Rois d’Angleterre d' »Edward II » à Georges VI dans « Le Discours d’un roi »

Derek Jarman, 1991, Tom Hooper, sortie 2 février 2011
      

 

Pitch1.
Edward II, follement épris de son amant Piers Gaveston, le rappelle de l’exil où l’avait fait enfermer l’archévêque de Winchester, le couvrant de cadeaux, délaissant son épouse la reine Isabelle qui s’allie alors à Mortimer, le chef des armées.
Pitch2.
Après l’abdication d’Edward VIII pour épouser Wallis Simpson, son frère George VI lui succède. Affecté de bègaiement, la radio faisant son apparition, il est incapable de s’exprimer en public et doit prononcer le discours de déclaration de guerre de son pays à Hitler.

 

Une expérience intéressante est d’enchaîner, comme je l’ai fait par le hasard des parutions, le DVD d' »Edward II » de Derek Jarman et la projection du probable futur Oscar (au moins du meilleur acteur) « Le Discours d’un roi », les deux sortant le 2 février 2011 (en DVD, en salles). Deux films aux antipodes et pas seulement parce qu’ils ne traitent pas de la biographie (partielle) du même roi d’Angleterre à deux époques éloignées de l’histoire (XIV° siècle et XX° à la veille de la seconde guerre mondiale*). Le premier, Edward II, scandaleux,  féru de plaisirs, entouré de mignons dont un certain Piers Gaveston qui causera indirectement sa perte, le second, Georges VI, père de l’actuelle reine d’Angleterre Elisabeth II, obligé d’être roi quand il se sentait officier de marine avant tout, père de famille modèle, son frère aîné Edward VIII ayant abdiqué pour épouser l’excentrique Wallis Simpson, américaine deux fois divorcée, union incompatible avec l’exercice royal. 

* Edward II est roi d’Angleterre de 1307 à 1327 (destitué) ; Edward VIII, roi de janvier à décembre 1936 (il abdique volontairement), ensuite duc de  Windsor. Georges VI, roi de 1936 à 1952 (jusqu’à sa mort).
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Face à
« Edward II » de Derek Jarman, réalisateur avec une vision artistique et un engagement politique (et il est probable qu’on ne pourrait  plus faire un film du même tonneau aujourd’hui), en 2011, époque aseptisée à tous points de vue, on a ce genre de film tendance biopic haut de gamme comme « Le Discours d’un roi », tellement politiquement et esthétiquement correct, émouvant, parfaitement  bien interprété, au message consensuel, presque ennuyeux de perfection, nul doute que le film obtiendra un ou plusieurs Oscars. Face à un film punk underground, un film sage, titillant nos bons sentiments enfouis, tous publics, ce qui illustre bien, au passage, l’évolution du cinéma de 1991 à 2011, de sa dimension artistique et inventive, de la liberté l’expression et des préoccupations idéologiques. 


« Edward II » de Derek Jarman est adapté d’une pièce de Christopher Marlowe d’une rare violence, auteur contemporain de Shakespeare qui ferait passer ce dernier pour un auteur à l’eau de rose… La pièce en soi est tragique, obscure, violente, vue à Avignon il y a longtemps avec une mise en scène plutôt classique, c’était sinistre et angoissant, la fin insoutenable surtout sur scène (Edward II mourra d’une mort atroce). La version de Derek Jarman est à la fois plus créative et plus ambitieuse en faisant de sa version d' »Edward II » un film militant qu’il filme néanmoins comme une pièce de théâtre. Manque de moyens, le décor est réduit à quatre cubes en béton sans arrivée de lumière, on y installe le bureau du roi, son lit, etc…

 

« Edward II » (photo Carlotta)


En 1991, en pleine explosion de l’épidémie de SIDA, maladie encore mal connue, la population gay ostracisée en GB, Derek Jarman veut faire de sa pièce une métaphore de l’homophobie ambiante et pour cela, mixe les costumes et événements d’époque avec les costumes cravate des années 90 et les manif contemporaines d’associations comme « Outrage ». A noter Tilda Swinton, magnifique, comme on l’a rarement vue, dans le rôle très féminin de la reine Isabelle, restant très naturelle dans cet univers baroque, personnage d’une femme dépitée du désamour du roi, qui va se venger en se rapprochant du dangereux Mortimer, chef des armées qui veut la chute d’Edward II.
 

 

« Le Discours d’un roi » de Tom Hooper, dans un genre classique, avec une mise en scène privilégiant les visages et les sentiments qu’ils expriment (doute, angoisse, etc…), est un film réussi, focalisé les apparences érigées en système, ici le langage, se faire entendre, se montrer (après la radio, viendra la TV), réussir une performance d’acteur  bien qu’on soit un homme politique. George VI, fils cadet de 
George V, qui préfère l’aîné Edward VIII, contrait de porter des attelles adolescent pour corriger ses genoux cagneux, gaucher contrarié, terrifié à l’idée de déplaire à son père, est sujet au bègaiement surtout en public. Muet lors d’une allocation radio, il va trouver un orthophoniste, ancien comédien  australien sans diplôme homologué, avec qui il va entamer une rééducation. 


« Le Discours d’un roi » (photo Wild Bunch)

 

Comme les écrivains aujourd’hui contraints de passer à la TV faire leur promo quand leurs écrits seuls devraient témoigner de leur talent, comme les comédiens du muet mis sur la touche lors du passage au parlant, comme tout le star-system où le paraître a supplanté l’être, George VI va être jugé, contrairement à ses prédécesseurs,  sur une prestation radio (ce sont les débuts  de la radio),  un discours destiné à être écouté, entendu par tout le pays. Courageux, responsable, George VI va convaincre le peuple anglais de déclarer la guerre à Hitler mais il lui manque les mots pour le dire. Le film est construit sur l’objectif de réussir le fameux discours dans sa forme, l’enregistrement à la radio en direct, et ne traite pas du tout du fond, un challenge de ce roi qui lutte contre son handicap avec le soutien de sa femme et de son orthophoniste, ce qui entretient un petit suspense. Mais le vrai intérêt du « Discours d’un roi » réside dans la performance de Colin Firth so british, un acteur exceptionnel qui évite miraculeusement le surjeu malgré que le rôle lui tende le piège, un grand monsieur du cinéma anglais ayant débuté avec Hugh Grant et dont la carrière s’épanouit plus tard, aujourd’hui, avec notamment « A Single man » de Tom Ford.

« Le Discours d’un roi » , vu en projection bloggers Allociné, vient d’obtenir le Golden globe du meilleur acteur pour Colin Firth, sortie 2 février 2011
DVD « Edward II » éditions Carlotta, Bonus « Edward selon Derek », sortie 2 février 2011

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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