Nikita Mikhalkov, la Russie de Tcheckhov (« Partition inachevée pour piano mécanique »)

Nikita Mikhalkov, années 70 et années 80, sortie 1er décembre 2009
Je lisais dans le dernier numéro de Positif leur dossier sur les DVD incluant une table ronde avec des éditeurs dont l’un dit que les cinéphiles préfèrent les coffrets : ils ne seront pas à court en période de Noël avec cette pluie d’épais coffrets. Soit dit en passant, Positif, à une exception près, s’offre luxe de parler uniquement des bonus dans ses critiques des coffrets DVD de l’année (on est censé connaître déjà tous les films…) Le prochain film du réalisateur Nikita Mikhalkov, « 12 », sortant le 27 janvier 2010, c’est l’occasion pour les éditions Potemkine d’éditer début décembre deux coffrets DVD du réalisateur russe, soit 7 films en tout. Fortement influencé par le théâtre, trois des films sont des adaptations de pièces de théâtre : « Cinq soirées », « Partition inachevée pour piano mécanique » et « Sans Témoins ». Adaptation littéraire aussi d’un classique de la littérature russe du XIX° siècle avec « Quelques jours de la vie d’Oblomov ». 

   

Pour son troisième film en 1977, Nikita Mikhalkov adapte
« Platonov », la première pièce (inachevée) de Tchékov : ce sera le film « Partition inachevée pour piano mécanique » considéré comme son chef d’oeuvre et une des meilleurs adaptations de Tchekhov à ce jour. C’est par ce film que j’ai commencé. Ca n’est pas un film facile malgré la verte campagne et le ciel d’été qui ouvre le récit d’autant qu’il dure presque 2 heures, très bavard, un peu trop théâtral à mon goût, heureusement qu’il y a les bonus pour éclairer, l’ensemble, voire traduire la traduction…
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Un dimanche d’été à la campagne, chez la jeune veuve Anna Petrovna, on attend la visite de voisins, certains qu’on a pas vu depuis longtemps. Parmi eux, son beau-fils avec son épouse Sofia et Platonov, aristocrate ruiné, devenu instituteur du village : Don Juan triste, marié à une épouse fade, Platonov reconnaît en  Sofia son premier amour, une femme qui l’avait connu autrefois brillant et ambitieux, étonnée qu’il ait dû arrêter ses études… Malgré tout, Platonov provoque la jalousie, voire la haine de certains convives. Les retrouvailles avec Sofia, témoin de ses ambitions passées, décuplent son énergie et ses regrets. Entre adultères, trahisons et explications, la fête tourne au drame. Le réalisateur s’est octroyé le rôle du médecin qui n’aime pas son métier et rechigne à interrompre la fête pour aller soigner l’épouse malade d’un ouvrier agricole.

Description de la décomposition d’une classe sociale, l’aristocratie russe, le film est cruel, maniant le drame et la dérision, ça fait un peu penser à la description des bourgeois par Brecht. Une assemblée dissipée, bruyante, infantile, riant sans cesse, ne pensant qu’à jouer, se distraire, s’ennuyant pourtant, des règlements de compte qui montent en intensité, des conversations sans cesse interrompues par les cris de l’interlocuteur en apercevant un autre, c’est assez odieux. La maîtresse de maison, aristocrate ruinée, vit des subsides d’un homme que tous méprisent et qu’elle trompe, le père pique du nez picolant dès le lever, les visites et mondanités les tirent de leur torpeur, constituant l’essentiel de l’activité plus passive qu’active. Le décor est celui d’une maison de campagne où l’on tient salon, soit dans le jardin soit dans le salon immense dans la maison. Le tout donne l’impression d’une volière désoeuvrée qui veut à tout prix s’amuser pour ne pas penser, sombrer dans la mélancolie.
Bonus du critique Pierre Murat, très érudit en cinéma et art russe, parlant la langue : dans l’oeuvre de Nikita M, il procédé qu’il appelle de « double détente » : émotion/dérision, exemple de la fin du film, Platonov se suicide en se jetant dans l’eau d’une falaise mais il se rate, l’eau lui arrivant aux genoux, ridicule, son épouse qu’on avait montré comme insignifiante le sauve, lui déclare son amour inconditionnel, émotion + rédemption par l’amour, autre thème en même temps de l’art russe « foi, amour et espérance ».

Bonus scénariste Alexandre Abadachian : une consigne en travaillant avec Nikita Mikhlakov : lire du Tcheckhov exclusivement en écrivant le scénario à deux mains pendant un mois et demi.

Coffret 1, années 70

« Le Nôtre parmi les autres »
« L’Esclave de l’amour »
« Partition inachevée pour piano mécanique »
« Cinq soirées »

Coffret 2, années 80

« Quelques jours de la vie d’Oblomov »
« La Parentèle »
« Sans témoins »

Editions Potemkine, sortie 1er décembre 2009.

 

Notre note

3 out of 5 stars (3 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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