«Tu t’appelais Maria Schneider»📚📚📚 #rentrée2018

focus livres Vanessa Schneider, parution le 16 août 2018

Pitch

L’ascension trop rapide dans les années 70 et la chute d’une jeune actrice nommée Maria Schneider.

Notes

💔 «Tu t’appelais Maria Schneider» de Vanessa Schneider.

Parution : 16 août 2018

Editions Grasset

«Profession reporter» (1975) d’Antonioni qui vient de paraître chez @CarlottaFilms était son film préféré… Les cinéphiles n’ont pas oublié Maria Schneider, l’icône emblématique des seventies à la beauté intense et sauvage.

Dans ce récit magnifique et magnétique qu’on ne peut pas lâcher, la journaliste et écrivain Vanessa Schneider raconte sa Maria, leur Maria Schneider, sa cousine. Ce n’est pas une biographie au sens classique du terme, l’auteur n’a pas fait de recherches documentaires (il manque certains pans de vie comme les 3 ans qu’a passé Maria en Californie), peu d’interviews ; fascinée par son aînée, elle avait tout gardé des publications de l’époque dans un classeur rouge. Le reste, c’est leur histoire familiale commune, cette famille dysfonctionnelle au destin funeste. Car le livre parle beaucoup aussi de l’enfance atypique de Vanessa Schneider qui la marginalise. Du destin tragique des femmes de leur famille commune avec la honte en partage.

Adolescente, Maria, fille illégitime de Daniel Gélin (alors marié à Danièle Delorme) dont la mère ne veut pas s’encombrer, débarque à Paris chez les parents de Vanessa qui n’est pas encore née, ils habitent alors un appartement exigu du VIIº arrondissement… À la naissance de cette dernière, Maria devra, faute de place, quitter l’appartement de ses cousins et habitera deux ans chez Brigitte Bardot, sa marraine de cinéma ; pour parrain de cinéma, elle a Alain Delon avec lequel elle a débuté dans  «Madly».

Ensuite, Bardot quittera Paris pour Saint Tropez, elle tourne le dos le cinéma pour se consacrer aux animaux. Mais elle conservera son affection pour Maria à qui elle téléphonera régulièrement et enverra des colis à l’hôpital à la fin de sa vie. Car Maria Schneider n’est pas morte d’une overdose comme sa vie l’y aurait logiquement condamnée mais d’un cancer. Pour les obsèques de Maria Schneider (premier chapitre du livre), Alain Delon lira une lettre de Bardot, incapable de se déplacer… On y verra Dominique Sanda, pressentie par Bertolucci mais qui avait refusé le rôle du « Dernier tango à Paris », Christine Boisson avec qui elle avait joué dans un film de la série des suites de «Emmanuelle». Toute une époque d’actrices magnifiques (Dominique Sanda, quelle merveille…) devenues cultes pour certains, oubliées pour les autres, qu’on trouverait sans doute trop belles aujourd’hui.

Maria Schneider à 19 ans

Maria Schneider à 19 ans

À 19 ans, Maria Schneider, enfant mal aimée par sa mère, un père aux abonnés absents,  devient célèbre du jour au lendemain pour de mauvaises raisons : avoir tourné (nue presque tout le long du film) dans «Le dernier tango à Paris» (1972) de Bertolucci avec Marlon Brando vieillissant, 47 ans, dont la carrière n’a pas encore été ressuscitée par «Le Parrain». La scène de sodomie avec une plaquette de beurre, qui a tant fait scandale, n’est pas dans le scénario, mais est imaginée le matin même par Bertolucci avec la complicité de Brando. Maria n’est pas au courant, le réalisateur l’a piégée, violée. Elle ne s’en remettra pas et elle ne pardonnera jamais. Démolie par ce tournage épuisant où seul compte Brando qui fascine le réalisateur, Maria s’effondre psychologiquement et devient accro à l’héroïne ; pendant des années, quand elle n’est pas chez Castel en train de faire la fête et autres «lieux de perdition» de l’époque,  c’est une junkie bruyante ou fantomatique qui se réfugie chez les parents de Vanessa Schneider, hippies, maoïstes et anti-consuméristes, qui habitent désormais volontairement une triste barre de HLM du 13º arrondissement. Harcelée et détestée, agressée par des inconnus, parfois vénérée (à New York), jusqu’à sa mort à 58 ans d’un cancer, on ne lui parlera dans chaque interview que du «Dernier tango…». Pourtant vers la fin, Maria Schneider dira à sa cousine Vanessa, interloquée, «J’ai eu une belle vie».

Lu en AP grâce à #NetGalleyFrance et #EditionsGrasset

Et aussi

Ce livre sera certainement un des événements littéraires de la rentrée. Abandonnant assez vite la chronologie et même les classiques flash-backs, le récit va et vient d’une époque à une autre, y retourne, s’en éloigne, y revient ; une construction qui ressemble aux mécanismes de la mémoire, une chose faisant penser à une autre, sorte de chaos mémoriel remarquablement organisé et magistralement construit dans l’émotion d’une parole qui se libère, d’une somme des non-dits trop longtemps tus qui semble déborder. Si je craignais, avant de lire le livre, que l’autobiographie fragmentaire de Vanessa Schneider ne vienne parasiter le récit de la vie de Maria (qui, a priori, seule, m’intéressait), il n’en est rien, la folie atavique de la famille Schneider, à laquelle il semble miraculeux d'échapper pour les femmes de la tribu, est un dénominateur commun puissant. Ainsi, l’enfance atypique de Vanessa Schneider est passionnante, un père haut fonctionnaire déguisé en hippie, obsédé par le combat prolétarien et Mao, une mère métisse coiffée comme Angela Davis, deux enfants condamnés à porter des vêtements artisanaux fait maison, des vacances dans des communautés sans eau ni électricité, etc... etc... Une caricature des dérives libertaires et utopiques des seventies : avec une différence de taille cependant, si la mère de Maria ne la supporte pas, que son père biologique attend qu’elle soit célèbre pour la reconnaître et l’emmener se perdre avec lui dans la faune de Montparnasse (démolition de la figure de «genre idéal» que représentait alors Daniel Gélin pour son public), les parents de Vanesssa aiment leurs enfants à leur manière. Un livre rare et bouleversant. PS. Le bémol de ce post : pourquoi une photo de Vanessa Schneider et pas de Maria Schneider en couverture du livre? Photo de couverture : Maria Schneider et Jack Nicholson dans «Profession reporter» («The Passenger »)

Notre note

4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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