
La Vie des autres : Le film qui mérite ses récompenses…
Un officier du ministère de la sécurité d’état donne un cours à luniversité de la Stasi. Il fait écouter à ses étudiants lenregistrement dun interrogatoire dont on voit les images en alternance avec les images de la classe. Gerd Wiesler achève son cours quand le colonnel Anton Grubitz, ancien camarade de promotion, linvite au théâtre. Une allusion donne le ton des rapports entre les deux hommes quand le colonel feint de plaisanter quil a obtenu ses examens en partie grâce à Wiesler le bûcheur Et, dune certaine manière, pendant tout le récit (articulé sur tout autre chose), le puissant Grubtiz naura de cesse de lui rendre la monnaie de la pièce en humiliant le fonctionnaire Wiesler.
Au théâtre, un couple glamour, il est lauteur de la pièce, elle en est lactrice principale, Georg Dreyman et Christa-Maria Sieland sont parmi les rares artistes tolérés par le régime communiste «le seul écrivain non subersif», dit-on de Dreyman Le ministre de la culture Bruno Hempf assiste à la représentation, ce qui explique la présence de Wiesler auprès de Grubitz. Bruno Hempf, obsédé à la fois par lactrice Christa Sieland et par sa curée des intellectuels, a chargé le service de renseignements de Grubitz, par Wielser interposé, de mettre le couple sur écoutes pour trouver quelque chose à reprocher à lécrivain.
Le personnage de Gerd Wiesler est un pur et dur qui partage son temps entre son appartement lugubre au 11ième étage dune tour et le grenier du couple Dreyman/Sieland où sont planqués les magnétophones. Quand chez Wiesler, tout est gris, terne et marron, la tapisserie chinée, les meubles rares, chez le couple dartistes, il règne une ambiance chaleureuse avec boiseries, dossiers, livres et gravures. Démarrant son enquête sur le mode de la suspicion, petit à petit, ce fonctionnaire modèle va sattacher à ses proies Les détails de ce passage de lautre côté du miroir sont finement distillés, chemin faisant, Wiesler dérobe un livre de Brecht à Georg, écoute sa musique, sensible au charme de Christa, finissant par sinvestir à leur place Malgré cette ambivalence de la surveillance, le harcèlement de lécrivain et de sa femme va fabriquer un coupable
Filmé en grande partie la nuit, la lumière et les couleurs (brun, beige, gris, vert, gris-vert) sont magnifiques, peut-être un petit trop parfaites Le jaune bougie éclairant faiblement les rues sombres avec deux barres dimmeuble ocre sélevant tristement dans le ciel noir, les univers monochromes : le café tout gris acier, les tables, les pullovers, les visages, le grenier gris souris, les murs comme Wiesler, les pièces dinterrogatoire aux murs vert dentiste avec lofficier en uniforme vert armée La musique de Gabriel Yared soutient puissamment le film, rejoignant sans doute le point de vue du réalisateur quand on cite dans le film cette phrase de Lénine «si je lécoute, je ne finirai pas la révolution» (parlant de "l’Apassionnata" de Beethoven)
Avis : on peut ne pas lire ce qui est écrit en mauve avant d’avoir vu le film…
Il y a dans ce film deux niveaux de traitement : dabord, lhistoire avec grand H avec le procès du régime communiste paranoïaque et ses abus de pouvoirs ; ensuite, lhistoire damour de tout ces hommes, si différents les uns, des autres pour Christa. En résulte le seul défaut du film : la forme nickel pendant deux heures, mixant la trame politique et relations humaines entres les personnages, sétire vers les vingt dernières minutes en pas moins de trois fins annexes quand la première aurait suffit Et pas seulement parce que cest la première des trois fins successives mais aussi parce quelle sintègre au ton du récit et à lépoque (1984). Le réalisateur cède ensuite à la tentation de reconstituer lhistoire avec la chute du mur de Berlin quatre ans plus tard, sorte dépilogue qui casse le rythme. Un autre épilogue encore deux années plus tard avec un retour au romanesque carrément commercial, achève de plomber la fin du film. Car cest dun cinéma entre deux genres quil sagit : ni nouveau cinéma allemand comme lécole de Berlin ni cinéma franchement commercial non plus, cest un hybride, avec disons les beautés des images dun cinéma dauteur au service dune histoire despionnage mélo (au bon sens du terme). Malgré ces quelques restrictions, cest un film superbe très au dessus de la mêlée dont on chercherait en vain léquivalent dans le cinéma hexagonal
Film de nombreuses fois récompensé (voir sur l’affiche…)
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