
Le Dalhia noir : La Fleur du mal / avant-Première à Deauville

Critique du film "Le Dalhia Noir", La Fleur du mal
par Sylvain Etiret
Après louverture de la Mostra de Venise, Deauville lattendait et De Palma la fait ! Cela promettait dêtre un des points dorgue du Festival du film américain et léquipe du film, fort honorablement représentée par James Ellroy, lauteur du livre culte, Brian de Palma, le réalisateur, les acteurs masculins principaux Josh Hartnett et Aaron Eckhart, na pas déçu non plus.
Dans le Los Angeles de limmédiat après-2ème guerre mondiale, deux policiers, Bucky Bleichert (Josh Hartnett) et Lee Blanchard (Aaron Eckhart), sont chargés de lenquête sur le meurtre dune jeune femme, Betty Ann Short (Mia Kirshner), découverte affreusement mutilée. Leur enquête les conduit dans le sillage de la famille Sprague dont la fille Madeleine (Hilary Swank) est presque le sosie de la femme assassinée. Les recherches senfoncent alors dans les méandres de lhorreur au point que lenquête policière devient obsessionnelle pour Lee Blanchard dont le comportement et les relations avec sa compagne Kay Lake (Scarlett Johansson) sen trouvent altérées.
Que dire de plus sur cette histoire dont James Ellroy, grand gaillard sexagénaire souriant et enclin à la plaisanterie, dit lui-même quelle part dun fait divers réel, lui-même faisant écho au meurtre de sa propre mère ? Le temps de maturation nécessaire avant la rédaction du livre est sans doute significatif de lintention manifestement plus personnelle que purement littéraire pour lauteur. Plus quune simple enquête policière, il y a quelque chose dans ce récit de la mise à plat dun drame personnel et de sa tentative de cicatrisation.
Là où bien dautres se seraient appesantis sur dinterminables explications psychologisantes, Ellroy et De Palma sen tiennent à lintrigue policière, neffleurant que par moments, et uniquement lorsque cela est indispensable à la compréhension des événements, les ressorts mentaux des protagonistes. Ni charabia ni digression, pas denvolée métaphysique mais seulement des faits, un crime à élucider. Au milieu des passions, des tourments, certes, mais dans une réalité bien concrète : cest peut-être ce choix du factuel, qui, malgré la complexité de lhistoire, permet de canaliser lattention du spectateur.
Bien que le thème du double***, omniprésent dans la filmographie du réalisateur, soit le moteur de l’histoire, ce choix narratif marque une différence surprenante avec les précédents films de Brian De Palma, habituellement peu avare en symbolique et en codages, voire en références franchement psychanalytiques (Rising Cain (LEsprit de Caïn), Dressed to Kill (Pulsions), etc..). On peut imaginer que traiter à la fois le fil dune histoire aussi riche en rebondissements (et réputée inadaptable à lécran jusquà présent) et les ressorts psychologiques sous-jacents, aurait constitué un défi majeur pour lequel Monsieur de Palma aurait sûrement été à la hauteur de la tâche. Mais comme cest probablement dans le raccordement des évènements au quotidien que réside lessentiel du drame, lobservation «de lintérieur» des névroses des uns et des autres naurait sans doute en rien renforcé la tension dramatique, bien au contraire. Nul besoin non plus de verser dans le film dhorreur qui aurait été la solution de facilité, semble dire le réalisateur qui attend quasiment la dernière image pour nous faire entrapercevoir ce quaurait pu être son film sil avait choisi cette option.
La maîtrise technique de la mise en scène est remarquable, donnant au spectateur une impression permanente de film des années 50 comme un «LA Confidential» qui ne faiblirait à aucun moment. Au point que le souvenir rétinien en fin de projection demeure celui dune ambiance sépia, vaguement nostalgique, délicatement surannée. Légère ombre à un tableau trop parfait, les images du film à lintérieur du film, lenquête passant par le visionnage dun film amateur tourné par Betty Ann Short, aspirante actrice: le réalisateur ne parvient pas à recréer crédiblement le jeu des acteurs de lépoque mais peut-être est-il trop difficile pour un réalisateur unique dentrer simultanément avec la même intensité dans la mise en scène de deux films différents. Rêvons un peu : si la mode nétait pas depuis longtemps passée dassocier plusieurs metteurs en scène pour filmer différentes parties dun même film, imaginons ce que cela aurait pu apporter de renouer avec cette tradition (même si on sait que cette « tradition » reposait à lépoque glorieuse des studios plus sur des choix économiques que sur des options créatrices). Pour les esprits chagrins, une seconde ombre au tableau tiendrait en fait justement à ce qui en fait sa réussite. Si la complexité de lintrigue permet de se superposer à la complexité des esprits, elle se traduit assez rapidement pas une sensation dégarement du spectateur dans le dédale des rebondissements prévoir une séance de rattrapage ensuite ne sera pas forcément un luxe inutile.
*** Note du blog CinémaniaC :
Le second film de Douglas Buck, réalisateur de l’éprouvant "Family portraits" présenté en séance nocturne vendredi au festival de Deauville, ne sera rien d’autre que… le remake de "Sisters" de Brian de Palma avec Chloé Sevigny et Lou Doillon… bienvenue dans l’univers du double….
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