« Le Mariage de Tuya » : Avant-Première/Ouverture du festival du film asiatique de Deauville 2007/J1 (mercredi 28 mars)

Ouverture du festival du film asiatique de Deauville mercredi soir sous un épais brouillard blanc cotonneux enveloppant la ville depuis le début de l’après-midi. Le mercredi à Deauville, c’est dimanche ailleurs : bon nombre de boutiques sont fermées, même Mamy crêpes, le sos restauration qui ne désemplit jamais, c’est dire ! A 11 heures du soir, le restaurant le Drakkar a déjà verrouillé ses portes, la minuscule salle de Miocque n’est pas pleine, et, au retour, le bar de l’hôtel est fermé. Exit les bains de soleil de la veille et l’avant-veille sur les Planches, les marches iodées sur la plage, à se demander si on n’a pas rêvé… Destination la rude Mongolie pour le film présenté en ouverture, "Le Mariage de Tuya", Ours d’or au festival de Berlin cette année. Auparavant, une brève présentation des deux jurys, Mazarine Pingeot excusée pour la soirée, et pour seules fantaisies l’ultra-minirobe de Miss Asie, la robe dorée de la fille de Daniel Auteuil et l’écharpe blanche du président Benoit Jacquot, allure si chic flegmatique en descendant l’escalier pour rejoindre la scène. Malgré le désert des rues embrumées, l’absence de dernière minute de l’équipe du film, la grande salle du CID est quasiment pleine, top départ pour le voyage…

 

"Le Mariage de Tuya" de Wang Quan’an (Chine)

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Dans le nord ouest de la Mongolie, les fermiers mènent une existence rude et misérable, exhortés par le gouvernement chinois à quitter leurs pâturages pour gagner les villes. Dans ce contexte, Tuya, fière et courageuse, ne veut pas quitter ses moutons et sa steppe. Flanquée d’un mari infirme, tombé en creusant un puits, et de deux enfants en bas âge, elle s’occupe entièrement de tout, le troupeau qu’elle garde à dos de chameau, la cuisine, la maison. Bater, son mari, lui enjoint de divorcer pour se remarier avec un homme qui pourrait l’aider mais Tuya refuse. Jusqu’au jour où tombée d’épuisement sur le sol, les examens radios révèlent des graves problèmes osseux lui interdisant tout effort physique. Poussée par sa belle-sœur qui propose de prendre son frère Bater avec elle malgré ses six enfants, Tuya accepte alors le divorce. Les prétendants au mariage se présentent avec des cadeaux, des hommages mais Tuya, têtue, veut garder Bater avec elle dans son futur foyer, ce qui décourage les meilleures volontés. Finalement, Baolier, un ancien camarade d’école, devenu très triste en étant plaqué par sa femme et très riche en découvrant du pétrole, propose de les prendre tous en charge. Tuya accepte de l’épouser mais Baolier se rétracte par peur du quand dira-t-on et préfère installer Bater dans un confortable foyer pour personnes âgées. Déprimé, ce dernier tente de s’ouvrir les veines, Tuya court à son secours et la recherche d’un autre mari est à recommencer…

D’après ce que j’ai pu lire au festival de Berlin, la mère du réalisateur étant originaire de Mongolie, il a voulu décrire le mode de vie de ces populations appelées à disparaître. On est d’entrée immergé dans un univers d’une pauvreté extrême vivant au cœur d’une nature aride et froide, quasi désertique, couleur ocre à perte de vue. Tuya, la tête enveloppée d’un fichu de couleur, le corps disparaissant sous des couches de vêtements superposés, parcours la steppe sur un chameau pour garder son troupeau de cent moutons tout en surveillant la maison, autoritaire, épuisée mais joyeuse. Il y a beaucoup d’humour dans ce film où on est en permanence sur le fil du drame qu’on évite in extremis : la douleur de Bater, impuissant à aider Tuya, poids qu’on traîne d’un futur mari à un autre, pourrait être l’occasion d’un mélodrame accompli mais ce n’est pas le cas, le réalisateur s’arrête pudiquement à temps. Les malheurs de Senge, le voisin amoureux de Tuya, plaqué par sa femme, obligé de vendre ses moutons pour acheter un camion, qu’on découvre tombé de sa moto, ivre, au début du film, sont tempérés par le comique de certaines situations. Même quand Senge va se saouler dans la maison de retraite de Bater pour lui tenir compagnie dans une déprime partagée d’avoir perdu Tuya, le spectacle de la débâcle des deux hommes oscille entre le comique et le tragique. La belle-sœur qui avoue boire quand elle a mal au dos et aussi quand elle n’a pas mal au dos fait passer la pilule de cette femme exténuée et seule en charge de six enfants.

Dans cet univers couleur terre avec des maisonnettes en toile mastic et des tapis de moutons beiges, les seules notes de couleurs sont les tissus : étoffes dans les intérieurs, tchadors multicolores, tâches colorées des têtes des femmes sans un cheveu qui dépasse des foulards. Ce n’est pas un film facile d’accès, les relations entre les personnages sont rudes comme les climats et les paysages, on peine à entrer dans le film pendant environ une demi-heure, ensuite, on s’attache au personnage de Tuya, on découvre sa beauté, sa vitalité, son charme. Choqués par la pauvreté de ces populations, on a du mal à comprendre leur bonne humeur malgré tous ces malheurs. L’humour du film, tout le temps au bord du drame, ne s’impose qu’au bout d’un bon moment quand on a intégré que drame et humour ne sont pas incompatibles. On s’arrêterait par ailleurs volontiers au premier mariage raté de Tuya car la fin du film est un peu longue. Un film original et attachant, très dépaysant aux antipodes de nos modes de vie de surconsommation.

 

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zoliobi

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