Cannes 2007/UN CERTAIN REGARD/ + « Naissance des pieuvres » + « Le Voyage du ballon rouge » + « Mon frère est fils unique »

"NAISSANCE DES PIEUVRES"*** de Céline Sciamma (France)

SORTIE LE MERCREDI 15 aout 2007

naissancepieuvres


La réalisatrice du film est venue répondre à quelques questions après la projection en compagnie de deux de ses actrices. Céline Sciamma a la baraka : son film, c’était son scénario de fin d’études de la Fémis. Ensuite, quand elle a décidé de le tourner (elle n’a jamais réalisé aucun film auparavant, même pas un court métrage), elle a obtenu facilement tous les financements, l’avance sur recettes, Canal, Arte, etc… Ne restait qu’à trouver ses trois actrices, le plus difficile, trois mois de casting. Pauline Acquart (Marie) a été repérée au jardin du Luxembourg à Paris, c’est son premier rôle au cinéma, Adèle Haenel (Florianne) connaissait déjà la directrice du casting pour un précédent rôle. Le récit qui se passe dans le milieu de la natation synchronisée, sport exclusivement féminin, est d’inspiration autobiographique. Quand on lui demande pourquoi l’absence des adultes dans le film, elle répond que c’est un choix, et pourquoi aussi l’absence des relations des filles avec des garçons, elle répond qu’elle ne voulait pas traiter ce sujet par dessus la jambe en trois scènes, elle a tout recentré sur son histoire et c’est vrai qu’on remarque ce vide qui se resserre autour des trois héroïnes : pour la première moitié du film, il existe encore des personnages de second plan, des copines et collègues de natation qui pépient dans les vestiaires, des garçons sous la douche, une soirée, une boite de nuit, pour la seconde partie du film, il ne reste plus personne que les trois filles et les apparitions du beau mec stupide quasiment muet, sujet de toutes les convoitises.

Marie, embryon de femme, est fascinée par la natation synchronisée à moins qu’elle ne soit hypnotisée par sa reine, Florianne, somptueuse créature blonde, qui est le chef du groupe des nageuses, archétype de la séductrice désirée des garçons et détestée des filles. Anne, la meilleure amie de Marie ne la fait pas rêver , elle correspond plutôt à l’archétype de la grosse mal dans sa peau. Petit à petit, délaissant Anne et leurs jeux innocents, Marie va s’immiscer dans l’intimité de Floriane, la vamp, qui n’avait pas l’habitude des amitiés au féminin. Rétive et arrogante par principe, Florianne, rodée aux rapports de force, teste Marie et finit par céder à son amitié inconditionnelle, redevenant ce qu’elle est : une fille fragile et déprimée que son physique a condamné aux emplois de garce. Les rôles s’inversent et de demandeuse, quémandeuse, Marie va devenir demandée, désirée, réveillant des pulsions homosexuelles ignorées chez Florianne. Cependant, Florianne n’a pas renoncé à répondre aux avances du beau François qu’Anne, malgré son physique ingrat, a décidé de séduire par tous les moyens. Le film, aux images couleur de cabine d’UV, blanches et mauves, est un aquarium aux parois livides où se débattent les trois filles, où tous les coups sont permis pour déchiffrer sa sexualité dans le miroir de l’autre devenu objet du désir.

Quand on a demandé à la réalisatrice pourquoi les pieuvres, elle a répondu que ça correspondait "au monstre qui grandit dans nos ventres quand on est amoureux et jaloux", que dans la natation synchronisée, il y a aussi la surface et la face souterraine, ce côté sophistiqué et brillant qu’on voit à la surface de l’eau et la partie immergée sombre, les jambes qui s’agitent sous l’eau (qu’elle filme très bien, les nageuses exhibent à la surface soit leur visage et leurs bras, soit leurs jambes, la tête en bas dans l’eau). Elle a appris ensuite que la pieuvre possède trois cœurs…

Les actrices : l’une ressemble un peu à Charlotte Gainsbourg à ses débuts dans "L’Accompagnatrice" (Pauline Acquart/Marie), l’autre à une Julie Delpy devenue sex-symbol (Adèle Haenel/Florianne), une bombe platine! (ca m’étonnerait qu’elle ne soit pas happée à l’avenir par des réalisateurs…)

Un début encourageant pour Céline Sciamma avec ce film excessivement focalisé, voire refermé sur son sujet et ses héroïnes, aux dépends de leur insertion dans la vie quotidienne et de leur environnement (l’entourage, les lieux, le collège, la famille et les appartenances sociales sont totalement zappés), les trois actrices flottant à la surface du film comme des nageuses qui ne sortiraient jamais de l’eau…

"Mon Frère est fils unique"**** ("Mio fratello è figlio unico") de Daniele Luchetti (Italie)
/Sortie le 12 septembre 2007

1180961611_monfrere

Dans l’Italie des années 60 et 70, deux frères qui s’affrontent depuis l’enfance vont emprunter des trajectoires politiques antagonistes tout en poursuivant cette confrontation sans fin faites de conflits et de réconciliations.

Dans la famille Benassi , le frère cadet surnommé la Teigne, Accio, est le plus mal aimé et le leur rend bien. Trimballant sa hargne et sa colère du séminaire au parti fasciste où il s’inscrit pour emboîter le pas de son père de substitution, bavard vendeur de nappes au marché, Accio, colérique et bagarreur s’oppose à son frère, le beau est séduisant Manrico, inscrit, lui, au parti communiste. L’irruption de Francesca, petite amie de Manrico dont les deux frères sont amoureux, va les souder imperceptiblement au delà de leurs divisions

Portrait de l’Italie ouvrière provinciale où les parents Benassi sont logés dans des maisonnettes délabrées par l’usine qui leur promet un relogement fantôme, où certains sont encore nostalgiques de l’Italie fasciste du Duce, où d’autres s’apprêtent à faire la révolution, le beau ténébreux Manrico ayant le profil des recrues des futures Brigades rouges, le réalisateur décrit une poudrière prête à exploser.

Agréable surprise qui n’en pas vraiment une dans cette sélection Un Certain regard, le réalisateur Danielle Luchetti n’étant pas un novice, le film présente tout ce que le cinéma italien possède, entre autres choses, qui manque cruellement au cinéma français : mettre une histoire individuelle en perspective de l’Histoire (et pas seulement le cinéma italien, il semble que l’exception française est emmurée depuis la Nouvelle vague dans un sempiternel cinéma intimiste, en témoignent les films français de la sélection « Actrices » et « Naissance des pieuvres », pourtant parmi les meilleurs, films fermés et questionnants pavés d’états d’âme et de recherche du pourquoi du comment). Accio et Manrico, les deux frères ennemis, sont terriblement vivants, sensuels et charismatiques, la famille est à hurler de vérité, l’humour omniprésent malgré les drames, le récit vif et ryhtmé, que demander de plus…

"LE VOYAGE DU BALLON ROUGE"** de Hou Hsia Hsien (Taïwan/France)

1180963045_ballonrouge

M’étant personnellement considérablement ennuyée (je sais que c’est subjectif) pendant ce film tourné à Paris rive gauche, quartier qui semble fasciner le réalisateur asiatique (les bus, le métro aérien, les appartements miniscules et bondés de la rue Mouffetard, les relations amicales et sans-gêne entre voisins), les interminables scènes en temps réel et le jeu des acteurs dont on a l’impression qu’il improvisent… lentement… avec Juliette Binoche (blond platine avec teintures de cheveux plus ou moins réussies), en roue libre dans l’emploi d’une femme débordée et surexcitée, incapable de mener de front vie professionnelle et vie privée, Hippolyte Girardot plus convaincant mais peu présent, sans parler de la fin du film sans cesse différée (une fin aurait été bienvenue quand la baby-sitter passe son film du petit garçon et y voit la présence du ballon rouge sur l’écran de la télé), dont on peut espérer dix fois que le générique va enfin s’afficher… Bien qu’on retrouve les lumière jaunies, rougies, des intérieurs (belles images de l’appartement rougi avec la cuisine bleutée en arrière plan), grande déception s’agissant de HSS…

Bref, je laisse la parole au blog Lanterna Magica qui a davantage apprécié le film que le blog CinéManiaC…

Lire la critique du film "Le Voyage du ballon rouge" ainsi qu’un large panorama des films de la Quinzaine des réalisateurs sur Lanterna Magica…

ET AUSSI : l’interview de Hou Hsiao Hsien réalisée par le blog LanternaMagica en 2006 qui donne un éclairage très intéressant sur l’évolution de l’oeuvre du réalisateur : extrait : "… Je crois que mon cinéma, esthétiquement, est déjà arrivé à maturité. J’aimerais donc faire des choses un peu expérimentales. J’aimerais aussi faire un film simple mais avec plein d’énergie à l’intérieur. Pour moi, le plus important pour faire un film, ce sont les acteurs et les lieux de tournage car chaque lieu de tournage montre l’ambiance de la vie quotidienne… … Sinon, j’aimerais aussi parler d’un film français, «Le Ballon Rouge» . Dans ce film, il ne se passe finalement rien mais le réalisateur à réussi à tout montrer de la vie à cette époque là. Ca m’intéresse beaucoup… lire la suite…


Liste des critiques de films Un Certain regard Cannes 2007 sur le blog :

Actrices (France)
L’Avocat du diable (France)
El Bano del papa (Uruguay)
California dreamin’ (Roumanie)
(Et Puis les touristes) (Allemagne)
Magnus (Estonie)
Mon frère est fils unique (Italie)
Naissances des pieuvres (France)
Pleasure factory (Thailande)
La Visite de la fanfare (Israël)
Le Voyage du ballon rouge (Taïwan)

 

Partager l'article

Posted by:

zoliobi

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top