« Ne le dis à personne » : une tranche napolitaine polar/action/romance

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Adapté d’un polar de Harlan Coben aux 6 millions de lecteurs, le second film du comédien Guillaume Canet est un gros gâteau riche et indigeste multi-genre qui se veut à la fois un thriller, un film d’action et une histoire d’amour. La première demi-heure est prometteuse malgré une photo inutilement sophistiquée de bon élève ayant intégré qu’il sait faire compliqué. Malheureusement, on s’enlise dans une forêt de gros plans pour déboucher sur une seconde partie laborieuse et, enfin, une fastidieuse scène avant-finale surexplicative comme les débats des dossiers de l’écran.

Un médecin dont l’épouse fut assassinée 8 ans auparavant en sa présence, reçoit un beau jour une vidéo par mail sur son PC.

Huit ans auparavant… Un couple idéal s’en va en promenade en voiture décapotable au lac Charmaine, un endroit glacial et silencieux. Dès qu’ils empruntent l’allée jusqu’au lac, le réalisateur superpose les images des ados à ceux des adultes et cela d’ailleurs tout le long du film dès fois qu’on aurait pas «percuté» d’entrée de jeu. Le couple s’en va ensuite tailler une encoche sur un arbre comme ils le font depuis leur adolescence. La nuit sur le point de tomber, le couple s’en va nager nu jusqu’à un radeau et là, on frise le ridicule avec un plan du couple dans une pose incroyablement étudiée qui a dû prendre des heures à disposer les bras et les jambes des acteurs pour faire photo d’art d’expo. De cette photo idéale, on passe immédiatement au dada du réal : le gros plan (c’est la mode) des visages en train de se disputer, ce qui débouche sur le départ de la jeune femme qui nage jusqu’au rivage, entre temps, la nuit est tombée. Gémissement, hurlement, l’homme se précipite, il retombe dans l’eau assommé.

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Huit ans après… le Dr Beck, inconsolable de l’assassinat de sa femme, noie son chagrin dans la médecine sociale jusqu’au jour anniversaire de sa mort où il reçoit un mail avec une vidéo… de sa femme, elle est vivante… Sortant alors de sa léthargie, il renoue alors quelques connaissances du passé dont la meilleure amie de sa femme et ne tarde pas à provoquer des catastrophes en série et à être soupçonné lui-même de meurtre. Il prend la fuite, ce qui occasionne des scènes de poursuites à pied et en voiture dont celle qui a vu octroyer à Guillaume Canet l’autorisation de la mairie de Paris de bloquer une journée entière le périphérique à Paris pour tourner une scène de cascades… La vitesse est sans doute ce que Canet filme le mieux, la scène de collision sur le périph où le Dr Beck traverse la route suivi par les flics et s’échappe ensuite dans une ruelle sont les deux plus réussies du film d’autant qu’en France, on n’a pas l’habitude d’appuyer sur l’accélérateur…

Le casting ratisse large dans la crème du cinéma français, de François Cluzet omniprésent dans le rôle du Dr Beck à toute une flopée de femmes jouant un groupe de joyeuses gays : la sœur de Beck et sa compagne provoc (Kristin Scott Thomass, nickel), l’avocate (Nathalie Baye très stéréotypée) copine de la copine de la sœur, et si on ajoute la meilleure amie trucidée (scène violente réaliste isolée), la belle-mère et l’épouse prodigue (MJ Croze), ça fait pas mal de femmes. Côté seconds rôles masculins n’ayant pas grand chose à faire : Jean Rochefort dans le rôle d’un riche propriétaire de chevaux, André Dussolier dans celui du beau-père (rôle un peu plus étoffé mais Dussolier n’est pas au mieux de son talent, mal ou pas dirigé) et, je garde le meilleur pour la fin, François Berléand dans le rôle du flic qui est le soleil du film, un acteur tout en nuances et en sobriété efficacité qui joue infiniment juste, un grand monsieur du cinéma français d’aujourd’hui. J’en oubliais deux autres : Olivier Marchal dans le rôle d’un homme de main et Gilles Lellouch (pas mal, je dois dire) d’un voyou au grand coeur. Il y a de quoi se répartir en groupes pour faire la promo du film, la Guillaume Canet cie ayant ratissé toutes les émissions de télé ces derniers temps.

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Les images sont compliquées mais sans grande originalité : on ne filme pas une voiture sur la route, on commence par un plan des champs qui prend tout l’écran et on finit par la voiture, idem pour les chevaux, on filme les sabots et ensuite les chevaux, et un peu tout à l’avenant. Comme on l’a vu plus haut, les images des ados se mêlent sans cesse aux images des adultes pour appuyer l’effet. Les souvenirs sont filmés blanchis comme chez tout le monde, et, bien entendu, comme partout, l’écran de l’ordinateur prend tout l’écran. La propension au gros plan étant en nette inflation ces temps-ci, on croule sous les visages énormes des uns et des autres. La musique de Mathieu Chedid est franchement la bonne idée du film à quelques dérogations près… par exemple, quand on met soudain U2 à fond la caisse quand Cluzet tape un pseudo U2 sur internet mais dans l’ensemble la BO est une réussite…

La fin du film est d’un ennui abyssal, si j’en crois les réactions dans la salle, ceux qui n’avaient pas lu le livre n’ayant pas compris grand chose de l’intrigue, l’explication fleuve de l’ensemble a lieu à postériori (au lieu de semer un indice par ci par là jusqu’à ce qu’il ne manque plus au final que la pièce manquante) dans une interminable scène de tête à tête, ce qui implique une chose à laquelle on se heurte tout le long du film : l’absence de toute montée de l’intensité dramatique, ce qui est un comble pour un polar, on s’ennuie souvent, c’est ennuyeux dans un thriller… Quant à la fin de la fin, le réalisateur l’a changée par rapport au livre et c’est un sommet de nunucherie.

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Un film ambitieux avec de gros moyens et un casting de luxe franco-français qui vise un succès commercial tout en se posant comme un film tendance outre-atlantique. Guillaume Canet avait réussi son premier film « Mon idole » avec beaucoup moins que ça et sans doute un peu d’humilité qui fait cruellement défaut ici… Sorti une semaine où il y a aussi à l’affiche «Les Fous du roi», le dernier film avec Sean Penn, «Scoop», le dernier film de Woody Allen, «Le Labyrinthe de Pan» de Guillermo del Toro, «Lady Chatterley» de Pascale Ferran, si ce film trouve sa place, ça en dira long sur le conditionnement promotionnel télé… sans parler de la dizaine d’avant-premières dans toute la France (c’est ainsi que je l’ai vu lundi soir à Paris).

 

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zoliobi

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