« INSIDE MAN » : un après-midi pour rien/sortie DVD

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Pendant une heure, c’est un polar de qualité supérieure, la demi-heure suivante, on rame du drame à l’humour, on s’enlise un pied sur chaque rive, et pour la dernière partie, c’est quasiment du registre de la comédie. D’ailleurs, la salle éclate de rire avec Denzel Washington qui plaisante au superlatif et l’acteur en fait des tonnes… Rire ou trembler, il faut choisir, Spike Lee n’a pas su, basculant dans la comédie satyrique, qui demeure sa marque, mais enrichie d’arrière-pensées commerciales… En deux mots, on pourrait dire que la première partie du film s’adresse à un public cinéphile et la seconde à celui des blockbusters hollywoodiens, ainsi, personne n’y trouvera son compte, trop pour les uns, pas assez pour les autres… Une prise d’otages dans une banque, un flic négociateur soupçonné de corruption, une yuppie aux dents longues, un vieux banquier au passé trouble, il y avait pourtant de quoi faire…

Une camionnette roulant dans Manhattan, des clients dans un des temples de la finance, des gros plans de la plaque cuivrée et des sculptures du fronton de la banque d’affaires, la camionnette arrivant au coin de Broadway avenue et de Wall street, les vigiles dans la banque demandant à une accro du portable de parler moins fort, un après-midi pas encore de chien dans la city…

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Soudain, l’irruption de quatres hommes en combinaison et cagoules de peintres en bâtiment et cinquante otages se retrouvent à terre… Le tout est rondement mené avec des images nettes et précises qui donnent bien le sentiment d’un plan d’attaque étudié, et d’une exceptionnelle sensation de mouvement (rares sont les réalisateurs qui en sont capables) : les voitures roulant dans les rues, les feux passant au rouge, les hommes masqués débarquant brusquement dans la banque, le déploiement des cars de police et des barrages, l’envahissement de la place par les médias, les ordres qui fusent, les micros tendus, l’effervescence qui s’empare du quartier, l’action est rapide et choc, le rythme soutenu avec de superbes images dont un plan de de New York Downtown digne d’une photo d’art.

Un otage qui dissimule un portable est rudement tabassé, aux autres, on demande de se déshabiller et d’enfiler les mêmes combinaisons en toile grise que le commando masqué. Violence sèche, efficacité clinique et sens de l’organisation sans faille, les quatre preneurs d’otages appliquent une stratégie d’attaque autoritaire et sophistiquée. La première partie du film est dopée aux amphétamines et l’atmosphère électrique : c’est d’autant plus étonnant à posteriori que la seconde partie du film est diluée et l’ambiance bon enfant.

On comprend très vite que le commando n’est pas venu faire un casse classique. Une histoire emberlificotée de vieux papiers compromettants mettant en scène une avocate aux dents longues, liée au maire de la ville, appelée en mercenaire par le propriétaire de la banque qui veut payer pour les récupérer, le tout dans un coffre secret de sa propre banque, aurait pu tenir en haleine le spectateur bien qu’il y ait un excédent d’ingrédients… C’est l’occasion pour Spike Lee d’épingler pêle-mêle les politiciens corrompus, le nazisme, le terrorisme, le racisme, sans rien dénoncer vraiment, pire, en semblant se résigner que tout le monde il est pourri…

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Pendant que la prise d’otages s’éternise sans que le spectateur comprenne pourquoi le commando « joue la montre » de faire durer le match jusqu’aux prolongations, Spike Lee change son fusil d’épaule et le charge de balles à blanc au propre et au figuré… Exit le polar…

Soupçonné de corruption, le flic appelé en négociateur est un hâbleur en costume beige à rayures et Borsalino en paille qu’on a du mal à prendre au sérieux d’autant que le rôle incombe à Denzel Washington, éternel bavard devant Spike Lee. Difficile aussi de trouver crédible ce va et vient incessant à la banque dont la porte fermée avec un simple crochet s’ouvre une bonne dizaine de fois à la fois pour libérer des otages et recevoir la négociatrice, le négociateur, les pizzas, un vrai moulin… Compliqué aussi de comprendre quels otages sont libérés, le film étant émaillé de flash-forwards : interrogatoires de certains otages dont les libérations seraient postérieures à l’action puisqu’on les retrouve ensuite dans la banque…

C’est d’ailleurs à l’occasion des dépositions des otages auprès de l’inspecteur Keith Frazier et de son acolyte que le film commence à passer d’un brin d’humour dans les dialogues en franches plaisanteries, même si elles sont censées dénoncer l’ostracisation des minorités : la forte poitrine de l’une, le turban de l’autre, employé sikh pris pour un terroriste arabe… De la même manière, Madeleine White, avocate snob et glacée, neutralisant ses interlocuteurs d’un mot tranchant comme un rasoir, un rôle usuel pour une Jodie Foster très blondie en tailleur crème, escarpins et immense sac Hermès rouge, devient un personnage presque sympa vers la fin du film… Pour l’issue de la prise d’otages, Spike Lee, comme pris de remords d’avoir tellement tout gommé dans son film, injecte quelques minutes du rythme et de dureté du début et le tout retombe ensuite comme un soufflé…

Casting et réalisateur :
Inspecteur Keith Frazier : Denzel Washington
Dalton Russel : Clive Owen
Madeleine White : Jodie Foster
Capitaine John Darius : Willem Dafoe
Arthur Case : Christopher Plummer

De ce casting prestigieux, le réalisateur n’a pas tiré le maximum excepté une affiche : l’excellent Willem Dafoe a un rôle terne et sans relief, ce qui est vraiment dommage, Clive Owen est masqué la plupart du temps, et quand ce n’est pas le cas, c’est pour de pesants apartés face caméra (répétés en double au début et à la fin, bien évidemment, puisqu’à présent, les producteurs vous font réviser les films comme un exam…), seuls Denzel Washington et Jodie Foster, malgré un second rôle, sont mis en valeur.

 

Spike Lee, connu pour des films culte du cinéma indépendant «Nora Darling n’en fait qu’à sa tête» et «Do the right thing», est visiblement récupéré par les studios hollywoodiens comme un Soderbergh quand il tourne « Ocean eleven ». C’est la quatrième fois que Spike Lee engage Denzel Washington, son acteur fétiche, une fois de trop? Jodie Foster semble jouer toujours un peu le même emploi de femme glaçon intello surdouée perdue dans le cinéma commercial pour payer ses impôts. Totalement sous-employés : Clive Owen, si séduisant dans «Closer», et Willem Dafoe, génial acteur underground que l’on retrouve aussi bien dans des films d’Abel Ferrara que dans James Bond.
Un film dichotomique pour tout public : une heure pour chacun !

 

PS. J’allais rédiger cette critique quand j’ai été retardée… par la diffusion inopinée de "En Quatrième vitesse" d’Aldrich sur CinéPolar (il sera sûrement rediffusé), un supertop chef d’oeuvre du film noir, je ne vous dis pas à quel point il serait plus avisé de dépenser 10 Euros à acheter le DVD qu’à aller au cinéma pour "Inside man"…

 

 

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Posted by:

zoliobi

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