
« The Prestige » : l’après Memento

Pour les fans de « Memento » dont je suis, ce nest pas la peine de vous précipiter au cinéma, vous pouvez attendre le film sur le câble dans quelques mois, ça suffira amplement
Après « The Illusionnist » en ouverture du festival de Deauville qui raconte la rivalité, amoureuse et politique, entre un magicien du Vienne du début du XIX° et le souverain en place, voici la rivalité entre deux autres magiciens au siècle dernier à Londres. Pour en finir avec ce parallèle entre les deux films, dans le premier, Edward Norton est la bonne nouvelle de ce film très grand public (sortie en janvier), dans le second, le propos est plus ambitieux, limage plus léchée mais linterprétation est molle, lhistoire à la fois explicative et alambiquée, et dans lensemble, on sennuie ferme.
Le film a lambition dêtre lui-même le tour de magie quil explique au début du film avec un principe de base : dans la magie, le spectateur ne voit que ce quil veut bien voir, il se laisse distraire et aime être dupe même si il croit le contraire. Il y aurait donc trois phases distinctes dans un tour : premièrement : la promesse, secondement, la disparition (le tour), troisièmement le prestige La première image du film montre une forêt de chapeaux haut de forme sur un tapis de feuilles rousses dans une forêt, on y reviendra vers la fin On enchaîne alors sur les trois mouvements dun tour de magie.
Deux magiciens, Robert Augier et Alfred Borden, ont depuis toujours un contentieux tragique : lun deux a tué la femme de lautre à loccasion dun tour de magie qui a mal tourné. Cest dailleurs en reproduisant ce tour de magie si dangereux avec le magicien Augier dans la trappe à la place de son épouse jadis disparue dans les mêmes conditions, le magicien Borden étant aux commandes, que le drame se reproduit : Augier mort, Borden est emprisonné et condamné à la pendaison. Le film en flash-back raconte lascension de deux jeunes gens devenus des magiciens célèbres et rivaux avec ces deux drames superposables comme points de départ et darrivée.
Lun est doué, lautre moins, pour supplanter Borden, Augier se fait appeler le Grand Danton mais ça ne suffit pas, il naura de cesse toute sa vie et même au delà de lui extorquer ses secrets. Augier avait une épouse quil aimait, Borden épousera une femme quil naime pas. Après la mort accidentelle de lépouse dAugier, une autre blonde prendra sa place pour être enfermée dans la boite du tour de magie. Après la mort dAugier, Borden attendant son exécution, un homme se présentera pour acheter les secrets de ses tours. Tout le long de l’histoire et à tous les niveaux, chacun prendra la place de lautre et ainsi de suite, la construction du scénario suivant la séquence du tour de magie type. La clé est dans la scène avec lenfant qui, seul, soupçonne que ce nest pas le même oiseau quon lui présente à la phase du prestige En effet, on voit le magicien vider la boite du cadavre broyé de loiseau disparu qui a été remplacé par un autre
Cette (trop?) ambitieuse idée de scénario naboutit pas à la même réussite que le challenge de «Memento» où lhistoire était filmée à lenvers et reconstruite scène par scène à rebours comme les souvenirs qui semboîtent du plus récent au plus ancien. Ici, pas dambiance glauque et de parano en miroir dans la mise en scène, on filme classique et consensuel, grand public et raffiné, bien que limage soit encore la plus belle part du film : la forêt sous la neige, les rues de Londres du début du siècle dernier, la scène de laccident de lépouse dAugier, on na que lembarras du choix pour sélectionner des belles séquences. Doù vient quon sennuie pourtant les deux tiers du film ? Pour une part, de linterprétation fade et sans génie, les acteurs sont transparents, ni attachants ni antipathiques, ils laissent indifférent et ne jouent pas très juste, surtout Christian Bale, seul Michaël Caine tire son épingle du jeu. Question subsidiaire : est-il encore possible de passer quelques jours en automne sans voir Scarlett Johansson dans un film ? (dans la quinzaine « Scoop », « Le Dahlia noir », « Le Prestige » ) : avec un jeu minimum identique depuis son arrivée sur les écrans, un physique de superpoupée Barbie exploité par les réalisateurs (sauf Woody Allen qui fait semblant de lenlaidir), un regard inexpressif inchangé dun film à lautre, elle passe, elle décore, la blondeur Marilyn, les lèvres carminées, la taille quelle a de guêpe pincée par des ceintures sanglées au plus près, etc Christian Bale, bon client des rôles typés et névrosés comme « American psycho » ou « The Machinist » nous communique sans doute son air de s’ennuyer, cest moins le cas du compère Hugh Jackman mais lensemble, malgré lincursion de David Bowie et la bonne prestation de Michaël Caine, l’ensemble ne convainc pas. Pour l’autre part et en finir avec pourquoi cet ennui, l’histoire souffre d’un excès de complications et d’explications, c’est longuet, passé la moitié du film, on aimerait bien qu’un magicien nous passe le générique de fin…
Beaucoup de qualités théoriques et de brillantes intentions dans ce film pour un résultat très moyen, la magie du cinéma, elle, nest pas au rendez-vous.
MMAD : j’ai rêvé d’un tour de magie qui transformerait de sinistres croquettes diététiques pour chats sédentaires en léger surpoids… en délicieuses barquettes au saumon en gelée…
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