
UN CRIME : Bad taxi / avant-première mondiale à Deauville

photo Ouest-France de Manuel Pradal et Emmanuelle Béart à la première de "Un Crime"
Cest une histoire damour, pour un homme, pour une femme, pour une ville. Un amour qui vient de lenfer, cest ce que Harvey Keitel dit à Emmanuelle Béart jai lu de lamour dans tes yeux même si il vient de lenfer». Le personnage dAlice paumée dans un New York noir et brun filmé artistiquement par un réalisateur amoureux de la ville fait penser à Rosanna Arquette dans le dowtown de «After hours».
Alice est folle de son voisin Vincent, incapable de la voir tant quil na pas fait le deuil de sa femme Ashley assassinée quelques années auparavant. Mais pour cela, il faudrait retrouver son assassin qui la laissé fracassée sur le carreau de leur maison une nuit quelle avait raté le dernier métro et pris un taxi, la dernière fois quon lavait vue vivante. La première scène du film, cest cet homme qui rentre chez lui et trouve sa femme morte sur le sol. Depuis, Vincent recherche obsessionnellement le chauffeur de taxi avec un blouson rouge tagué et une bague à tête de mort.
Pour se faire aimer de Vincent, Alice va tendre un piège à un chauffeur de taxi choisi au hasard dune conversation, un homme qui lui dit combien il lui trouve lair triste et seule sur cette banquette arrière. Un homme qui lui propose un «double happiness» après son service. Il dit quil peut lui donner du trash mais propose néanmoins un peu de romantisme pour la première fois, elle répond quelle préfère le trash.
Les scènes damour entre le taxi et Alice sont terriblement troublantes et sensuelles, filmées en silence réel que ne vient troubler que le vacarme dun train qui passe à toute vitesse dans la nuit, un logement misérable sans doute près dune gare.
Harvey Keitel est extraordinaire dans le rôle de cette victime qui pourrait bien être un bourreau devenu victime consentante en ayant trouvé son alter ego féminin de lenfer. Emouvant, bouleversant, inquiétant, attirant, pathétique, on craque pour ce «bad taxi» comme Alice va succomber en poursuivant sa chimère de se faire aimer de son voisin qui saperçoit enfin (trop tard ?) de sa présence. En cela, le happy end, raccroché en fin de film comme pour rassurer le spectateur et déculpabiliser le scénariste de ses pensées trop trash pour un public américain pudibond (le film est tourné à New York en anglais), déçoit, mieux vaut refaire la fin du film en imagination (décidemment la fin des films est limpossible challenge de ce festival où les happy end visant les premières places du box-office se succèdent, voir les confiseries de «The Illusionnist»).
Le casting Harvey Keitel/Emmanuelle Béart est volcanique, la générosité de lactrice trouve un partenaire à sa mesure pour partager cette démesure quelle doit souvent contenir dans le cinéma français (sauf avec Chabrol), cest autre chose quun face à face avec Daniel Auteuil chez Claude Sautet, je vous le dis !!! Emmanuelle Béart gagnerait à avoir les mêmes emplois que sa consoeur Juliette Binoche, même passion, même générosité, même goût du danger, des tempéraments explosifs qui réfutent léconomie démotion et irradient lécran.
Le New York de Manuel Pradal est un fantasme cinéphile daccro du Manhattan de Scorsese et de Woody Allen, le réalisateur sapplique à rendre une belle copie et ça se sent un peu trop avec ces belles cartes postales en noir et blanc, ces plans «pour le plaisir» qui napportent rien au film. Ennio Morricone signe une musique rare, ce qui a valu au réalisateur de se faire apostropher par un journaliste : pourquoi avoir engagé Morricone et lui avoir demandé si peu de choses… On voit que le réalisateur est autant influencé par le cinéma indépendant américain que par le film intimiste français, tentant de faire le pont entre les deux rives, la synthèse entre les deux cinémas, pour servir un scénario intelligent et inventif avec lécueil de ne pas trouver son propre style à la sortie quépisodiquement. Un film prometteur dun réalisateur ambitieux qui devrait compter à lavenir. A conseiller.
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