
Giuseppe Tornatore au Festival du cinéma italien : avant-première de « La Sconosciuta » + « L’Aria Salata »

Avant-première vendredi soir du dernier film du réalisateur de «Cinema paradiso», Guiseppe Tornatore, venu présenter «La Sconosciuta» à lEspace Cardin. Le personnage est beaucoup plus jeune que je ne le pensais, sympathique et souriant. GT reste pendant la projection pour répondre à quelques rapides questions après le film car on enchaîne avec un film en compétition vers 22h30 «LAria salata» presenté par son réalisateur Alessandro Angelini, film mille fois plus intéressant que celui en compétition projeté la veille au soir «La Notte prima degli esami», chronique des années 80 de lycée pour un public ado.
"La Sconosciuta" ("L’Inconnue")
Portrait de femme, ce film est un mélo revendiqué qui ne mâche pas ses images, contrairement à ce que je reprochais au film dhier «Viaggio segreto», celui de Tornatore assume son sujet.
Trois jeunes femmes en string de dos, puis, trois autres femmes, sorte de casting porno sinistre dans un drôle de théâtre vieillot, les femmes se retournent, elles portent des masques blancs sur le visage pendant que des voix derrière un rideau choisissent lune dentre elles, on lui intime de se déshabiller, elle sexécute. Des souvenirs noirs parmi dautres encore plus noirs, qui poursuivent Irina depuis son départ dUkraine. Tout le film est construit autour de ces images obsédantes des traumatismes en alternance avec le film de la vie actuelle, odieuses scènes de sévices, dhumiliations, de dressage de prostituées de lest pour labattage, déversées en camionnette par leur proxénète sur les autoroutes ou ailleurs.
Dès son arrivée en Italie, Irina loue un petit logement dans un immeuble quelle na pas choisi au hasard. Très vite, elle propose ses services et un pourcentage de son salaire au concierge de limmeuble den face sil la fait engager comme femme de ménage. Une famille intéresse particulièrement Irina aux étages, un couple dorfèvres, les Adacher. Poursuivant un plan précis, Irina se lie avec leur vieille domestique Gina quelle emmène au cinéma ou au café. Pour précipiter les événements et prendre sa place chez les Adacher, Irina pousse Gina dans lescalier et la laisse infirme, transportée à lhospice. La petite fille du ménage Adacher est une victime comme Irina, sujette à des hématomes spontanés en tombant et devenue lexutoire de ses camarades de classe qui la poussent. Irina lui apprend à se défendre avec des méthodes contestables et brutales inspirées de son dressage en Ukraine et pendant un certain temps, on ne sait pas très bien si elle compte se venger sur lenfant ou si elle veut vraiment laider. Cest la dynamique du film de nous entraîner dans la vengeance dIrina à lencontre des Adacher sans savoir exactement pourquoi si ce nest quil y a un rapport avec les années de prostitution en Ukraine. Le film nous embarque dans la suspicion des moindres faits et gestes du couple Adacher et la crainte quIrina soit démasquée en fouillant leurs placards en cachette.
Dans ce film lourd comme la mémoire des survivants, lactrice Xenia Rappoport parvient sobrement à donner une âme à Irina et à mettre le spectateur de son côté. Bien que GT dira ensuite que le spectateur peut lapprouver ou la condamner, cette femme aux réactions danimal blessé à mort, engendre pourtant très vite une empathie et une indulgence proportionnelle aux atrocités quelle a supportées qui martèlent le film des images des souvenirs récurrents.
Cest un film bien construit mais sans la moindre nuance, limage est bleutée, celle des souvenirs est franchement jaune, ceux ignobles accélérés, filmés souvent de façon stroboscopique avec une musique assourdissante comme des coups sur la tête, ceux heureux délavés. Car Irina se souvient aussi dun homme aimé en Ukraine avec qui elle espérait sen sortir. Là-bas, Irina était blonde, sexy et lourdement maquillée, ici, elle est châtain terne bouclé, le visage livide ne conservant de cette période quune paire descarpins vernis rouge sang quelle trimballe dans sa valise.
On peut quand même reprocher à GT davoir eu le scénario un peu lourd en chargeant encore la barque dans la seconde partie du film alors que la dose de mélo était amplement atteinte. Un film attachant quon aurait volontiers allégé de la surenchère de drames qui plombe la dernière demi-heure avec lantidote administrée in extremis dun happy-end consolateur ni convaincu ni convainquant.
Ce film vient de sortir en Italie et sera en salles prochainement en France.
"LAria salata"
Educateur dans une prison, Fabio, jeune trentenaire, reçoit un prisonnier en transfert un peu particulier, cest son père, emprisonné pour meurtre depuis 20 ans. Les deux hommes ne se connaissent pas, le père ayant abandonné sa famille quand Fabio avait 6 ans. Au moment de la révélation de la filiation, ce qui devait être un règlement de comptes à légard dun père qui a gâché leur existence ne va pas de soi, la compassion, les remords et les rancunes se disputent la place avec léclairage dun passé raconté par le père dont le fils croyait tout savoir par le récit de sa mère et de sa soeur. Le réalisateur a dit en présentant son film quil avait voulu montrer que les victimes des assassins en prison étaient également leur entourage, leur famille. Film à petit budget tourné visiblement en DV, cest une première uvre âpre et touchante sur un sujet ardu qui se fait naturellement déborder, du thème de lemprisonnement dun parent, on glisse rapidement à celui de labsence de père. Un bon début pour un premier film dAlessandro Angelini qui a lâge de son héros, présenté au festival de Rome en automne 2006, il a obtenu le prix du meilleur acteur pour Giorgio Pasotti.
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