« La Tête de maman »/Avant-Première/Projection test
Comme le demandait le questionnaire à la fin de la projection-test : seriez-vous allé voir ce film sans y être invité ? Non Le conseilleriez-vous à un tiers ? Bof Il y des choses dans ce film qui le rendent indéniablement sympathique : ce coté bricolé dun premier film, une originalité de lidée de scénario quon soupçonne dêtre autobiographique (soupçon gratuit de ma part) avec son écueil : le mélange des genres : un tiers réalité, un tiers comédie, un tiers mélo et un quatrième tiers, comme disait Raimu (pour le Picon grenadine) de passages oniriques. On ajoute au mélange une nette propension à passer au fil du film dune histoire daujourdhui à un conte romantique où, chemin faisant, tout deviendrait à moitié rêvé, édulcoré, adouci, désincarné, conciliateur
Lulu, 15 ans, ne supporte plus la dépression de sa mère, Juliette, qui semble surtout préoccupée par son intestin, ce nest pas tant la tête constipée de sa mère que le colon de sa mère (notre avis sur le titre quon ne nous a dailleurs pas demandé : « La Tête de maman » = une erreur : ça me fait penser à ce film tellement drôle qui na eu aucun succès à cause de son titre « Le Fils du français »). Lourde famille, la grand-mère plutôt monstrueuse avec son vieux stérilet caché au grenier, la mère et ses visites compulsives dans les herboristeries, ses flatulences, sa lassitude perpétuelle, son immaturité, son indifférence à tout Une scène au début résume le profil psychologique de famille de Juliette qui vit la tête immergée dans le passé : chaque génération y va méditer sur un banc symbolique les malheurs de la précédente, Juliette revoit son père brûler dans lincendie de leur maison, sa grand-mère pensait à sa famille déportée, lancêtre à une guillotine, etc La réalisatrice film alors en gris-mauve les images du passé et les bancs successifs au cours de siècles
Mais sous le colon douloureux de Juliette, il y a une autre cause de tristesse Peut-être même la maladie chronique est-elle la conséquence de cette tristesse. Le jour de son anniversaire, Lulu découvre par hasard une photo de sa mère à 20 ans dansant topless en paréo, une autre femme Dès lors, ladolescente naura de cesse que de faire retrouver le sourire à cette mère quelle na jamais connu en train de samuser et sy emploiera tous les moyens, y compris celui de lui ramener sur un plateau son amour de jeunesse, Jacques, un vieux baba-cool employé dans un zoo avec qui Juliette partage une passion enfantine des animaux. Dans un premier temps, Lulu, révoltée par le sourire béat de sa mère avec un autre homme que son père, va la maudire, dans un second temps, la force de cet amour intemporel va la toucher et la rapprocher de sa mère quelle va materner comme son enfant, inversion des rôles. Dans tous les cas, Juliette, vrai personnage central du film, est une rêveuse passive prise en sandwish entre la volonté de sa mère à elle autrefois et celle de sa fille aujourdhui, la grand-mère et la petite fille ayant en commun un solide sens de lautorité. Et le père dans tout ça ? Un figurant Interprété par Pascal Elbé que je vois pour la seconde fois au cinéma dans le rôle du mari cocu alors que son physique avantageux le prédisposerait à jouer plutôt le séducteur, le père de Juju est une bonne pâte qui va où ça ne contrarie pas sa femme et aurait plutôt dans le fond le tempérament ludique de la mère surexcitée de la copine de Juju avec qui il fait la fête. Le rôle de lamour de jeunesse échoit donc à Kad Merad, qui comme Bernard Campan, se trouve reconverti dans des rôles sérieux dhommes qui plaisent après avoir démarré dans le comique grimaçant.
Le tandem Juliette et Jacques, Karin Viard et Kad Merad, fonctionne bien, toutes leurs scènes en commun sont projetées dans un temps irréel avec des sentiments stylisés et des comportements angéliques, un peu comme dans un conte romantique. Si le film saméliore en cours de séance après un début difficile, cest en grande partie parce quil repose essentiellement sur ses acteurs et leur interprétation, et que justement, lactrice jouant Lulu (ado comme il y en a mille affligée de dialogues provoc) cède peu à peu la place à Karin Viard et on y gagne nettement au change
Lidée de scénario nest pas mauvaise mais le livret est mince Plus le drame prend la place de la comédie, plus la réalisatrice déréalise son film comme si le sujet était trop lourd à traiter On démarre avec une violente bagarre de Juju et son copain qui se roulent dans la terre à se taper dessus et à saigner et on finit dans une lumière blanche dun mélo qui récuse le mélo où toute réalité est gommée, les draps blancs, la chemise de nuit en soie blanche, la photo, tout est soudain passé à la craie dun deuil blanc. Entre ces deux temps, le réel provocateur du début tendance djeuns (les dialogues genre «ma mère, elle kiffe sa merde» ou «cest toi que je voulais crever, connasse») et le rêve final désincarné pavé de bons sentiments et de pardon des offenses, la partie centrale du film est la plus agréable à regarder qui ne va pas chercher midi à 14 heures : cest le temps de linsouciance de la jeunesse de Juliette et Jacques, hippies rustiques avec toute lutopie des années post-soixante-huit dans un style coloré un peu kitsch.
Le questionnaire post- projection insistant sur la présence de Jane Birkin jouant son propre rôle en fantasme de Lulu qui converse avec elle en imaginaire en substitut de mère et écoute ses disques en boucle, disons-en un mot : le visage vieilli et fatigué de lactrice en regard des pimpants posters de Jane Birkin jeune affichés dans la chambre de lado, aurait plutôt tendance à faire mesurer encore une fois linexorable du temps qui passe, ce quon na cessé de méditer avec le retour de Jacques quon nous présente «tellement changé» et Juliette «méconnaissable». Dans le même esprit du changement physique vu par une ado et sans doute par la réalisatrice (qui semble avoir une idée spectaculaire du changement physique imputable au vieillissement) : pour jouer Juliette 20 avant, on fait appel à une autre actrice que Karine Viard, alors que cette dernière aurait très bien fait laffaire en changeant maquillage et coiffure dautant que la photo floutée de cette période sy prête
Un film inégal qui cherche son style, avec un sujet sans doute un peu trop personnel pour avoir du recul sur les personnages, mais un cinéma nouvelle génération où on nhésite plus à insérer des effets par ci par là et à passer de la réalité au rêve sans complexes bien que ce soit très difficile à manier. Un premier film agaçant mais attachant et créatif avec une Karin Viard juste, sobre et émouvante comme dhabitude, une des grandes actrices françaises, on le sait
Film présenté en projection-test par UGC (invitation grâce à la carte UGC illimitée dans de très bonnes conditions, merci, ce n’est pas avec la carte Gaumont qu’on serait ainsi chouchouté puisqu’on reçoit zéro invitations de leur part pour un abonnement mensuel plus cher…) qui sortira normalement en salles le 4 avril 2007.
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