« Les Deux amis », le fantôme persistant de Truffaut… SDC, Cannes 2015
Pitch
Clément, figurant de cinéma, plaintif, timide, tombe amoureux d'une belle inconnue qui travaille dans un snack-bar, elle lui lui échappe, il appelle alors à l'aide à Abel, son meilleur ami...
Notes
Eh oui, l’univers de Truffaut empreint de gravité et de légèreté, les atermoiements du cœur d’un Antoine Doinel, transi d’amour disant « merci monsieur » à Delphine Seyrig (« Baisers volés ») , cette époque où Claude Jade, enceinte, descendait les escaliers de son immeuble en fumant (« Domicile conjugal ») tout cela n’existe plus. Excepté pour Christophe Honoré qui a longtemps puisé dans l’univers Truffaut avec plus ou moins de réussite.
Au générique de fin, j’ai lu, sans étonnemment, scénario : Louis Garrel et Christophe Honoré mais pouvait-il en être autrement pour l’interprète des « Bien-aimés » d’Honoré qui cette fois-là avait préféré Demy?
Les tentatives de transposer un univers Truffaldien tendance « Jules et Jim » avec les codes du XXI siècle sont louables. Ici ce ne sont plus exactement deux amis qui aiment la même femme mais celui qui l’aime assez peu (dont on verra le trouble, in fine, face à un homme) qui couchera avec elle.
En engageant Vincent Macaigne face au beau Louis Garrel dans la figure du casse-pieds fragile et touchant, collant aux basques de ce dernier, sa douleur en bandoulière, dans le genre Michel Blanc, hypochondriaque pot de colle face au séduisant XXL Gérard Lanvin dans « Marche à l’ombre »… On recrée cette sorte de duo improbables d’amis toujours sympathique et drôle car incongru pour le spectateur. D’autant que le comique de situation n’est jamais loin et la tendresse bourrue aussi.
Mais il semble qu’une autre motivation ait animé Louis Garrel réalisateur : mettre en valeur l’actrice Golshifteh Farahani dans un portrait de femme insaisissable dont on fera ici une détenue en liberté demi-conditionnelle (les temps changent… Avant, on était baby-sitter ou étudiante en lettres…) On ne peut nier que l’actrice, d’une beauté à couper le souffle, est d’un naturel que les deux amis pourraient lui envier… Excepté ces ongles vernis sortie de manucure carmin nickel quand elle galère sans argent ni logement…
Donc, Clément (Vincent Macaigne), tombe amoureux d’une mystèrieuse inconnue, Mona (Golshifteh Farahani), une fille qui travaille dans un snack de la Gare du Nord dont il ignore qu’elle doit retourner tous les soirs pointer en prison. Il presse son meilleur ami, Abel, comme un citron avec sa passion incompressible. Incident : les deux amis empêchent Mona de prendre son train a l’heure, pour elle, c’est un drame, pour eux, vivant dans un autre monde où les problèmes perso ont le luxe de prendre toute la place, c’est un jeu à mesurer la passion, l’amitié. Mais Mona, d’abord désespérée, va avoir soudainement envie de vivre et de jouer avec les deux amis. Clément vient de faire une TS, hôpital, Abel et Mona se rapprochent, leurs corps seulement, car Abel, frappé de culpabilité, la fiche ensuite à la porte.
"Les 2 amis" de Louis Garrel façon C.Honoré en direct de chez Truffaut : 1 film rêveur à 1 époque peu propice aux atermoiements du cœur #DVD
— Camille M,Cinémaniac (@Cine_maniac) February 8, 2016
Et aussi
C'est un film sur l'amitié de deux hommes "à la vie à la mort" où la femme, si belle soit-elle, est un média qui les éloigne, les réunit, où toute épreuve remet en cause l'amitié qui reprendra ensuite le dessus. D'ailleurs, Mona comprendra tardivement qu'elle ne verra pas l'un sans l'autre et c'est très bien ainsi. Un sujet plus délicat qu'il n'y paraît car comment expliquer qu'il y ait plus de passion et d'exigence de vérité dans l'amitié que l'amour? Garrel ne tombe pas dans le panneau de deux hommes attirés amoureusement l'un par l'autre par l'entremise d'une image de femme trop belle pour l'un, bandante pour l'autre. Il pointe les exigences absolues de l'amitié, tout comme dans "Les Aventuriers" d'Enrico, rien à voir ici mais des plus beaux films sur l'amitié, il y aura au final ce "mensonge nécessaire" quand la vérité n'apporterait que tourment. Tout compte fait, ce thème intemporel n'est pas facile à traiter et le réalisateur s'en sort bien. PS. J'ai revu hier "Le mouton enragé" (1974) de Michel Deville, une histoire cruelle et compliquée entre deux amis, l'un, handicapé, vivant par procuration à travers l'autre, et, justement ce "mensonge nécessaire" de JL Trintignant à JP Cassel qu'il tente (non, il n'a pas couché avec l'ancienne fille du pharmacien de leur jeunesse), puis se ravise, brisant le rêve absolu (oui, en fait mais elle ne vaut rien), aura des conséquences tragiques. Le film fut présenté à la Semaine de la critique au Festival de Cannes 2015.
Annexe
[caption id="attachment_13605" align="aligncenter" width="296"] Michel Deville, 1974[/caption]
Diffusion
Sortie DVD 3 février 2016
Ad Vitam distribution
Notre note
(4 / 5)
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