
« Les Climats » : Le Désert blanc/Avant-Première

Film contemplatif dont daucuns diront quil y a des longueurs quand il s’agirait ce plutôt de lenteurs (et cela sans jouer sur les mots), "Les Climats" observe au microscope les soubresauts de la vie dun couple en correspondance avec les saisons. Film turc en sélection officielle à Cannes, cest un film typiquement dauteur dont le réalisateur, Nuri Bilge Ceylan, est aussi le producteur et lacteur principal du film donnant la réplique à sa femme dans la vie. Malgré les démissions de certains spectateurs, la salle nétant quà moitié pleine dans le cadre dune avant-première de Positif, ce qui est rare, quelques uns sortis après une demi-heure de projection, le film se réclame beaucoup plus nettement dAntonioni que d’un cinéma social régional. Cest un film intemporel qui pourrait se passer dans nimporte quel pays dont on retiendra surtout la photo superbe, le réalisateur a dailleurs commencé sa carrière comme photographe. Chaque plan est une uvre en soi ou presque, on peut faire mentalement un arrêt sur une image au hasard et la perfection est au rendez-vous, cen est même trop
Démarrant les saisons sur une plage en été, la saison la plus sensuelle, le film se terminera sur cette même plage sous la neige. Une des toutes premières scènes donne une idée du style et de la façon de filmer : dans des ruines, un homme vaque, plus loin, une femme brune seule dont on ne sait pas encore que ces deux-là sont ensemble, et puis, un gros plan très très long sur le visage de la femme : spectacle des changements dhumeur sur ce visage comme sil sagissait dun paysage : partant dune expression neutre, petit à petit, les larmes lui montent subrepticement aux yeux avec ce quon imagine un reflux de souvenirs, de pensées, démotions. Le réalisateur dissèque le quotidien dun couple et surtout son cheminement intérieur, la seconde référence après Antonioni pour la forme est alors Bergman pour le fond. Non seulement le réalisateur na pas cherché la facilité, mais il a corsé les choses en choisissant un héros loin dêtre sympathique Il est à peu près impossible de raconter ce film, lhistoire est filiforme mais limage est grandiose, il faut le voir
Eclairage avec un extrait de la conférence de presse de Nuri Bilge Ceylan :
"Ce film reflète mon point de vue sur les relations entre les hommes et les femmes, cela ne concerne pas uniquement la société turque. Je m’attache à montrer des petites choses, car elles ont souvent de lourdes conséquences. Par exemple, lorsqu’un couple se dispute, parfois violemment comme dans le film, on cherche, peut-être par orgueil, à savoir ce qui était à l’origine de la dispute. Mais souvent, c’est quelque chose qu’on ne peut pas deviner, c’est un détail sans importance."
Bien que le mari et lépouse jouent dans le film, NBC jure quil nest pas autobiographique, il sest lancé dans laventure de faire lacteur à cause du format numérique qui lui donnait plus daisance pour contrôler son jeu. Le film fut présenté à Cannes en numérique à sa demande. Amoureux des images, le réalisateur ne sous-estime pas le poids des mots : le film a été entièrement post-synchronisé pour mettre en valeur certains sons. Bien quil nait pas été récompensé, «les Climats» a recueilli les suffrages de la critique, cette fois à juste raison. NBC avait déjà fait lunanimité des critiques à Cannes en 2003 avec son précédent film «Uzak» qui avait raflé le grand prix du jury.
Un film qui se mérite un peu car il demande une certaine concentration et le renoncement au divertissement paresseux dans le genre du «Héros de la famille» que jai vu aussi cette semaine. Difficile pourtant de faire plus beau
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