l’agriculture, une mère au foyer, qui comprenaient sa vocation d’artiste, il insiste sur la nécessité d’être « supporté ». L’enfance, c’est 75% de rêves et 25% de réalité et au fur et à mesure qu’on grandit, le pourcentage de rêves décroît.
La forme, ça dépend des idées, peinture, photo, cinéma. Depuis « Inland empire », il n’a rien tourné au cinéma mais il sait que ce dernier film marque un tournant dans les techniques de cinéma, la transition (numérique), il attend de voir comment ça va évoluer, attend aussi que les idées lui viennent. Exemple d’extractions d’idées selon Lynch : lors d’une séance de méditation transcendantale qu’il pratique depuis 37 ans, en songeant à un collier de perles, un scénario d’un de ses films s’est débloqué, toutes les idées sont venues d’un coup… Son atelier de la rue du Montparnasse à Paris, ancienne imprimerie hantée par un passé artisanal, arstistique, dont il est tombé amoureux, lui a permis de renouer avec les lithographies de sa jeunesse.
Aux questions de la salle. Internet? Le média majeur, le support où tout va se passer. La 3D? une manière de faire de l’argent pour les studios et de vendre des TV en 3D mais pourquoi pas si le sujet s’y prête… Des traumatismes d’enfance? Tout le monde en a, les idées lui viennent du monde extérieur et pas de son monde intérieur, il esquive, cite comme influences Francis Bacon et Edward Hopper. Lectures? Pas un grand lecteur mais Kafka. Toubiana intervient : influencé par les surréalistes? Non mais aime le mot « surréel ». « Interview project »? Projet de son fils et de son copain, 170 interviews de 5 minutes comme portrait d’un pays, en projet : l’Allemagne, la France. La direction d’acteurs? Pas de casting avec essais mais photos, puis rencontres, choix ; parler aux acteurs avant le tournage du film, leur parler jusqu’à ce qu’ils comprennent le personnage autant que lui, répéter très progressivement jusqu’à obtenir le ton voulu. Idem pour la musique d’Angelo Badalamenti, il ne voit rien du film!!! ils en parlent avant… Pourquoi un cinéaste va vers la TV? « Twin peaks », David Lynch l’a vu d’abord comme un film qui ne s’arrête pas…

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