Juste avant la nuit : l’impossible expiation

Claude Chabrol, 1971, reprise 9 juillet 2025

Pitch

Un homme tue sa maîtresse lors d’un jeu sexuel et cherche en vain à être jugé…

Notes

Charles Masson a tué sa maîtresse lors d’un jeu érotique qui ne l’amusait plus beaucoup. Elle apparaît au fond de la pièce, seule, nue sur un lit, réclamant lascivement, une dose de sensations fortes. Elle aussi semble lasse, comme demandant à jouer à un jeu dont elle n’attend plus grand chose que la montée en puissance.

Au sortir de l’appartement, prêté par une amie de sa maîtresse, Laura, désormais morte étranglée, Charles Masson va boire deux whiskies dans un bar et vomit. Dans la rue, il rencontre François, son meilleur ami et mari de Laura. 

Petit à petit, Charles Masson se sent de plus en plus déprimé. Se confessant à sa femme, Hélène, épouse modèle et aimante, elle l’absout. Et dit une chose peut-être pas si fausse : il aime se torturer, se faire mal. Faute d’être puni, Masson est au bord de la dépression. Cependant, dans cette famille idéale, le couple fait lit à part (Chabrol insiste à le montrer) ; jouant une partition enfantine avec son mari, Hélène lui lance, en plaisantant, au moment d’aller se coucher, qu’elle n’est pas intéressée par tous ses envies de jeux «compliqués »… 

Le Noël familial marque une pause.

N’en pouvant plus, Charles va tout avouer à François, son meilleur ami et mari de Laura. Les deux couples habitent dans une banlieue chic, François, architecte, a construit la maison de Charles, publicitaire à Paris. Tout comme Hélène, François l’absout, à quoi bon foutre en l’air sa famille? Le mal est fait, autant oublier. Charles insiste qu’il ne l’aurait pas trompé en séduisant son épouse à lui, Hélène, et la réponse est intéressante : si Hélène avait été Laura, peut-être…

 

Ce film fait l’objet de deux interprétations. La première : une bourgeoisie prête à tout pour éviter le scandale et ne pas déranger son confort. Des bourgeois pour qui sauver les apparences justifie de régler leurs affaires entre eux. Mais n’est-ce pas la une lecture simpliste éclairée à la lumière des nombreuses œuvres ultérieures de Chabrol traitant de l’hypocrisie bourgeoise? Juste avant la nuit fut tourné deux ans après La Femme infidèle (1969, film auquel on le compare). La seconde interprétation est que Masson est un personnage Dostoïevskien (se réalisant en perdant la raison au delà du bien et du mal) demandant en vain à être jugé pour ce qu’il a fait.

Il y a tout ça dans ce drame psychologique, épuré et glaçant, mais il y a aussi un autre angle : les fantasmes sexuels d’un homme marié à qui une épouse parfaite les lui refuse poliment. Il y également le peu d’intérêt de tous pour Laura, l’épouse infidèle, sans enfants, sans famille, dont personne ne pleure la mort. François admire Hélène et leur couple «simple et heureux» avec leurs deux enfants. Il voudrait sans doute garder cette image idéalisée. Comme deux images de la femme : la maman et la putain… On devine, par ailleurs, que Laura n’est sans doute pas de la même extraction sociale que les autres, l’amie qui lui a prêté son appartement est une femme simple, qui, seule, semble avoir du chagrin.

La fin du film qui semble limpide pour certains ne l’est pas autant que ça, c’est Masson qui demande à sa femme de «le faire dormir». Et on peut entendre «pour toujours» même si Hélène, moins naïve qu’il n’y paraît, a d’autres motivations (éviter le scandale, Masson ne trouvant personne pour le condamner ayant décidé d’aller se dénoncer à la police) que de l’aider à cesser de souffrir.

 

 

Et aussi

A l’initiative de TAMASA, une rétrospective des premiers films (12) de Chabrol a lieu depuis le 9 juillet 2025.

Les éditions TAMASA s’apprêtent aussi à éditer un coffret de 8 films sur cette même période (en novembre 2025).

 

Juste avant la nuit (1971) fut souvent associé à La Femme infidèle (1969), dans la même veine, comme s’il s’agissait d’un diptyque…

 

Notre note

4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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