CANNES/QUINZAINE des réalisateurs/ »Gegenüber » + « Garage » + « Tout est pardonné »

La dernière journée de la reprise parisienne de la Quinzaine des réalisateurs au cinéma des cinéastes, reprise organisée par le Forum des images "hors les murs", a montré des films plus tristes les uns que les autres se terminant sur le mélo raisonnable d’une jeune réalisatrice française qui a séduit la Quinzaine à Cannes, et, paradoxalement, c’était le mélo le moins émouvant…
Un mot au passage sur ce cinéma des cinéastes, lieu ostensiblement tendance avec des murs et ses escaliers nus genre loft à Soho, son accueil peu aimable et son restaurant chichiteux hors de prix sous la forme d’un bar à vins. Je ferai bientôt un billet comparatif sur ce que j’ai noté des cinémas parisiens et leur accueil, etc… quand on voit la gentillesse et la simplicité compréhensive du cinéma Reflet Médicis qui programmait simultanément Un Certain regard, y a pas photo, comme on dit…

"GEGENUBER"*** de Jan Bonny (Allemagne)

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C’est sans doute le film le plus dur de la journée sur le thème des violences conjugales et les scènes où l’épouse roue de coups son mari sont assez difficiles à supporter.

Georg, policier modèle est mariée à Anne, une institutrice dont il a deux enfants. Malheureusement, le couple ne gagnant pas assez d’argent, c’est le père d’Anne qui rédige les chèques et les humilie en retour, considérant son gendre et sa fille comme des loosers. Anne, subjuguée par son père, ne désire qu’une chose, susciter son admiration une fois dans sa vie. Cela passerait par la promotion de Georg au rang de commissaire de police mais alors, c’est elle qui se sentirait inférieure à son mari. Ecartelée entre ces deux désirs antagonistes, Anne, profondément névrosée, voudrait que Georg soit suffisamment fort pour lui résister et suffisamment faible pour avoir le dessus, comme qui dirait une chose et son contraire.

Ménageant son épouse à l’extrême, Georg se met en situation de se faire taper dessus, non seulement en faisant des «bêtises» comme renverser son café pendant un repas de famille mais surtout en redoutant les crises de sa femme, ce qui les déclenche invariablement… Quand Anne se précipite, hystérique, pour lui intimer de nettoyer sa chemise selon sa méthode à elle, les enfants claquent la porte pour échapper à la crise de leur mère et elle reproche ensuite à Georg leur départ. Le fils paresseux ayant décidé de stopper ses études, on n’ose pas le dire à sa mère… pour préparer le terrain, Georg prend l’initiative d’offrir du champagne impromptu un soir et se voit alors accusé de cacher quelque chose à sa femme, ça tourne au drame. Comme disait un critique de Cannes, la salle attendait fiévreusement pendant la projection qu’il lui réponde et la frappe à son tour tant c’est pénible de le voir se laisser faire !

Sans jouer les psys, les choses ne sont jamais simples dans ce type de rapports de couple victime-bourreau, en frappant Georg, Anne attend qu’il résiste, qu’il riposte, allant jusqu’à lui dire de se défendre, voire de la frapper. Mais Anne est incapable de se contrôler, ne supportant pas la moindre contrariété, le plus petite frustration, elle va donc s’attaquer à celui qui a peur d’elle : son mari, comme le chien mord celui qui a peur d’être mordu (que débarque le collègue Michaël sans gêne qui n’a nullement peur de la contrarier et la voilà séductrice). En même temps, Anne teste Georg et le voudrait homme fort comme son père, espérant toujours qu’il va se rebiffer. Le zèle de Georg à se comporter en victime n’est pas loin de la névrose non plus, il devance l’appel et se met un peu dans la même situation sacrificielle avec ses collègues de bureau.

Film sombre au propre et au figuré, les premières scènes sont tournées quasiment dans le noir, les repas de famille lugubres, le réalisateur nous entraîne rapidement et efficacement dans la crainte que Georg soit frappé par sa femme, redoutant qu’il fasse une bévue, ambiance… Un film poignant, déprimant et choquant sur une histoire d’amour malgré tout.

"GARAGE"**** de Lenny Abrahamsson (Irlande)

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Prix art et essai de la Quinzaine des réalisateurs, c’est un des films les plus touchants vus cette année dans ces sections parallèles.

Josie, homme un peu simplet, employé dans un garage, prend les choses à cœur, c’est le moins qu’on puisse dire, pour s’investir au travail. Ayant dégoté un vieux présentoir pour y aligner quelques bidons d’huile à vendre, c’est l’événement de sa journée, il en parle au patron, il en parle aux clients, veille à le sortir soigneusement tous les matins et à le rentrer le soir dans le local. Mais un événement beaucoup plus important émoustille Josie qui va aussitôt aller le raconter à la cantonade au café où il se rend tous les soirs : «on» va ouvrir le WE, ce «on» désignant le garage dont le patron lui a demandé de rester trois jours par semaine jusqu’à 22h sans le payer davantage pour autant. Pour pigmenter l’affaire, le patron lui expédie un ado de 15 ans pour donner un coup de main. La vie de Josie s’enflamme : prenant tous les soirs son repas seul dans le local crasseux, regardant la télé sur un vieux canapé taché et sortant boire un verre au café où il est souvent le seul client, les distractions de la petite ville sont rares. Tout comme les autochtones se moquent gentiment de Josie en étant finalement touchés par sa gentillesse, l’ado à lunettes ne va pas tarder à renoncer aux moqueries tout en l’exploitant. A présent, le soir, Josie apporte des canettes de bière au groupe de copains de l’ado du garage et partage leurs soirées, il se sent accepté.

Les conversations de Josie sont un florilège de lieux communs destinés à faire la conversation, à dire quelque chose, à nouer un contact, il est rarement contrariant, donnant raison au dernier qui parle, provoquant le consensus. Et aussi, Josie voit la vie en rose : un beau ciel nuageux, un nouveau présentoir de bidons d’huile, une visite chez la jolie épicière, un rien lui fait plaisir. En rentrant de la ville le soir, Josie va dire bonsoir au cheval de labour près de chez lui, il lui apporte des pommes, lui fait un brin de causette, la communication s’établit mieux qu’avec les hommes… Mais un jour, un chauffeur de camion avec qui il entretient des relations amicales et qu’il envie de voyager alors que l’autre ne voit que des kms d’autoroute à longueur d’année, croit lui faire plaisir en lui offrant une vidéo X…

Un film touchant au delà du possible, on sourit, on rit, et, soudain, on pleure, de belles images, une interprétation attachante (un acteur qui ressemble beaucoup à Jacques Villeret), un très beau film…

"TOUT EST PARDONNE"** de Mia Hansen-love (France)
/sortie 26 septembre 2007

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Ce film a clôturé la reprise de la Quinzaine ce soir et la salle était comble, la réalisatrice très jeune a présenté le film avec ses acteurs et est revenue pour un débat après la projection.

Trois partie dans ce film découpé au rasoir : Vienne, Paris et Pamela. A Vienne en 1995, un couple mixte, Victor, français et Annette, allemande, ont une petite fille de 4 ans, Pamela. Tout irait presque pour le mieux si Victor n’avait une vie la nuit qui ruine celle qu’il a dans la journée en écrivant mollement des livres : il est dépendant de la drogue. Pour changer de cadre, le couple décide de s’installer à Paris mais c’est pire, Victor passe ses nuits à se droguer et trouve finalement une compagne de défonce qui mourra dans ses bras d’une overdose. Après ce drame, Annette, sa femme décide alors de s’exiler avec leur fille à Caracas et Victor ne les reverra pas avant douze années. Ce qui amène à la troisième partie du film sur Pamela adolescente vivant à présent à Paris avec sa mère, un beau-père et deux demi-frères.

Ce film a une qualité : il est très construit, comme a dit le sélectionneur de la Quinzaine ensuite, pour un premier film, il est parfaitement maîtrisé et comme l’a avoué la réalisatrice «Je n’ai aucune fantaisie», c’est lucide ! On apprendra aussi, contrairement aux apparences, que ce film n’est pas autobiographique, c’est de la fiction et la réalisatrice a plutôt des influences littéraires que cinématographique quand elle écrit un scénario. A la réflexion, il est vrai que si on pense aussitôt à une autobiographie, c’est uniquement à cause du sujet, invente-t-on un sujet pareil ? Mais le thème de la drogue et du couple n’est pas traité de manière à susciter une quelconque empathie, le récit est descriptif, sans psychologie, sans souffrances crédibles auxquelles le spectateur pourrait être sensible car décrites avec de la distance et de manière aseptisée. Un spectateur a dit après le film «vous avez fait un mélo et votre film est lisse» et il a parlé des aspérités manquantes comme chez Truffaut et Pialat, la réalisatrice a été touchée, elle a tenté de s’expliquer, notamment par la construction stricte du scénario. Je crois personnellement que ce qui manque cruellement à cette réalisatrice à l’ indéniable technique (scènes isolées dans une boite de nuit, couleurs et mouvement, dommage qu’elle ne poursuive pas dans ce ton), c’est le vécu, visiblement, elle ignore ce dont elle parle, c’est de la littérature et ça se sent tout le long ce long film. La carence en vécu et ressenti est d’autant plus voyante que le parti pris du film est d’être naturel et réel (plans bien propres sur les seringues), cinéma du quotidien au superlatif (excès de bavardages trop écrits), soit aux antipodes du roman.

Curiosité du film, Paul Blain, l’acteur principal est le fils de l’acteur culte du "Beau Serge", Gérard Blain, avec qui il avait d’ailleurs tourné "Ainsi soit-il"sous sa direction…… : C’est en organisant une rétrospective sur son père à Paris que Paul Blain a rencontré la réalisatrice. Des deux autres actrices présentes au débat, l’une a été castée dans la rue, son premier rôle, l’autre a répondu au casting officiel. Dans l’ensemble, les acteurs sont comme le film, forçant un naturel qu’il n’atteignent que partiellement.

Un début ambitieux cependant pour Mia Hansen-Love, douée pour les images mais préférant le texte, avec son parti pris anti-trash, si sage, si pudique, presque démodé… Toutefois, un film français qui a le mérite d’écrire une histoire autre qu’une idée de scénario à diluer, c’est tout de même bon signe…

 

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Posted by:

zoliobi

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