
« J’attends quelqu’un » : l’apogée du CinéJe
Qu’aller voir cette semaine quand pas un film ne vous attire? Ayant déjà vu "Golden door" dans le cadre du festival du film européen de l’Essonne à l’automne, qui suscite dailleurs un beau chur critique pour un film plus ambitieux que génial, et, n’étant pas spartiatophile ("300"), je feuillette le programme…
Après Je crois que je l’aime, Je vais bien, ne ten fais pas, Je vous trouve très beau, je me regarde filmer, je mécoute jouer, etc… Le cinéJe ayant envahi lhexagone, mon choix s’est porté sur "J’attends quelqu’un", ne me sentant pas l’estomac de me coller "Ensemble, c’est tout" qui pourtant met le Je en ellipse Ces petites histoires persos censées intéresser le plus grand nombre, du particulier à luniversel, ça devient lourd Bien que sagissant de Claude Berri, devenu, après sa période dadapter tous les grands de la littérature («Germinal», «Uranus», «Jean de Florette» etc ), le cinéaste des histoires damour tristounettes prise de tête (série inaugurée par "Je vous aime" avec C.Deneuve), j’ai vu par hasard une nuit sur Canal son avant-dernier film que je n’aurais jamais eu l’idée d’aller voir en salles, et la présence salvatrice du couple Nathalie Baye et Pierre Arditi donnaient une vraie légèreté de ton à ce film mal parti sur ce registre…
Revenons à «Jattends quelquun» et sa qualité majeure : Jean-Pierre Darroussin et Emmanuelle Devos, deux acteurs justes et émouvants que jadore, ceci étant dit, le film peint par petites touches, mais alors très petites, le portrait de trois protagonistes qui attendent un amour passé, présent ou futur. La psychologie des personnages est subtile, on casse les archétypes, celui de la prostituée par exemple. Un couple se rhabille en plaisantant, elle fait virevolter sa jupe, il lui fait des compliment sur cette jupe, rien nindique quil sagit dune prostituée et de son client, cest pourtant le cas : Louis, patron dun café restaurant, gentiment dragueur «je moccupe des poubelles et ensuite des plus belles», voit Sabine tous les vendredis après-midis dans un hôtel, les rapports sont affectueux, complices, on se fait la bise pour se dire au revoir, elle parle de ses rendez-vous de boulot comme dun travail ordinaire, il confie ses soucis dargent. Ensuite, Louis (JP Darroussin) va voir une institutrice dans une école, on pense que cest son épouse Mais dans la chambre dune vieille dame malade dun Alzheimer, on se rend compte que cest sa sur quand leur mère ne reconnaît plus son fils, alors Agnès (E.Devos) rit et dans la voiture avec son frère, elle pleure en silence.
Le réalisateur utilise très souvent le procédé dexpliquer par le plan suivant. Dès le départ, on installe les personnages par un lieu, puis, on fait un contrechamp sur le personnage : long plan fixe du bord de la route avec les voitures qui passent dans le champ, vroum, puis, plan sur un jeune autostoppeur (Stephan) ; plan sur la fenêtre et puis, sur une femme, un homme (Sabine et Louis) ; plan sur la vitre dune classe et puis, sur la maîtresse décole (Agnès) qui parle aux élèves dont on nentend que les voix.
En me remémorant le film pour écrire ce billet, je me rends compte quil est bien construit, bien écrit, fin et délicat, ce qui ne lempêche pas dinduire une certaine somnolence, les personnages tournent en rond, cest lhistoire qui veut ça, toute petite, trop petite et pas assez radicale pour être typée (comme lexcellent «Feux rouges» avec JP Darroussin), le style est léger et grave, le ton balançant entre pessimisme et un certain optimisme sur le genre humain plus que sur les situations. Chacun des personnages attend, Stephan revient sur les lieux de sa paternité non assumée, Louis attend que Sabine lui dise quelle laime, etc… Les rapports entre Agnès et son mari sont finement brossés, cette intimité ludique des couples, cette façon quils ont de jouer ensemble, qu’elle a de le booster. On ne peut absolument rien dire de négatif sur ce film mais labsence totale dadrénaline, habitués que nous sommes aux sensations fortes (jai regardé «Old boy» de Park Chan-wook dans la soirée, aux antipodes, là, on frise le dopage
), déroute le spectateur, comme un sevré de caféine chercherait en vain une machine à cafés dans un magasin deau minérale. En conclusion, un JP Darroussin + Devos dans ce désert prépascal, ça vaut d’y passer si on a un Pass…
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