Une Fois que tu es né… /DVD

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Voilà un film regardé par le plus grand hasard dans la foulée du Best of des Guignols sur Canal Plus un samedi soir : le grand désert cinéma à la télé de la semaine avec Ruquier ou rien… sauf ce film italien par le réalisateur de «Nos meilleures années» Marco Tullio Giordana.

Conte moraliste ouvert sur la cohabitation de deux mondes : celui de l’hyperconsommation et celui de la précarité extrême. Un adolescent parti en croisière en Grèce avec son père et le meilleur ami de son père, deux bellâtres machos plutôt bornés, tombe une nuit accidentellement du bateau… Recueilli à bord d’une embarcation transportant des travailleurs clandestins à destination de l’Italie, les certitudes sociales et morales de Bruno vont s’effondrer.

Le film est découpé en trois parties : la première partie décrit la vie de Bruno au sein d’une famille bourgeoise enrichie : villa avec piscine, Porsche, derniers gadgets technologiques. Dès les premières images, Bruno est confronté à une scène dans la rue : un homme essaye en vain de téléphoner d’une cabine publique et se frappe ensuite douloureusement la poitrine en hurlant comme un disque une phrase dans un dialecte africain que personne ne comprend, la police l’embarque…

La seconde partie se passe en mer, soit un tiers du film avec le train de vie luxueux et futile sur le yacht où les deux hommes ne songent qu’à bronzer ou à draguer des jeunes américaines aux escales. Les cabines en bois vernis, l’ami du père torse nu avec des électrodes d’un Compex sur les abdominaux, le père en train de se passer du fil dentaire au moment du drame, les téléphones mobiles flambant neufs… Contraste saisissant avec les passagers de l’embarcation clandestine bondée et crasseuse qui n’ont ni eau courante ni nourriture, la jeune Alina tenant ses tennis usées contre son cœur tout au long du voyage. Rudoyés par les deux conducteurs italiens brutaux du convoi maritime qui eux-mêmes sont à peine mieux traités par leurs employeurs. Dans le groupe, Bruno se lie d’amitié avec Radu, un jeune roumain et sa sœur Alina. La troisième partie, un peu moins réussie que les deux précédentes, plus lente et floue quant aux directions du film, traite du retour en Italie et de la réinsertion de Bruno dans son univers sur-civilisé.

La psychologie des personnages est fine : les parents ne sont ni angélisés ni diabolisés : devant la réalité des camps de clandestins, le père et la mère, sous le coup de l’émotion et de la culpabilité, donneraient tout ce qu’ils possèdent : argent, téléphone, vêtements, sidérés de crouler sous le superflu quand d’autres, dont ils ignoraient l’existence, ont moins que le minimum. Bien que le moment de remise en question passé, les parents replongent rapidement dans leur confort climatisé égoïste en refermant la porte à peine entrebaillée sur la solidarité. Les nouveaux copains roumains de Bruno ne sont pas idéalisés non plus, les embûches administratives pour l’accueil des immigrés ne sont pas occultées, le réalisateur fait preuve d’un certain réalisme malgré le choix du conte plus humain que réellement moralisateur. Pourtant, c’est cet équilibre difficile entre le conte et la réalité qui conduit le film vers cette troisième partie indécise, on hésite entre le happy end dans le sens de la fable ou le drame dans le sens du réalisme, pour un résultat hybride, une issue en queue de poisson…

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La période en mer, tournée en décors naturels, est la plus belle : le drame de la chute de Bruno dans l’eau noire la nuit appelant au secours, plus tard, les hurlements du père sur le yacht se découpant au large qu’on entend depuis la mer sans montrer ce qui se passe à l’intérieur, comme depuis les oreilles de Bruno en train de se noyer, la silhouette de l’embarcation de clandestins dont on ne voit que des ombres se détachant dans l’ombre, une image noir et blanc utilisant les sons, les ombres, les contrastes.

Un beau film tous publics, émouvant à tendance fantastique légère, qui évite l’écueil du mélo avec cet humour transalpin culturel qui transpire pour révéler le loufoque même minuscule en toute circonstance. Une interprétation très spontanée, très naturelle, des acteurs filmés en semi-improvisation, sans affiche de stars, le père un peu ridicule, les trois ados peut-être un peu trop beaux mais c’est le jeu du cinéma… Au passage, on voit avec plaisir l’embellie du cinéma italien ces derniers temps, du cinéma espagnol, du cinéma allemand, etc… Pour le cinéma Français, patience…

Note : "Une fois que tu es né…" ("Quando sei nato non puoi piu nasconderti" ) a été le seul film italien présenté en compétition à Cannes en 2005.

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zoliobi

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