« A Casa Nostra » de Francesca Comencini / Avant-première (sortie mercredi 18 avril)

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Un déjeuner d’hommes d’affaires, un homme chauve qu’on appelle Docteur, un président corrompu d’une ligue politique, on y parle de spéculation et de business. La ville de Milan est grise, les intérieurs sont somptueux, des bureaux de la taille d’un musée, des restaurants chics et chers, théâtre des rencontres des personnages quand ils ont réussi matériellement.

Dans un de ces restos de luxe la nuit dînent aux chandelles deux couples, le chauve du début et une blonde superbe en âge d’être sa fille, et un couple jeune qui devrait être amoureux. Sauf que la blonde donne son numéro de téléphone par signes au jeune homme du couple. Le beau mec rejoint la blonde torride dans une suite d’un palace, après une étreinte fougueuse, elle songe à lui demander son prénom, se fait une ligne de coke, top model sans emploi fixe, maîtresse sous influence du chauve qui la délaisse.

La réalisatrice, Francesca, Comencini, poursuit sa présentation des personnages avec Bianca, une prostituée Ukrainienne (ça fera 3 avec «La Sconosciuta» de Giuseppe Tornatore, voir ma critique du film… – présenté vendredi- et «Come l’ombra» de Marina Spada, film en compétition, voir ma critique du film…). Dans l’équivalent milanais du bois de Boulogne, Bianca, la prostituée se gèle sur place en attendant un client dont il arrive parfois qu’il soit attentionné sous les traits d’Otello, repris de justice, qui lui apporte des gâteaux.

Le personnage de l’homme d’affaires chauve est au cœur du récit, dénominateur commun des chemins des personnages qui vont se croiser : son épouse, inconsolable de la perte de leur enfant, achète de la layette en cachette, plus tard, il nourrira le projet d’adopter un enfant par la filière Ukrainienne (comme dans "La Sconosciuta"). Pour cela, l’homme d’affaires, Ugo, utilisera un homme neutre qu’il fera chanter, le beau mec, Gerry, avec qui sa maîtresse, Elodie (Laura Chiatti) l’a trompé. La femme de Gerry, infirmière, recevra plus tard la prostituée Bianca, dans le coma, dans son service. Pendant ce temps, une femme policier, Rita (Valeria Golino) poursuit Ugo depuis des années pour le coincer, elle-même malheureuse en amour avec Matteo, le fils d’un couple de retraités vivant chichement de leur retraite.

Le point faible d’Ugo, qui a déjà tout matériellement, ce n’est pas sa maîtresse Elodie, c’est l’enfant perdu avec son épouse, celui de Gerry (duplicata d’Ugo jeune), c’est au contraire, la promotion sociale, l’argent vite gagné. Vieux et moche (Ugo), il en revient (quoique la solution à son problème passera encore par l’argent de l’adoption), jeune et beau (Gerry), il s’y précipite… Dans la course au profit, la valeur, l’anti-valeur, au centre de tous les enjeux, est l’argent, accumuler, posséder, se remplir de liquide… Elodie, virée de l’hôtel qu’Hugo ne paye plus après sa tromperie avec Gerry, s’épanche dans une émission de téléréalité. Oui, elle a trompé son amant, un homme important, influent, mais c’était par dépit car il l’avait obligée à avorter, elle sanglote, l’animatrice demande une coupure pub… Elodie interroge «ça va?», elle faisait semblant de pleurer pour l’attendrir, récupérer sa suite…

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Laura Chiatti, vue deux fois en deux jours après le génial «L’Ami de la famille» de Paolo Sorrentino projeté samedi soir, assure dans ce rôle de mannequin cocaïnomane sous l’emprise d’un homme riche qui lui sert de carnet de chèques et l’humilie en retour, la jettera à la rue à la première occasion. La robe décolletée dans le dos, pour ne pas dire clairement sur les fesses de Laura Chiatti quand elle arrive dans sa suite, rappelle furieusement celle de Mireille Darc dans «Le Téléphone rose», film dont on se souvient uniquement à cause de cette robe… Son rôle dans «l’Ami de la famille» est plus riche, plus abouti, plus fantaisiste, ici, elle est surtout employée comme le nouveau sex-symbol du cinéma italien, ce n’est d’ailleurs pas faux mais pas seulement… En effet, bien qu’aujourd’hui ce serait plutôt un handicap… on n’avait pas vu depuis les années 60 une actrice d’une telle beauté lumineuse dans le cinéma italien (voir mon billet avec les photos de l’actrice pendant le festival et son intervention après le film…).

Un film choral, encore un, avec tous ces personnages parfaitement dessinés, ces interactions impeccables entre les uns et les autres (presque trop), qu’on observe aussi froidement qu’ils se comportent avec leurs contemporains. Un film dont on sent dès la première image qu’il s’agit d’une production qui a des gros moyens financiers, surtout si on le voit après un film à petit budget (parlant aussi du sujet «Come l’ombra») en compétition au festival du cinéma italien, comme cela a été mon cas. Malgré tout ce soin, on s’ennuie pas mal, je tombe dans la subjectivité pure mais on n’est pas entraîné par ces personnages froids comme des lames, l’image ne nous transportant pas non plus, on attend que ça passe, on regarde ce western urbain dépourvu d’affect (excepté le couple de retraités assez touchants) sans jamais se sentir concerné alors que la démonstration devrait pousser au contraire à se remettre en question. Un film maîtrisé mais un constat de plus de l’Italie de Berlusconi avec ce thème de la prostituée Ukrainienne qu’on a vu, pour ma part, dans déjà trois films en quelques jours de festival de cinéma italien, et, surtout, celui universel de l’argent, seule "valeur" reconnue dans nos sociétés contemporaines.

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La réalisatrice, Francesca Comencini, une des deux filles (avec Cristina, réalisatrice aussi) du grand Comencini, disparu il y a peu, et l’actrice Valeria Golino

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zoliobi

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