« Woman on the run » : double fuite

Norman Foster, 1950, sortie DVD 14 novembre 2012

Pitch

Témoin d'un règlement de comptes, un homme, qui promenait son chien la nuit, s'enfuit. En partant à sa recherche, son épouse, sans illusions sur son mariage, va peu à peu réhabiliter l'image de son mari et de son couple.

   

Ce film oublié a failli disparaître dans l’incendie des archives des studios Universal en 2008 si Eddie Muller, l’ayant emprunté en 2003, pour un festival du film noir (« Noir City » qu’il a créé) n’en avait profité pour faire, à cette occasion, une copie en secret. C’est à partir de cette copie que le film a pu être restauré aujourd’hui. Car le film, à sa sortie, n’a pas connu le succès ou très peu de temps. Produit par une compagnie indépendante (Fidelity qui a produit aussi « House by the river » de Friz Lang) dont Universal était le distributeur, ce dernier ayant eu l’idée de mettre en avant la dimension d’un couple en désamour (« échec d’un mariage moderne ») au lieu d’insister sur le film noir, cela découragea le public. Car si le film est bien un film noir, il n’en a pas tous les codes habituels : une femme cynique, limite déprimée, pas fatale du tout, un happy end. Néanmoins, l’image, superbe, est bien celle d’un film noir (le style dit « Low key », riche en atmosphère, typique du film noir), faisant penser à Orson Welles dont Norman Foster, acteur, puis réalisateur, était proche au point que Welles lui confiait certaines scènes de ses films à tourner quand il était débordé par des projets multiples. Sans parler de la dernière scène dans un parc d’attraction (« La Dame de Shangaï »)…
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photo Wild side vidéo

Un homme est témoin d’un règlement de comptes. Il sortait son chien la nuit dans San Francisco quand, dans une voiture à l’arrêt, un truand abat le témoin à charge d’un futur procès. Témoin numéro 2, on pourrait dire, l’homme au chien s’enfuit, se rendant compte qu’il s’est trouvé à la mauvaise place au mauvais moment. Le film est habile, assez vite mais pas trop, on apprend que, en fait, le tueur n’a pas vu l’homme au chien mais son ombre, celle qu’on montre habilement au début du film mais que le spectateur prend pour un simple effet de mise en scène. Encore plus habile, le film, tiré d’une nouvelle assez terne paru dans la presse (« Man on the run » de Sylvia Tate), a rajouté dans son scénario un personnage central, Danny Leggett, un journaliste séduisant et protecteur, qui va accompagner Eleanor, l’épouse de Frank, l’homme en cavale, dans ses recherches et ce couple assez ambigu ne se quittera plus. Les premiers contacts de la police, l’inspecteur Farris, avec Eleanor, l’épouse, sont déroutants, cette femme, sans illusions sur son mariage, semble se moquer de ce qui va arriver à son mari. Mais, chemin faisant, sous les sarcasmes d’Eleanor, on devine une autre personnalité, une femme déçue par son mariage, son mari, un peintre raté. Quand elle apprend que Frank, son mari, a une maladie cardiaque qu’il lui a cachée et risque de mourir sans ses médicaments, le vernis sardonique d’Eleanor se fissure, elle est touchée. Eleanor va alors se rendre dans tous les lieux où pourrait se trouver Frank, ce qui ravive des souvenirs. Car qui fuit-il au fond? Le tueur? Sa femme? Les deux?
A mi-film, le réalisateur révèle l’identité du tueur au spectateur, ce qui avait déplu à l’époque aux critiques. En vérité, cette audace fait basculer le récit en une poursuite haletante qui change d’objet se terminant dans la dernière partie au parc d’attraction ; une dernière partie très longue et elle-même divisée en deux parties, quand Eleanor ignore l’identité du tueur (que le spectateur connaît avant elle) et quand elle lui est enfin révélée.


photo Wild side vidéo

Sans Francisco, cité cinégénique, a rarement été filmée comme ici par Norman Foster en utilisant l’architecture ramassée si particulière de la ville tout en évitant les lieux touristiques trop vus. En engageant Ann Sheridan, star sur le déclin, Foster lui offre un rôle original de femme indépendante, énergique, qui séduit les hommes (Ferris, Leggett) par sa vivacité, sa personnalité, plus que par son physique.
C’est vrai que pour l’amateur de film noir, le scénario, les personnages, au départ, sont déconcertants (que vient faire cette autopsie d’un mariage raté dans un film de suspense?) mais on s’y fait rapidement grâce au rythme soutenu, à l’image noire et sculptée de pénombre, à la mise en scène brillante et précise. 

Coffret DVD Prestige DVD+Livre : éditions Wild side vidéo (sortie 14 novembre 2012)
collection Classics confidential/ »Art of noir vol.2″ (le vol.1 était « Le Rodeur » de Losey)
Livre : « Sauvé des cendres » d’Eddie Muller (80 pages) écrit spécialement pour le coffret
Bonus DVD : entretien croisé avec Bertrand Tavernier et Noël Simsolo

 

Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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