IRINA PALM : La Main à la pâte

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Drôle de comédie romantique démarrant comme un mélo. Maggie, veuve d’une soixantaine d’années, se rend tous les jours au chevet de son petit-fils Olly, atteint d’une maladie incurable. Apprenant qu’il existe un traitement en Australie pour lequel son fils et sa belle-fille n’ont pas le premier sou, Maggie s’épuise à trouver une solution pour réunir l’argent du voyage, ayant déjà vendu sa maison pour financer des traitements médicaux qui ont échoué. Mais sa banque lui refuse un prêt et quand elle répond à des offres d’emploi, on lui objecte qu’elle ne sait rien faire, de toute façon, elle est trop vieille.

Un après-midi qu’elle erre dans le quartier de Soho à Londres, Maggie est attirée par une affichette à la devanture d’un sex-shop, on recherche une hôtesse. N’imaginant pas qu’on va lui demander autre chose que de faire le ménage ou de servir les boissons, Maggie, drapée dans son duffle-coat marron, des bottes courtes fourrées au pied et un grand sac à la main à bout de bras, se présente timidement au patron, un certain Mikko. Ce dernier, contrairement aux précédents employeurs, ne la rejette pas, mais se creuse la tête, quel profit pourrait-il tirer de cette sexagénaire volontaire… Finalement, le boss ne lui pose qu’une question pratique «savez-vous branler?», Maggie s’en va horrifiée. Le lendemain, les 600 livres par semaine de salaire la ramènent au Sexy World, elle accepte le poste. Une jeune collègue asiatique va alors l’initier aux ficelles du métier.

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Filmer les images du nouveau métier de Maggie est un exercice de haute voltige : dans une minuscule cabine aussi joyeuse qu’une chambre mortuaire, Maggie va exécuter les gestes du travail à la chaîne, inlassablement tout au long de la journée, appuyer sur le bouton rouge pour signifier «au suivant», s’enduire les mains de vaseline pour attraper par un orifice rouge dans le mur le sexe anonyme d’un client situé de l’autre côté de la cloison, qui lui, vient d’insérer un jeton payant dans une machine, jeter le kleenex final à la poubelle, se laver les mains et recommencer. Le réalisateur ne montre rien mais joue sur les sons et les expressions sur les visages de Maggie et de sa jeune collègue, filmant, de l’autre côté de la cloison, les clients de haut et de dos. Cependant que dans la salle de cinéma, les spectateurs sont un peu gênés par le réalisme des sons et des mimiques malgré la pudeur des objets posés in extremis en paravent sur l’action pour masquer toute image crue, on entend les rires pour se détendre… Le film joue sur la répétition des gestes et, en amont, sur la répétition des trajets identiques d’une vie tournant en boucle : tous les jours Maggie sort de chez elle honteuse en pressant le pas, ensuite, Maggie prend son train de banlieue, en sort au métro Oxford circus et se dirige vers le Sexy World…

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Du mélo sordide de la grand-mère, ayant déjà perdu un fils, son mari et sa maison, obligée de se prostituer pour payer le traitement de son petit-fils, on s’achemine alors à la moitié du film vers la comédie… et même la comédie romantique, c’est gonflé ! Maggie, rebaptisée Irina Palm par Mikko pour augmenter le trafic, devient une star dans sa profession, les clients sont si nombreux qu’ils attendent en file indienne devant sa cabine. Maggie/Irina travaille tant qu’elle contracte un pénis elbot ! A moment donné, on est inquiet de la tournure prise par le film, comment va s’en sortir le réalisateur après ce virage en épingle à cheveux? On est alors à deux doigts de plonger dans la farce quand le réalisateur élargit le champ pour la comédie romantique. Dans cet enfer du sex business de Soho, il y aurait peut-être plus d’amitié ou d’amour que dans l’entourage de Maggie qui ne fréquentait que ses copines intolérantes, son fils exigeant et sa belle-fille hostile.
Miraculeusement, après un passage comédie farce où l’a on craint le pire, le film retombe sur ses pattes, ayant réussi tout de même en 1h40 à faire le grand écart entre le mélo sulfureux et la comédie sentimentale… Un film attachant, plein de défauts et de qualités qui l’emportent au final.

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Marianne Faithfull… 

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La présence de Marianne Faithfull dans le rôle de Maggie apporte beaucoup au film. C’est vrai qu’elle est juste et sobre mais, bien au delà, il lui suffit d’apparaître, elle est et avec elle, la légende du rock. Avec sa voix rauque et cassée, l’icône rock, ancienne compagne de Mick Jagger à la fin des années 60, revenue de l’enfer des drogues dans les années 80, est une rescapée magnifique. Un peu comme le miraculé Keith Richards dont on peut lire dans le livre autobiographique de Marianne Faithfull que des trois Stones dont elle fut la muse (le troisième étant Brian Jones), c’est lui qu’elle préférait.

On n’a pas oublié la beauté et la classe de Marianne Faithfull jeune, longue liane blonde, assise près de la scène, faisant lire à Mick Jagger (somptueux en pantalon blanc, débardeur mauve) des vers d’un poème de Shelley à Hyde Park lors du concert dédié à la mort de Brian Jones (1969), «il n’est pas mort, il s’est réveillé du rêve de la vie…», une vraie princesse égarée dans les délires du swinging London. Je pense également au film qu’elle a tourné avec Alain Delon, «La Motocyclette» (1968) d’après un roman de Mandiargues, moulée dans une combinaison de moto en cuir noir… (PS. elle a joué aussi dans "Made in USA" (1966) de Godard)

On dirait que sous la frange châtain marron de Maggie, malgré son petit manteau terne et son grand sac de mamie, son thermos, sa blouse de ménage et ses chaussons pour travailler dans la cabine du Sexy World, une flamme brûle chez cette éternelle séductrice qui ne cherche pourtant pas à paraître plus jeune que son âge. Et si c’était ça son secret, s’accepter comme elle est?

 

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zoliobi

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