« Les Fous du roi » (« All King’s men » ) : on dirait le Sud…

D’aucuns ont fait la fine bouche devant ce film, ce n’est pas mon cas. L’histoire vraie de l’ascension et la chute de ce notable de province, végétant au fin fond de la Louisiane et propulsé du jour au lendemain gouverneur de son Etat, n’était pas facile à raconter même si le film est le remake de celui de Robert Rossen de 1949. Willie Stark, plouc ascétique et colérique mis sur la touche dans sa ville pour avoir dénoncé des pots de vin dans la construction d’une école, se voit un jour, par stratégie politicienne des adversaires d’un candidat officiel, poussé à se présenter comme gouverneur de la Louisiane. Sean Penn a dit dans une interview qu’il avait dû puiser dans tout ce qu’il détestait pour interpréter ce rôle. D’humaniste avec des intentions sincères et généreuses de réparer les injustices, l’homme politique va rapidement devenir populiste et corrompu, d’intègre et mari fidèle ne buvant pas d’alcool, l’homme va se laisser griser par le pouvoir, écumer les cabarets et les suites des palaces avec des danseuses.

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La rencontre de Willie Stark (Sean Penn) avec le journaliste Jack Burden (Jude Law) va être déterminante. Cet aristo blasé qui vote contre sa caste suit ses premiers pas et va lui donner un conseil que l’autre prendra au pied de la lettre : parler aux foules comme il parle dans la vie : avec sa colère, sa révolte et des mots. Le résultat est au delà des espérances, les discours de Willie Stark où il harangue les foules en leur donnant l’espoir qu’ «un plouc défende les droits des ploucs», comme il le dit lui-même, provoquent des ovations et, à la surprise générale, il est élu haut la main.

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On peut critiquer la construction du film dont les deux premiers tiers suivent de près Willie Stark et son staff rapproché, avec, en tête, Jack Burden devenu son plus proche collaborateur, quand un virage du dernier tiers du film met le portrait de Willie Stark au second plan pour donner la vedette à X avec l’irruption de la belle Ann Staton, fille de l’ancien gouverneur. Menacé de destitution, Willie Stark en vient à quémander l’aide de l’entourage de Jack, dont le juge Irwin (Anthony Hopkins), issus tous deux de ce milieu aristo qu’il déteste et qui le méprise en retour. Le film abandonne alors les frasques du gouverneur pour replonger dans une Louisiane blanche élitiste et conservatrice de la jeunesse dorée de Jack Burden vivant en autarcie dans un milieu raffiné et oisif habitué aux privilèges. Jude Law étant d’une beauté à couper le souffle, on ne s’en plaindra pas bien qu’on ressente que le film perd en intensité dramatique et en cohérence, la fin de Willie Stark étant un peu raccrochée en fin de film de dernière minute. On ne se plaindra pas non plus de cette histoire d’amour décolorée par le souvenir entre Jack et Ann, la sœur de son meilleur ami Adam Staton, enfants paumés de l’ancien gouverneur, dont on revoit une scène récidivante en flash-back nostalgique des trois jeunes gens beaux comme des dieux se baignant dans un lac à la tombée du jour, jadis… Parenthèse romantique offerte en bonus par le réalisateur…

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Avec ce casting d’enfer, le réalisateur a fait un film de facture classique dont on retient surtout son l’interprétation mais dont l’image soignée, la photo sous-exposée à dessein, les cadrages précis et la reconstitution des costumes d’époque, en font un spectacle très plaisant à regarder. Sean Penn se déchaîne dans les scènes où Willie Stark harangue les foules en hurlant son courroux mais ce n’est pas là qu’il est le meilleur. Immergé physiquement et psychologiquement dans son personnage de plouc avec le corps épaissi endimanché dans son costume gris, le visage gonflé de roublardise, l’expression mi-vicelarde mi-crédule, le cheveu rasé sur les tempes rassemblé en gazon sur le sommet du crâne, il est hallucinant, comme d’hab… Une scène dans un cabaret où Jack tentant une conversation avec Willie Stark, abruti par l’alcool, le regard égrillard et le sourire niais en matant une danseuse, lui répond en n’écoutant rien de ce que l’autre lui raconte, absorbé par ses pensées égrillardes, est absolument époustouflante, on se dirait, si on ne le savait pas déjà depuis longtemps, que Sean Penn est un génie…

Un beau film qu’on pourrait qualifier d’académique, sans effets ni fioritures, brillant par une interprétation à la hauteur de son casting haut de gamme qui outre Sean Penn, Jude Law et Kate Winslet s’offre Anthony Hopkins en second rôle.

Willie Stark (Sean Penn)
Jack Burden (Jude Law)
le juge Irwin (Anthony Hopkins)
Ann Staton (Kate Winslet)
Adam Staton (Mark Ruffalo)
Sadie Burke (Patricia Clarkson)

 

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Voir aussi mon billet sur la première du film à Toronto avec la vidéo de Sean Penn arrivant avec Robin Wright, sa femme, Jude Law et Kate Winslet à la première au Canada…

 

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Posted by:

zoliobi

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