Ouverture du Panorama du cinéma chinois avec « Héros de guerre » et « Knitting » sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs

Salle comble, au balcon comme à l’orchestre, pour l’ouverture ce soir mercredi du Panorama du cinéma chinois, section Perspective, au Max Linder sur les Grands boulevards à Paris, un festival tout neuf couplé avec la rétrospective « Cinéma et opéra en Chine » à la Cinémathèque française. En attendant « Getting home », déjà présenté à Berlin, qui fait partie de ce Panorama, la soirée d’ouverture avait choisi de projeter, en présence des deux acteurs principaux du film, « Héros de guerre » de Feng Xiaogang, un film immense à tous les sens du terme, qui avait notamment obtenu le prix Action Asia au 10° festival du film asiatique de Deauville. Auparavant, une comédie acide, cruelle et attachante, présentée à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai dernier : « Knitting » de Yin Lichuan qui devrait sortir bientôt en salles.
« Héros de guerre » de Feng Xiaogang
Film de guerre avec des plus gros budgets de l’histoire du cinéma chinois, « Héros de guerre », qu’on pourrait comparer à un blockbuster américain tendance Clint Eastwood (la saga « Iwo Jima ») a pulvérisé tous les records d’entrées en Chine. Si les deux tiers du film sont époustouflants, on préfère oublier le dernier tiers du récit qui n’en finit pas de finir en déclinant les époques, dans un style mélo et surexplicatif, multipliant les flash-backs inutiles. 

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La longue partie brillante du film se passe sur le terrain au coeur de la guerre : 1948, durant la guerre civile chinoise, le capitaine Gu Zidi  (Zhang Hanyu) commande au sein de la 9° compagnie de l’armée populaire une unité de 46 hommes. Envoyé en mission pour défendre la rive sud de la rivière Wen avec ordre de combattre jusqu’à la sonnerie du clairon du ralliement, Gu Zidi en reviendra seul, tous ses hommes morts sur le champ de bataille. Sur place, peu d’entre eux avaient entendu sonner le clairon du ralliement, surtout pas Gu qui venait d’être blessé au tympan, devenu à demi-sourd. Pendant les années qui suivront, Gu Zidi n’aura de cesse de retrouver les corps ensevelis de ses soldats et de résoudre cette question qui le mine : le clairon avait-il sonné sans qu’il l’ait entendu et aurait-il pu alors épargner la vie de certains de ses hommes?
 


J’ai rarement vu des scènes de guerre aussi bluffantes : le réalisme, le rythme, le son, des explosions, des canons, des tirs, laissant à peine la place à quelques échanges verbaux en surimpression sonore, les attaques d’une cruauté assumée, on est totalement immergé dans l’action, comme aux avant-postes, l’écran semble exploser, vasciller, s’enflammer avec ponctuellement un montage zapping syncopé à point nommé (sans en abuser comme dans la plupart des derniers films US). Les images sont grandioses : filmées en couleur mais qu’on dirait en noir et blanc, noir des corps et des visages barbouillés et blanc de la neige, teintées du beige kaki passé des uniformes, parfois des reflets jaune rougeoyants des flammes. On aurait pu en finir ici. Ensuite, en 1952, Gu Zidi, qu’on prend pour un ennemi nationaliste ou un fou, est renvoyé sur le front de Corée  où  il sauve la vie d’un jeune gradé qui deviendra ensuite son fils adoptif. Plus tard et encore plus tard, de plus en plus diminué et vieilli, Gu Zidi poursuivra sa quête de vérité et de reconnaissance, pour lui et les soldats de son unité ; mais ce dernier tiers du film, dont on comprend que ce dernier combat de Gu Zidi en temps de paix dans l’indifférence générale le démolit autant que la guerre, adopte un ton répétitif, dilué, sentimental, semblant vouloir consoler le spectateur des horreurs de la guerre plus que son héros, tentant de panser les plaies, de réécrire indéfiniment l’histoire. Dommage! Au bout d’une heure et demi, on frôlait le chef d’oeuvre, au bout de plus de 2 heures, on attend le générique…

« Knitting » de Yin Lichuan


Dans la Chine contemporaine urbaine, bétonnée et souvent lugubre, terrains vagues, murs fissurés, plomberie rouillée, logements vétustes, un couple de jeunes gens s’en sort tant bien que mal, il conduit un mini-bus, elle vend maldroitement les tickets. Chen Yin est beau comme un astre, Daping est boulotte et terne, apparemment, ils sont mal assortis, comme on dit, c’est en tout cas ce qu’en pense la séduisante Haili qui débarque s’installer dans leur appartement sans crier gare sous le prétexte qu’elle a connu Chen Yin auparavant. Le trio vit à présent sous le même toit. Tandis que Daping tricote en chemise de nuit de pilou et mange comme quatre, Haili, mince et maquillée, fait le ménage en nuisette sexy. D’entrée, les deux jeunes femmes aux antipodes, physiquement et moralement, se détestent, mais l’une le montre, la pétulante et bavarde Haili, et l’autre pas, la mutique Daping.


L’objet du désir, de la jalousie des deux femmes, est bien évidemment le beau Chen Yin qui semble bizzarrement plus touché par la gaucherie de Daping, dont il estime qu’elle a besoin de lui (ce qui la valorise), que par la séduction de Haili, sans scrupules, qui est un peu son double. Pourtant, Haili va entraîner Chen Yin dans une escroquerie de contrebande de vinaigre qui tournera mal. Enceinte une première fois, Daping, qui a des idées simples, s’était laissé tomber du mini-bus, provoquant une fausse-couche souhaitée. Enceinte une seconde fois, elle se voit abandonnée par Chen Yin qui a pris la fuite à cause de ses combines ratées… Mais, tout comme Daping avait finalement soignée Haili très malade quand Chen Yin voulait la mettre à la porte, c’est cette dernière qui lui tendra la main quand elle se jetera à nouveau dans un trou pour avorter, cette fois-là sans succès.
 

 

Comédie acide, cruelle, attachante, c’est l’observation à la loupe de tranches du quotidien qui donne bien des indications sur comment vivent les jeunes gens aujourd’hui en Chine, l’omniprésence du manque d’argent (on parle allusivement de vendre son sang en dernière instance), le loyer impayé, les petits boulots harrassants, les magouilles, avec l’objectif de la consommation immédiate : s’acheter un lecteur de DVD avec karaoké ou le dernier téléphone mobile quand on ne possède pas l’essentiel. La conversion de l’adversité des deux jeunes femmes en complicité est à la fois étonnante et logique puisqu’elles partagent la peine de la disparition de l’homme désiré et la rancune à son égard. Finalement, il semble que tout le monde soit interchangeable et que les capacités d’adaptation de l’être humain soient illimitées… Une vraie réussite que cette subtile tragi-comédie peinte par petites touches, l’air de rien, où, si on présentait au départ une victime et une méchante, au final, aucun des personnages n’est tout mauvais ou tout bon sauf peut-être le beau Chen Yin passivement, par défaut, le vrai futile, c’est lui…

Programme et horaires du 3 au 10 décembre 2008 sur le site officiel…

Programme : lire aussi mon précédent billet…

 

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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