"Hurlyburly" ("Hollywood sunrise") : prise de tête, mode d'emploi

Anthony Drazan, 1998

 

 

Vais-je en arriver à dire du mal d’un film avec mon héros favori, mon acteur préféré, mon séducteur de référence ? Ne devrais-je pas passer mon tour et taire que de fortes migraines m’ont clouée sur place, un sac de glace sur le crâne, en regardant cet «Hollywood sunrise» (1998), traduction française du titre original «HurlyBerly» (on appréciera) dont j’attendais trop, sans doute Voyez plutôt le casting : Sean Penn et Kevin Spacey, vous lisez bien, mes deux chouchous dans le même film Il n’aurait plus manqué que De Niro Trop, c’était trop, je ne l’ai pas supporté

 

Imaginez un film qui ressemble à une pièce de théâtre où s’est abattu un vent de logorrhée qui fait redouter que le générique de fin n’apparaisse jamais Je sais bien que cette ambiance claustrophobique et délirante colle avec l’histoire, d’ailleurs, d’histoire, il n’y en a pas, seulement cet insupportable huis-clos où sont confinés les protagonistes du film à se prendre la tête entre sexe, mensonges et vidéo.

—–

 

Au départ, un orage, une villa, un homme chez lui entre sa télé, son téléphone et sa ligne de coke, essaye de joindre sa fiancée, il tombe sur son répondeur pendant qu’elle s’envoie en l’air avec son meilleur ami et colocataire

 

Eddie (Sean Penn), producteur à Hollywood, partage sa maison et son bureau avec Mickey (Kevin Spacey) où les deux célibataires sarcastiques se refilent les femmes et les bons plans. C’est ainsi que pour lui avoir répondu bêtement que tout le monde était libre, Eddie s’est vu souffler Darlène, la femme de sa vie, par Mickey qui lui avait demandé la permission de l’emprunter S’en suit la meilleure séquence du film où Mickey quitte la villa après s’être assuré qu’Eddie n’avait pas pris ombrage de sa relation avec Darlène, on retrouve Mickey dans sa voiture avec Eddie au téléphone, puis au studio où Eddie lui téléphone toujours, au restaurant, à chaque coup de fil, le ton monte, Eddie en vient à hurler sa douleur que Mickey lui ait volé Darlène, dans la dernière scène, Mickey revient le soir chez eux toujours vissé au téléphone avec Eddie qui est en train de lui dire emphatiquement « j’ai le cur brisé » quand ils tombent nez à nez tous les deux dans leur jardin, chacun avec son téléphone mobile à la main.

 

Dépressif et toxicomane, Eddie chargé de cocaïne dès le réveil, a trouvé pire que lui en Phil (Chazz Palminteri), un acteur raté et violent, malheureux en ménage, qui lui voue une touchante dévotion et squatte la villa. Ce n’est pas du goût de Mickey qui tient Phil à distance, les deux se disputant l’amitié d’Eddie qui, lui, n’a d’amitié pour personne. La principale activité d’Eddie, talonné de près par Phil, c’est de se plaindre Un quatrième larron vient prêter main forte à ces divagations alcoolisées, leur voisin, Artie dont Phil attend de lui des tuyaux sur le karma…, venu déposer chez Eddie, Donna, une mineure fugueuse qu’il a trouvée dans l’ascenseur. Dans cet univers essentiellement masculin, Donna, jeune fille sans illusions sur Hollywood, fait figure d’objet de consommation pour les quatre compères désoeuvrés, ne demandant en échange qu’à être logée ou à utiliser la piscine.

 

Quatre copains sur les collines de Hollywood, quatre pipelettes qui trompent l’ennui et le vide de leur existence avec d’interminables joutes oratoires sur le sens de la vie, en totale opposition avec la réalité de leur quotidien dépravé. Un univers impitoyable où l’ambition et l’argent donnent un sens à des existences oisives pavées d’orgies, de drogue, d’alcool et de tromperies. Des personnages imbibés de psychanalyse et de divans, de philosophie new age et de théories spirituelles dont ils ont surtout acquis une propension à l’introspection chronique qui tourne à la masturbation intellectuelle et les fait parler d’eux pendant des heures. Des conversations où ne s’amuse que de potins et de médisances ou de se taquiner entre eux comme des collégiens.

 

De Phil ou d’Eddie, qui est le plus pénible ? Phil, viré par Susie, son épouse, avalant un médicament spermicide pour ne pas lui avouer qu’il ne veut plus d’enfants, ne connaissant même pas ses trois aînés… Eddie, éternel déprimé, amoureux de Darlène, névrosée, sotte et égoïste, qui, par-dessus le marché, préfère Mickey… Qui est le plus méchant? Mickey qui méprise Darlène «le bon goût me prive de beaucoup de choses», interdit de coucher avec Donna par Eddie pour le punir d’avoir séduit Darlène… Ou Phil qui cogne sur les femmes et regrette ensuite « j’ai des pensées à m’en faire péter le cerveau! »…

 

Les relations entre Eddie et Phil donnent l’occasion d’une critique au vitriol du Hollywood de studios «ils prennent une histoire, enlèvent tout ce qui est déplaisant et gardent l’habillage » ou «ils ont besoin de gens authentiques ayant besoin d’argent». Phil au chômage, Eddie lui propose un scénario «mais ne vient pas me parler de qualité», Phil «c’est de la merde ?», Eddie «Totale», Phil «je peux en être ?». Malheureusement, ce filon, pour être surexploité, pâtit de l’impression qu’on en fait trop, qu’on en dit trop, que la caricature est outrée pour le plaisir. Tout est trop dans ce film, les acteurs surjouent à mort, les dialogues sont logorrhéiques et hystériques, les situations sont volontairement choquantes, ont sent une complaisance du réalisateur à se gaver de ce qu’il est censé dénoncer, l’omniprésence de la drogue, la mysogynie effrayante, la crudité des répliques, on arrive très vite à saturation. Ce n’est pas par hasard que beaucoup de répliques se terminent par « blablabla ».

 

Sean Penn (Eddie), cheveux et moustaches noirs, le regard totalement halluciné, avec des subtilités tout de même, comme quand Eddie regarde Darlène, énamouré et crédule, n’aurait pas dû accepter ce rôle où il est contraint de se pasticher lui-même avec des kilos de texte à débiter et un rôle de névrosé odieux hurlant son mal de vivre tout le long du film comme une sorte de Sean Penn show qui ne finirait jamais. Acteur et réalisateur, débutant dans des chef-d’uvre «TAPS» (1981), «Comme un chien enragé» (1985), on le retrouve dans les meilleurs films et récemment dans «L’assassinat de Richard Nixon» (2004), «Mystic river» (2003), «21 grammes» (2004), «L’interprète» (2005). Il a réalisé «The Idian Runner» (1991), «Crossing gard» (1995) et «The Pledge» (2001).

 

Kevin Spacey (Mickey) tire son épingle du jeu avec ce personnage dur et cynique, amoral et méprisant, faisant figure de sage cruel et lucide dans ce monde de personnages «confused», un mot qui revient sans cesse. La voix posée, le regard malicieux, en costume et lunettes noires et cheveux blond platine ! Toujours parfait, le public le découvre dans «Usual suspects» (1995), «LA confidential» (1996), «Minuit dans le jardin du bien et du mal» (1996), starisé depuis «American beauty» (1999) et plus récemment dans «La Vie de David Gale» (2002).

 

Chazz Palminteri (Phil) ayant toujours eu tendance à surjouer, on n’est pas au bout de ses peines avec un rôle pareil, pour avoir mis le son en VF quelques minutes, avec le doublage, c’est insupportable ! Un acteur qui joue souvent les méchants et les cinglés que ce soit dans les films de Scorsese («Les Affranchis», 1990) ou dans le remake des «Diaboliques» de Clouzot («Diabolique», 1996, avec Isabelle Adjani et Sharon Stone), voire «Mafia blues» (1999).

 

Robin Wright-Penn occupe un des trois rôles féminins, le seul qui ne soit pas dégradant, une séductrice égocentrique, trop préoccupée par l’observation de ce qu’elle ressent pour aimer qui que ce soit. Un personnage fade dont on parle beaucoup mais qu’on voit peu, trouvant sa (dé)mesure dans une scène avec Sean Penn en voiture où c’est à qui beuglera le plus fort… Révélée par le soap feuilleton «Santa Barbara», ancien mannequin et épouse de Sean Penn dans la vie, on voit surtout Robin WP dans les films de celui-ci en tant que réalisateur «Crossing guard» (1995), «The Pledge» (2001), elle a également joué avec Sean Penn dans «She’s so lovely» (1997) de Nick Cassevetes. On l’a vue aussi dans «Forrest gum » (1992) aux côtés de Tom Hanks.

 

Meg Ryan est la révélation du film. Tout comme dans «In the cut» (2003) de Jane Campion, le contre-emploi sied à Meg Ryan et elle est terriblement humaine et crédible dans le rôle de cette femme déchue frappadingue, méprisée de tous, maltraitée mais courageuse. Crasseuse, maquillée comme une pute, elle fait une entrée tonitruante en veste de fourrure rouge dans le film à mi-parcours. Sa longue scène avec Sean Penn suppliant, pleurant, quémandant, donne l’occasion de constater qu’elle ne cède pas à la tentation de surenchérir et qu’elle reste sobre. Cantonnée longtemps aux rôles de nunuche sentimentale dans le genre «Nuits blanches à Seattle» (1993) ou «Vous avez un message» (1998), il semble qu’elle accepte depuis quelques temps de casser son image.

 

Le réalisateur Anthony Drazan, diplômé en théâtre, a peu tourné pour le cinéma mais il a précédemment dirigé Chris Penn (le frère de Sean Penn) et Harvey Keitel dans «Imaginary crimes» (1994).

 

C’est un genre particulier que ces comédies dramatiques où l’on vous fait payer cash les quelques rires glanés par ci par là. Comme ça arrive souvent, l’excès de dialogues entraîne une mise en scène assez théâtrale («Hollywood sunrise» étant tiré d’une pièce de théâtre de David Rabe) mettant les acteurs en vedette avec la plupart des scènes filmées en intérieur et de rares mouvements de caméra. Quelques effets assez farfelus, tel ce plan de Sean Penn à travers une vitre avec son interlocuteur dans son reflet, la caméra s’éloigne et on voit qu’il s’agit du plateau en verre d’une table basse sous laquelle il est allongé… Apparemment, les comédiens n’ont pas ou peu été dirigés, ce qui entraîne cette pesante démonstration de surjeu de Sean Penn et Chazz Palminteri, avec pléthore de monologues et numéros d’acteur, qui vous font espérer à chaque phrase que c’est la dernière Si il n’y avait pas eu sur l’écran des acteurs de cette trempe, je crois que j’aurais démissionné et rembobiné le film au bout d’une heure C’est un film assommant au sens premier du mot, on en sort assommé, avec des céphalées tenaces et l’impression que les acteurs parlent encore quand la télé est éteinte

 

 

 

A voir éventuellement pour le casting, le film se trouve facilement en DVD, à consommer par fractions avec modération A noter que sur le même sujet des coulisses de Hollywood, Kevin Spacey a tourné un excellent film « Swimming with sharks » (1995) (voir un avis précédent).

écrit par Vierasouto sur CinéManiaC/Allociné le 03/03/06

Mots clés: , , , ,

Partager l'article

Lire aussi

Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top