"Yûkoku" : Mishima réalisateur, aussi…

Yukio Mishima, 1966, sortie DVD 5 novembre 2008
 

Film maudit tourné en 1966, les copies et négatifs avaient tous été détruits sur ordre de la veuve de Mishima (après sa mort à elle, on en retrouve en 2005 une copie miraculeusement rescapée), « Yûkoku », réalisé et joué par Mishima lui-même, tourné discrètement en deux nuits, est la transcription cinématographique d’une nouvelle écrite quelques années plus tôt « Patriotisme ». Le film montre de façon stylisée la dernière étreinte amoureuse et le seppuku (mort par éventration) d’un jeune lieutenant entièrement dévoué à l’honneur samouraï, le Bushido. 


« Yûkoku », photo du film, éditions Montparnasse
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Mais ce film demeure aujourd’hui la répétition préalable de la mort spectaculaire que l’écrivain choisira de se donner le 25 novembre 1970 à Tokyo. Après avoir terminé le quatrième volet de son oeuvre la plus connue « La Mer de la fertilité », Mishima poste son manuscrit et se rend au ministère des armées avec quatre condisciples. Or, en 1967, il sest engagé dans les Forces d’Autodéfense du Japon puis a formé la milice privée Tatenokai (société du bouclier) destinée à assurer la protection de lempereur. Ce matin de novembre 1970, Mishima prend en otage le général commandant en chef des forces d’autodéfense et fait convoquer les troupes : il leur tient alors un discours en faveur du Japon traditionnel et de l’empereur. Devant les huées des soldats, Mishima se retire et se donne la mort par seppuku. Depuis, des observateurs ont fait remarquer que Mishima cherchait sans doute surtout l’occasion d’une mort héroïque, préparée depuis une année, celle qu’il avait ratée par sa faute en se faisant réformer pendant la guerre, prétextant une tuberculose, ce qui lui avait laissé un sentiment de culpabilité.
 


entretien avec Mishima (1966), photo éditions Montparnasse

Nobélisable, célèbre à 24 ans pour « Confessions d’un masque », récit autobiographique sur un jeune homme obligé de cacher son homosexualité, Mishima est un écrivain pour le moins ambigu, il défend le Japon traditionnel qui l’obsède mais peut écrire ou se vêtir d’une manière européenne. Elevé par une violente et fantasque grand-mère, il est malingre et solitaire, mais à partir de 1955, il voue un culte au corps et entreprend de pratiquer de l’exercice musculaire forcené pour se forger une musculature d’athlète et cela jusqu’à sa mort. C’est ainsi que le journaliste français Jean-Claude Courdy parvient à le rencontrer, en fréquentant sa salle de sport, le DVD possède en supplément ce document précieux tourné en septembre 1966 : l’entretien de Courdy avec Mishima, quelques semaines avant le tournage de « Yûkoku », lequel ouvre les portes de sa maison et lui livre, en français et en japonais, quelques clés de son uvre littéraire. Jamais diffusé à la télévision française avant 1989 et seulement partiellement, aujourd’hui, c’est le document entier qui est disponible. Pour amateurs inconditionnels de l’écrivain, pour ma part, bien je trouve cette histoire passionnante, j’ai tourné autour en lisant toute la doc mais je n’ai pas encore eu le courage de regarder le film en lui-même « Yûkoku », court-métrage d’une trentaine de minutes en noir et blanc, possible d’ailleurs que je le regarde jamais…

éditions Montparnasse, sortie 5 novembre 2008.
Coffret DVD avec 3 suppléments : l’entretien avec Mishima avec Courdy 1966, le livre Folio « Patriotisme et autres nouvelles » et le livret « Yûkoku, Rites d’amour et de mort » par Stéphane Giocanti.

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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