« Good bye Bafana » : du président Palmer à Nelson Mandela

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Etonnant, cet accueil maussade et condescendant de la presse vis à vis du film «Good bye Bafana» dont certains disent que c’est un film plat et d’autres carrément un ratage. Possible que le fantôme des deux palmes d’or du réalisateur Bille August ait plané sur les mémoires des blasés qui auraient préféré un film d’auteur auteuriste quand il s’agit d’un film grand public… Mais quelles images limpides et quelle lumière parfaite, quelle simplicité de filmer des grands…. Par ailleurs, il faudrait être une pierre pour s’en vouloir de verser une larme quand Nelson Mandela sort enfin de prison après 27 années d’enfermement mais pas seulement car le film est pavé de moments d’émotion sans compter qu’il n’est peut-être pas mauvais de se souvenir, à dix jours des élections présidentielles et des déclarations xénophobes de certains candidats à l’Elysée, de la folie raciste que fut le régime de l’Arpatheid.

Créées en 1948, les lois sur l’Arpatheid sont mise en place en Afrique du sud par le régime national arrivant au pouvoir. Dans un pays comptant 4 millions de blancs et 20 millions de noirs, ces derniers se voient déchus de tous leurs droits : suppression du droit de vote, de posséder des terres, des entreprises ou des logements, interdiction de suivre des études. Aussitôt des mouvement anti-apartheid voient le jour dont l’ANC à laquelle appartient Mandela. Adapté d’un roman «Le Regard de l’antilope» , ce film démarre en 1968, date à laquelle le gardien de prison de Mandela, le jeune sous-officier James Gregory, prend ses fonctions. Les mémoires et le point de vue de ce gardien qui a passé 24 ans aux côtés de Nelson Mandela sont la trame du film.

Les premières images du films voient l’embarquement de prisonniers noirs enchaînés et malmenés, puis celui des femmes et des enfants. Sur le bateau, les meubles de la famille Gregory dont la coiffeuse en bois peint en blanc qui suivra d’un déménagement à l’autre comme une constante car Nelson Mandela, et avec lui James Gregory, sera transféré plusieurs fois d’une prison à une autre.

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Quand le sergent Gregory arrive sur Robben Island, sorte de Sainte Hélène, morceau de terre planté au milieu de nulle part en mer, il ne se doute pas de son destin. Invité dès le premier soir chez les officiers alors qu’il n’en est pas, on lui met le marché en main : apprenant dans son dossier qu’il parle et comprend le xhosa, dialecte de Mandela que Gregory a appris dans son enfance avec un copain du nom de Bafana, on lui propose la direction de la censure, affectation au plus près des prisonniers politiques. Sous ce titre pompeux, il s’agit d’un modeste bureau collé à la cellule de Mandela, que James Gregory partage avec un collègue borné, les deux ayant pour mission d’éplucher et censurer le rare courrier des prisonniers, voire de les espionner pour le compte du gouvernement. James Gregory étant relié à un certain Spaader, homme clé du ministère de la sécurité, il doit rapporter ce qu’il a entendu pendant les encore plus rares visites de Winnie Mandela à son mari quand ils se parlent en xhosa bien que ce soit formellement interdit par le règlement.

Très vite James Gregory se rend compte que ce qu’il rapporte à Spaader se traduit rapidement en événements dramatiques, la mort du fils aîné de Mandela, par exemple, dont il avait répété qu’il avait obtenu son permis de conduire et qu’on trouve peu de temps après mort dans un accident de voiture. De ce jour-là, Gregory se pose des questions et prend le risque d’aller consulter la charte des libertés élaborée par Mandela, document interdit qui croupit dans le sous-sol d’une bibliothèque fermé au public.

Pendant ce temps, l’ambitieuse Gloria Gregory, se lie d’amitié avec la femme du colonnel et toutes ces dames de la caserne qu’elle coiffe pour arrondir les fins de mois et obtenir la promotion de son mari comme officier. La psychologie et le raisonnement de Gloria est celui de tous les blancs de l’époque dont on a lavé le cerveau et qui répètent la propagande du gouvernement comme des bécasses : quand sa fille choquée que la police d’état ait jeté un nourrisson à terre en frappant sa mère, lui demande pourquoi on tabasse les noirs dans les rues de Cape Town où ils passent quelquefois leurs WE, elle lui répond que c’est parce qu’ils ne possèdent pas de laisser passer, que les blancs n’en ont pas besoin, eux, que c’est la volonté de Dieu de séparer les ainsi les gens.

Le défaut du film, c’est la gestion du temps : le passage de 1968 à 1976 où la famille Gregory est montrée physiquement inchangée et où on a l’impression qu’ils viennent d’arriver sur Rodden Island d’après les rapports du sergent Gregory avec ses collègues sur l’île. Quand on montre en 1982 les enfants quasiment adultes, on n’a pas eu le sentiment du temps qui a passé, on a un peu modifié l’apparence de Gloria Gregory mais il faudra attendre la fin des années 80 pour que tous les acteurs se retrouvent les cheveux blanchis, vraiment vieillis. Le vestiaire de Gloria Gregory, habillée très chic comme Jackie Kennedy années 60, n’est pas très réaliste quand elle se plaint, par exemple, de ne pas avoir d’argent pour acheter des chaussures aux enfants. Diane Krugger est impeccable dans ce rôle d’épouse des années 60, aux robes pastel, chaussures, sac et gants blancs, ne pensant pas plus loin que le confort immédiat de sa famille et la carrière de son mari, à qui elle donne une dimension humaine. Les rapports du couple sont bien décrits, complices malgré l’incompréhension et les divergences.

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La relation entre Gregory et Mandela est émouvante, le gardien étant immédiatement captivé par le prisonnier et l’incroyable force mentale de ses convictions. Suivant Mandela d’un déménagement à l’autre jusqu’à la dernière prison Victor Verster où tous deux sont installés dans des fermes mitoyennes confortables, la pression internationale ayant obligé les autorités à revoir leur copie, c’est pour Gregory qu’on s’inquiète quand enfin Mandela est libéré sous les acclamations de joie en 1990. Que va devenir cet homme dont les 24 meilleurs années de sa vie ont été passées à garder un seul prisonnier?

Les acteurs sont exactement comme leurs rôles : excellent Dennis Haysbert en Nelson Mandela, image paternelle rassurante et brillante dont le regard ensoleillé illumine la cellule derrière les barreaux, terne Joseph Fiennes en Gregory, bel homme fade sans culture et grande personnalité, que seule une rencontre exceptionnelle va rendre intelligent et généreux. Belle reconversion que celle du président Palmer ("24 h chrono") en futur président Mandela (élu président en 1994)!

Dès les premières images, on a le sentiment du bel ouvrage, la lumière aveuglante des dunes de sables blancs sous le vent incessant où les prisonniers cassent des cailloux contrastant avec la pénombre verte des prisons et des uniformes. Les quelques superbes plans visage et buste de Gloria et James, peaux satinées dans l’obscurité de leur baraquement de Rodden Island, l’absence quasi-totale d’effets au profit de la beauté de la lumière, de la simplicité des images s’effaçant sous la force de l’histoire, l’émotion sous-jacente, confèrent une grâce limpide à ce film. A vivement recommander.

 

PS. les accents des acteurs ayant été très travaillés, que ce soit Dennis Haysbert pour Mandela ou Joseph Fiennes et les offciers avec un accent très particulier assez guttural, il vaut mieux voir le film en VO.

 

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zoliobi

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