« La Tête de maman »/Avant-Première/Projection test

18669665

Comme le demandait le questionnaire à la fin de la projection-test : seriez-vous allé voir ce film sans y être invité ? Non… Le conseilleriez-vous à un tiers ? Bof… Il y des choses dans ce film qui le rendent indéniablement sympathique : ce coté bricolé d’un premier film, une originalité de l’idée de scénario qu’on soupçonne d’être autobiographique (soupçon gratuit de ma part) avec son écueil : le mélange des genres : un tiers réalité, un tiers comédie, un tiers mélo et un quatrième tiers, comme disait Raimu… (pour le Picon grenadine) de passages oniriques. On ajoute au mélange une nette propension à passer au fil du film d’une histoire d’aujourd’hui à un conte romantique où, chemin faisant, tout deviendrait à moitié rêvé, édulcoré, adouci, désincarné, conciliateur…

Trois parties narratives distinctes, trois styles, donc, primo, la présentation des personnages avec un ton réalité, langage quelquefois à deux doigts du vulgaire (on verra plus tard), secundo, le passé des amoureux en flash-bach avec une photo colorée floutée du bonheur, tertio, le mélo, la maladie, la mort blanche comme l’image tandis que le récit se désincarne franchement.

Lulu, 15 ans, ne supporte plus la dépression de sa mère, Juliette, qui semble surtout préoccupée par son intestin, ce n’est pas tant la tête constipée de sa mère que le colon de sa mère… (notre avis sur le titre qu’on ne nous a d’ailleurs pas demandé : « La Tête de maman » = une erreur : ça me fait penser à ce film tellement drôle qui n’a eu aucun succès à cause de son titre « Le Fils du français »). Lourde famille, la grand-mère plutôt monstrueuse avec son vieux stérilet caché au grenier, la mère et ses visites compulsives dans les herboristeries, ses flatulences, sa lassitude perpétuelle, son immaturité, son indifférence à tout… Une scène au début résume le profil psychologique de famille de Juliette qui vit la tête immergée dans le passé : chaque génération y va méditer sur un banc symbolique les malheurs de la précédente, Juliette revoit son père brûler dans l’incendie de leur maison, sa grand-mère pensait à sa famille déportée, l’ancêtre à une guillotine, etc… La réalisatrice film alors en gris-mauve les images du passé et les bancs successifs au cours de siècles…

Mais sous le colon douloureux de Juliette, il y a une autre cause de tristesse… Peut-être même la maladie chronique est-elle la conséquence de cette tristesse. Le jour de son anniversaire, Lulu découvre par hasard une photo de sa mère à 20 ans dansant topless en paréo, une autre femme… Dès lors, l’adolescente n’aura de cesse que de faire retrouver le sourire à cette mère qu’elle n’a jamais connu en train de s’amuser et s’y emploiera tous les moyens, y compris celui de lui ramener sur un plateau son amour de jeunesse, Jacques, un vieux baba-cool employé dans un zoo avec qui Juliette partage une passion enfantine des animaux. Dans un premier temps, Lulu, révoltée par le sourire béat de sa mère avec un autre homme que son père, va la maudire, dans un second temps, la force de cet amour intemporel va la toucher et la rapprocher de sa mère qu’elle va materner comme son enfant, inversion des rôles. Dans tous les cas, Juliette, vrai personnage central du film, est une rêveuse passive prise en sandwish entre la volonté de sa mère à elle autrefois et celle de sa fille aujourd’hui, la grand-mère et la petite fille ayant en commun un solide sens de l’autorité. Et le père dans tout ça ? Un figurant… Interprété par Pascal Elbé que je vois pour la seconde fois au cinéma dans le rôle du mari cocu alors que son physique avantageux le prédisposerait à jouer plutôt le séducteur, le père de Juju est une bonne pâte qui va où ça ne contrarie pas sa femme et aurait plutôt dans le fond le tempérament ludique de la mère surexcitée de la copine de Juju avec qui il fait la fête. Le rôle de l’amour de jeunesse échoit donc à Kad Merad, qui comme Bernard Campan, se trouve reconverti dans des rôles sérieux d’hommes qui plaisent après avoir démarré dans le comique grimaçant.

Le tandem Juliette et Jacques, Karin Viard et Kad Merad, fonctionne bien, toutes leurs scènes en commun sont projetées dans un temps irréel avec des sentiments stylisés et des comportements angéliques, un peu comme dans un conte romantique. Si le film s’améliore en cours de séance après un début difficile, c’est en grande partie parce qu’il repose essentiellement sur ses acteurs et leur interprétation, et que justement, l’actrice jouant Lulu (ado comme il y en a mille affligée de dialogues provoc) cède peu à peu la place à Karin Viard et on y gagne nettement au change…

L’idée de scénario n’est pas mauvaise mais le livret est mince… Plus le drame prend la place de la comédie, plus la réalisatrice déréalise son film comme si le sujet était trop lourd à traiter… On démarre avec une violente bagarre de Juju et son copain qui se roulent dans la terre à se taper dessus et à saigner et on finit dans une lumière blanche d’un mélo qui récuse le mélo où toute réalité est gommée, les draps blancs, la chemise de nuit en soie blanche, la photo, tout est soudain passé à la craie d’un deuil blanc. Entre ces deux temps, le réel provocateur du début tendance djeuns (les dialogues genre «ma mère, elle kiffe sa merde» ou «c’est toi que je voulais crever, connasse») et le rêve final désincarné pavé de bons sentiments et de pardon des offenses, la partie centrale du film est la plus agréable à regarder qui ne va pas chercher midi à 14 heures : c’est le temps de l’insouciance de la jeunesse de Juliette et Jacques, hippies rustiques avec toute l’utopie des années post-soixante-huit dans un style coloré un peu kitsch.

Le questionnaire post- projection insistant sur la présence de Jane Birkin jouant son propre rôle en fantasme de Lulu qui converse avec elle en imaginaire en substitut de mère et écoute ses disques en boucle, disons-en un mot : le visage vieilli et fatigué de l’actrice en regard des pimpants posters de Jane Birkin jeune affichés dans la chambre de l’ado, aurait plutôt tendance à faire mesurer encore une fois l’inexorable du temps qui passe, ce qu’on n’a cessé de méditer avec le retour de Jacques qu’on nous présente «tellement changé» et Juliette «méconnaissable». Dans le même esprit du changement physique vu par une ado et sans doute par la réalisatrice (qui semble avoir une idée spectaculaire du changement physique imputable au vieillissement) : pour jouer Juliette 20 avant, on fait appel à une autre actrice que Karine Viard, alors que cette dernière aurait très bien fait l’affaire en changeant maquillage et coiffure d’autant que la photo floutée de cette période s’y prête…

Un film inégal qui cherche son style, avec un sujet sans doute un peu trop personnel pour avoir du recul sur les personnages, mais un cinéma nouvelle génération où on n’hésite plus à insérer des effets par ci par là et à passer de la réalité au rêve sans complexes bien que ce soit très difficile à manier. Un premier film agaçant mais attachant et créatif avec une Karin Viard juste, sobre et émouvante comme d’habitude, une des grandes actrices françaises, on le sait…

Film présenté en projection-test par UGC (invitation grâce à la carte UGC illimitée dans de très bonnes conditions, merci, ce n’est pas avec la carte Gaumont qu’on serait ainsi chouchouté puisqu’on reçoit zéro invitations de leur part pour un abonnement mensuel plus cher…) qui sortira normalement en salles le 4 avril 2007.

 

Partager l'article

Posted by:

zoliobi

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top