Mario Monicelli : Masterclass à la Cinémathèque française

Mario Monicelli à la cinémathèque samedi 22 mars 2008

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On va passer deux extraits de films fort bien choisis, deux dates, deux états des lieux, deux états desprit, qui démontrent combien la (tragi) comédie italienne de MM est en prise avec lactualité sociale et économique. Dabord un extrait de (la fin du film) « Le Pigeon »(I Soliti ignoto ») (1958) : quatre caves vont tenter un casse minable qui tournera à la catastrophe, quatre individus rendus grotesques par la situation et leurs réactions. Ensuite on passera un extrait (toujours la fin du film) dun film des années 70 « Un Bourgeois tout petit petit » (« Un borghese piccolo piccolo ») (1977) avec Alberto Sordi. Si dans « Le Pigeon » tourné en noir et blanc, la bonne humeur prédomine malgré lenchaînement des catastrophes, dans le second film, Alberto Sordi, cheveux blancs, expression désespérée dun individu démoli par la vie, est un homme au bout du rouleau, tourné en couleurs, le ciel sombre, la musique tragique, la fin est ouverte sur les plus sombres perspectives.


« Le Pigeon » (1958) et « La Grande guerre » (1959) : deux succès populaires de Mario Monicelli
Deux films, deux périodes, MM explique quà lépoque du «Pigeon», on est dans les années qui vont aboutir au miracle économique italien, 20 ans de reconstruction dun pays détruit après la seconde guerre mondiale. Pourtant, en deux mots, les gens sont enthousiastes et plein despoir, même si ils ne mangent pas toujours à leur faim, la guerre est finie leur donne un sentiment de liberté, on note même une solidarité entre les classes sociales. Paradoxalement, dans les années 70, les conflits démarrent avec la nouvelle génération confrontée au marché, la concurrence, les affaires, la corruption Alberto Sordi représente cet homme italien moyen symbole de ce changement. Dans «Un Bourgeois tout petit petit», les employés du ministère semblent sympathiques mais quun deux disparaisse et les autres rêvent de prendre sa place
La comédie italienne a des ressorts tragiques et ne débouche jamais sur un happy end, au contraire. La comédie italienne raconte une faillite, une catastrophe traitée sur un mode burlesque. Quand un film comme le «Pigeon» sort en Italie, cest un succès populaire, il faudra attendre certains critiques français de Positif et des Cahiers du cinéma pour donne ses lettres de noblesse à la comédie italienne. «cest comme ça que je suis ici aujourdhui à la cinémathèque» dit malicieusement MM !La comédie italienne décrit la réalité sociale et économique : dans son premier film « Toto cherche un appartement » (« Totò cerca casa »), MM met en scène une famille sans maison qui cherche un toit
après la guerre. Une situation tragique traitée comme une farce. Le fond tragique, cest la base de la comédie italienne, lironie est plus percutante que le drame, comme le dit MM «Lironie est un bistouri».Toto était un acteur populaire qui représentait le théâtre napolitain, lItalie du sud, la commedia dell arte. Tel Polichinelle, cétait une figure comique avec un masque un peu inquiétant (presque mortuaire) comme un fantôme. Toto avait quelque chose de morbide en plus du comique, hors, la mort est un un grand matériau de comédie aussi en Italie, ailleurs, cest autre chose
MM a souvent engagé les acteurs en contre-emploi, ça démarre donc avec Vittorio Gassman dans «Le Pigeon», il aime «inventer» des acteurs, changer, expérimenter, samuser avec les acteurs ou la caméra, toujours fixe pour certains films ou toujours en mouvement, ça passe le temps 65 films à son actif
La plupart des réalisateurs de la comédie italienne venaient dun journal satyrique. Au journal, il y avait des réunions hebdomadaires, on faisait le résumé de la semaine, le point des événements politiques, entre 12 et 15 journalistes, « on a transposé ça au cinéma », dit MM. Pour réaliser « Toto cherche un appartement », au départ, MM écrit le scénario avec dautres, le réalisateur pourrait être Comencini ou Dino Risi mais ils sont occupés ailleurs. Toto est sous contrat avec le producteur Carlo Ponti, accessoirement le mari de Sophia Loren, qui propose à MM de réaliser le film.
On lui parle de «Brancaleone», un film avec un langage médiéval mâtiné de dialectes napolitain, milanais et méridionnal. A lépoque, fait remarquer MM, les auteurs avaient droit au chapitre plus que les producteurs MM impose de conserver ce langage «nous irons à la ruine!» répond le producteur mais les enfants comprennent aussitôt le film comme un cartoon. On lui parle aussi de la musique dans ses films, il a travaillé souvent avec les mêmes, toujours lamitié, Nino Rota et Carlo Rustichelli, par exemple. Les amis, à lépoque, ils étaient tous amis, ensuite, les uns et les autres ont gagné de largent et se sont mariés, ils se sont un peu perdus de vue, «le mariage, cest la mort de lart!», plaisante MM. Et puis, à lépoque, insiste MM, cétait le plein emploi, une centaine de films par ans, tout le monde avait du travail, les gens pouvaient être généreux sans jalousie. Aujourdhui, lesprit de compétition nest pas compatible avec la durabilité des amitiés Chaque mercredi ils se retrouvent aujourdhui encore dans un restaurant de Rome ? Oui, le restaurant est là mais pas les gens, dit MM, enfin 6 ou 7 personnes quand mêmeSon dernier film date de 2006 (« Le rose del deserto »), va-t-il encore tourner ? Non, cest fatigant, et surtout, on pourrait bien se demander «mais quest-ce quil a à dire encore celui-là à 92 ans?», plaisante MM et puis, il ne veut pas prendre le budget dun réalisateur plus jeune. Espérons qu’il changera d’avis!
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