« OSS117 » : Atout Caire pour OSS 117/DVD

 18474697 
"OSS117, nid d’espions"(2006)

Sans le pass cinéma, je n’y serais jamais allée… le spectre de la perruque de Brice de Nice, l’excès de promo et l’omniprésence de Jean Dujardin sur les plateaux télé, les émissions spéciales qui lui sont consacrées, avant la sortie du film, on frisait l’indigestion… J’en suis sortie étonnée, non seulement, le personnage de l’agent 0SS117 sied parfaitement à l’expansif Jean Dujardin mais la reconstitution de l’ambiance des films des années 50 et du début des années 60 est parfaitement rendue.

Berlin, 1945, dans un extrait filmé en noir et blanc précédant le générique, un avion de la Luftwaffe est détourné, dans l’ombre du poste de pilotage, on croit distinguer le visage d’OSS117, masqué par la visière de sa casquette. Un plan très amusant de cette silhouette enveloppée de pénombre où la caméra s’attarde avant de révéler l’individu, comme on en voyait dans les films de l’époque.

A Rome, retour à la couleur, l’agent OSS117 ne chôme pas, étreignant la princesse Altarouk (Aure Atika), vamp nympho en peignoir de satin mauve, sur les couvertures en fourrure d’un grand lit d’une chambre d’un palace, première scène culte avec Aure Atika attachée au lit «viens crotal…», OSS117 «oui mais dépêchons-nous, je n’ai que quelques heures…».

18474698
 

Convoqué par sa hiérarchie, Hubert Bonnisseur de la Bath, agent OSS117, est envoyé en Egypte pour enquêter sur la disparition suspecte de son prédécesseur Jack Jefferson, l’agent OSS283. A l’aéroport, débarquant sous le pseudonyme de Lucien Bramar, OSS117 est accueilli par la séduisante secrétaire de Jack, Larmina (Bérénice Bejo), habillée et coiffée comme Audrey Hepburn en robe, mise en pli, gants blancs et escarpins sages, au volant d’une décapotable turquoise. Les dialogues sont savoureux «ne pas fumer me tue…», «le problème avec l’Arabe, c’est que ce n’est pas facilement lisible».

Les deux passagers en voiture sont filmés figés sur l’écran faisant semblant de rouler avec le paysage qui défile dans un décor derrière eux, comme dans les films des années 50. En arrivant à l’entreprise d’exportation de poulets que dirigeait l’agent Jefferson comme couverture de ses activités d’espion avant sa mort, le réalisateur s’amuse à éteindre l’électricité et à filmer la porte vitrée et dépolie du bureau avec des silhouettes dans l’ombre de part et d’autre, à la manière d’une scène de film noir américain où le détective privé, flairant un piège, rentre dans son bureau dans le noir et quand il éclaire… un intrus est assis dans son fauteuil…

Hubert Bonnisseur de la Bath est le prototype de l’occidental colonialiste et supérieur «la France gardera ses colonies», inculte et raciste «quelle religion peut être assez stupide pour priver ses fidèles de ce plaisir? (boire)», borné et homophobe, qui distribue des photos de René Coty comme pourboires aux employés et ne recule jamais devant un bon de jeu de mots : comme Larmina l’invite à une soirée à l’ambassade «vous pourrez y voir le gratin Cayrote», il répond «et non pas le gratin de pomme de terre !». Son ingénuité à accumuler les gaffes et son opiniâtreté à vaincre les périls vont déclencher un enchaînement de gags dont certains sont franchement drôles comme cette scène où OSS117 se trouvant dérangé par les prières du matin, va provoquer un drame diplomatique. Ou encore, une entrevue officielle autour d’un narguilet qui va dégénérer. Ou, plus simplement, la dégaine d’OSS117 avec un burnous sur son costume et ses boutons de manchettes qui dépassent des manches, se piquant d’apprendre en une soirée quelques rudiments de la langue pour passer inaperçu.

18610104

 

La physionomie soucieuse, le sourcil en épi, OSS17 scrute des pistes imaginaires là où il ne se passe rien, incapable de remarquer le moindre indice sous son nez, avec une incompétence désarmante et une suffisance de tous les instants. Jean Dujardin a bien mixé les mimiques suspicieuses d’un Louis de Funès à l’allure conquérante d’un Sean Connery dans James Bond. Le regard stupide ou rusé, la mine sérieuse et concentrée pour débiter des banalités, l’air étonné de rien et agacé de tout, le sourire niais, le rire artificiel, Dujardin nous propose un one man show assez talentueux. Ainsi, il pastiche à ravir la misogynie de l’agent secret, surhomme séducteur, alternant attitude protectrice et boniments avec les femmes, d’autant, que contrairement à beaucoup d’humoristes, Dujardin a un physique avantageux, comme on disait à l’époque.

18473119
18474699

La scrupuleuse reconstitution des années 50/60 ne tient pas qu’aux décors, loin s’en faut… Les costumes gris d’Hubert BB, ses montures de lunettes noires en bakélite, sa tenue sport composée d’un pantalon en tergal bleu et d’un polo boutonné jusqu’au menton, la robe fendue à col Mao de Larmina, le fourreau en lamé vert de la princesse Altarouk… L’Egypte de Nasser, le président René Coty, le Mambo, Dalida, jusqu’aux apéritifs : la Suze, le Guignolet, le Dubonnet, le Cinzano… La réussite du film tient surtout à l’image type début de la couleur en photographie, à la façon de filmer et aux dialogues en langage de l’époque «je m’en moque comme d’un guigne!» avec des acteurs prenant la voix fausse et incitative des doublures des films américains des l’époque… La façon dont le personnage d’Aure Atika s’adresse à OSS117 avec un ton outré et récitatif rappelle à s’y tromper les voix doublées de toutes les pin-up des premiers James Bond, sans parler de ses poses caricaturées et de son port de tête fier et altier de "méchante"… La musique originale est un digest très pimpant de toutes les musiques de films d’action et d’espionnage des années 60 avec des passages ampoulés surlignant les scènes clé.

Les références :

Personnage imaginé par l’écrivain Jean Bruce en 1949, OSS117 a déjà été adapté au cinéma avec «OSS 117 se déchaîne» (1963), «Banco à Bangkock» (1964), «Furia à Bahia» (1965), «Atout cœur à Tokyo» (1966), «Pas de roses pour OSS 117» (1968). Le modèle de Dujardin est bien évidemment le Sean Connery des premiers James Bond comme «James Bond contre Dr No» (1962), «Bons baisers de Russie» (1963) mais pas seulement… On pense aussi à Belmondo jeune dans «L’Homme de Rio» (1964) ou «Les Tribulations d’un chinois en Chine» (1965) (où jouait aussi la sculpturale Ursula Andress comme dans «Dr No»). Jean Dujardin dit s’être inspiré de Bébel dans «Le Magnifique» (1973) mais bien avant cette période narcissique intensive avec notamment "L’Héritier" (1973), «Flic ou voyou» (1978), «Le Professionnel» (1981) (mon préféré) etc…, les fanfaronnades et l’assurance musclée de l’homme avec un grand H étaient déjà au menu, exemple d’une scène de «L’Homme de Rio» avec Belmondo racontant «j’étais suspendu par les dents à un avion et j’avais envie de rire….». Autre référence essentielle : «L’Homme qui en savait trop» (1956) de Hitchcock qui aurait servi de modèle au film.

Les acteurs :

Jean Dujardin, débuta sa carrière dans l’émission «Graines de star» avec le sketch de Brice de Nice qui deviendrait ensuite le film que l’on connaît… Recruté ensuite par Patrick Sébastien, il forme un trio d’humoristes avec deux autres compères les «Nous C nous», puis, il connaît la notoriété en duo avec Alexandra Lamy sur Canal Plus avec «Un gars, une fille, Chouchou et Loulou». Depuis, il tourne… avec Carole Bouquet «Bienvenue chez les Rozes», avec Isabelle Nanty «Toutes les filles sont folles», avec Mélanie Doutey «Il ne faut jurer de rien». Bérénice Bejo, actrice d’origine argentine, a été découverte dans le film de Jugnot « Meilleur espoir féminin ». Aure Atika, révélée par Canal Plus et ensuite par «La Vérité si je mens», sera bientôt à l’affiche de son pendant féminin «Comme t’y es belle».

le réalisateur :

Coscénariste pour "Les Nuls" à Canal plus, c’est le second long-métrage du réalisateur Michel Hazanavicius,après "Mes amis" avec son frère Serge, comédien, et Karin Viard (1998).

Voilà un film amusant certifié sans prise de tête, la période est pour une fois riche en comédies avec «Les Bronzés 3», «La Doublure», «Jean-Philippe», «Enfermés dehors», on aura bientôt «Camping» (courage, fuyons!) et «Comme t’y es belle». Un film remarquablement bien fait, une reconstitution léchée des années 50, un pastiche sans vulgarité avec un second degré bien amené. On peut regretter la lourdeur de quelques scènes (rarement) ou la surexposition de Jean Dujardin, comme son modèle Belmondo, c’est un genre de film avec un acteur bankable tête d’affiche, et ça deviendrait vite lassant en filon à exploiter (même Belmondo et Delon y ont laissé des plumes), mais pour l’heure, on passe un bon moment sans autre arrière-pensée que de se détendre.

Les références du film :
OSS 117 se déchaîne (1963)
Sean Connery dans "James Bond contre Dr No" (1962)
Hitchcock le modèle "L’Homme qui en savait trop"(1956)
Bébel dans "Le Magnifique" (1973)


Partager l'article

Posted by:

zoliobi

Laisser un commentaire

Votre email ne sera pas publié. Remplissez les champs obligatoires (required):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Back to Top