« Black book » : le dessous des cartes

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Drôle de personnage que le réalisateur Paul Verhoeven, qui a commis «Basic instinct» et «Showgirls» à Hollywood et qui se passionne pour la théologie. D’origine hollandaise, Verhoeven a quitté le luxe des studios pour tourner dans son pays et dans sa langue maternelle. Dans une interview qu’il a donné à «Première», on est horrifié de la principale raison de son choix de quitter les USA pour venir faire son film en Europe : "… Aux USA… les films sont devenus des produits destinés à soutenir la vente d’autres produits comme des jeux vidéo. Impensable de faire là-bas un film qu’on ne peut pas vendre avec autre chose comme « Black Book"… Le temps de cerveau disponible de Le Lay n’est pas loin…

D’autant plus difficile de tourner aux USA un film qui serait considéré comme subversif parce que les allemands ne sont plus considérés comme des monstres et les Résistants comme des saints, c’est nettement plus nuancé. Ici, il s’agit d’une lecture contemporaine de l’histoire avec du recul et un tempérament iconoclaste dont on verra plus loin qu’il n’a pas toujours été exploité à sa juste mesure.

Le film commence et finit dans un kibboutz en 1956 où l’héroïne Rachel Stein a refait sa vie sans que ce soit devenu facile pour autant. D’un car de touriste, sort une jeune femme rousse qui va indiscrètement prendre une photo d’une classe. La maîtresse d’école est sur le point le mettre à la porte quand elle reconnaît sa compagne des années de guerre : Ronnie.

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Flash-back sur 1944 : Rachel Stein qui a trouvé refuge dans une ferme, échappe de peu à un bombardement et se met en quête de passer en zone libre. Elle retrouve les siens sur une embarcation piège menée par un passeur et voit toute sa famille massacrée sous son nez. Seule rescapée, elle intègre un peu par hasard un réseau de résistance à La Haye. Mandatée par le chef du réseau, elle est chargée de séduire un officier allemand pour infiltrer les services de renseignements allemands. Débarquée teinte en blond platine à la Gestapo, Rachel, qui s’appelle à présent Ellie de Vries, vit une histoire ambiguë avec un des chefs, le capitaine Ludwig Müntze qui n’est pas vraiment dupe de son identité réelle. Mais sous les ordres de Müntze qui est un modéré, sévit l’officier Franken, un gros porc corrompu qui vole les familles juives qu’il fait déporter et attend l’occasion de prendre la place de son supérieur. Avec la complicité de la secrétaire de Franken qui est aussi sa maîtresse, la Ronnie du début du film, femme effrontée et opportuniste, Rachel/Ellis va se sortir d’affaire pour tomber dans les griffes de ses anciens amis.

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Comme dans «Basic instinct» et «Show girls», Paul Verhoeven n’a pas résisté à dénicher une blonde fatale au corps parfait (à noter que l’actrice canon de «Show girls» retomba aussi vite dans l’anonymat que Sharon Stone en était sortie) qu’il déshabille dans deux ou trois scènes de séduction assez pudiques au demeurant, ces scènes ayant pour objectif de mettre le corps de l’actrice en valeur, l’homme n’étant que le faire valoir, comme une scène d’étreinte très esthétique filmée dans miroir.

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Ce qui est nouveau dans ce film de guerre de facture classique, c’est la dénonciation de la corruption et de la trahison dans les deux camps, les méchants sont partout : chez les résistants hollandais comme chez les allemands pour ne pas dire que Verhoeven charge les barque des exactions de ses compatriotes, en particulier quand il montre les règlements de compte sadiques de certains d’entre eux après la libération. C’est ce dessous des cartes dans les deux camps dont aucun n’est dont aucun n’est tout coupable ou tout victime, qui va de trahisons en retournements de situations, rythmer le récit de multiples rebondissements. Paradoxalement, la présence de ces ruptures de récit n’empêchent pas une impression de longueurs, voire d’une certaine fadeur, comme si le rythme ne fonctionnait pas toujours dans la pratique comme aurait dû le permettre, voire l’imposer, le scénario. Possible que le choix de l’actrice jouant Rachel, souvent malmenée mais surtout vamp et manipulatrice en robes de satin glamour glace le personnage en une sorte de Mata-Hari généreuse un peu trop idéalisée et pas toujours crédible malgré le talent de l’actrice Carice Van Houten à qui on ne peut rien reprocher.

C’est un film pavé de mauvais sentiments, pessimiste et critique, dénonçant la face sombre de la guerre telle qu’on ne la raconte pas dans les livres d’histoire mais qui ne va pas au bout de ses idées dans ce qu’il montre à l’écran, trop lisse, trop timide, trop évasif, comme auto-censuré, le conditionnement d’Hollywood a-t-il frappé mentalement Verhoeven même hors des frontières de l’Amérique? Il y a une inadéquation entre le sujet du film et le film fini tel qu’il est réalisé, on aurait préféré un peu plus de réalisme en appoint des réalités courageusement dénoncées. Cependant, dans l’ensemble, malgré ces quelques réserves, c’est un film intéressant qu’on peut clairement conseiller.

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zoliobi

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