Limonov, the ballad : rebel

Kirill Serebrennikov, sortie 4 décembre 2024

Pitch

La vie itinérante, étonnante, du poète et voyou et dandy Limonov...

Notes

Limonov, the ballad est un film adapté d’un roman d’Emanuel Carrère (Limonov) sur un personnage qui a existé et qu’il a rencontré de manière épisodique.

Limonov (du nom qu’il s’était choisi) est né à Kharkov, on le découvre avec un cercle de poètes qui l’ennuie mais c’est l’occasion de leur lire ses écrits. Il y rencontre Elena, trop belle, trop riche pour lui. Elle quitte tout pour le suivre à New York. Plongée dans une ville sale et survoltée, où la précarité côtoie le luxe, temple d’un consumérisme décomplexé. Après tous leurs excès, leur couple explose. Limonov est désesperé à la « manière slave » extravertie (scène sexuelle, explicite, insolite, où Limonov, maquillé comme Elena, devenue dans l’intervalle escort-girl de luxe, se jette dans les bras d’un squatter inconnu, un grand black costaud, qui finira par le consoler). On le retrouve travaillant comme majordome raffiné pour un milliardaire des beaux quartiers.

On conseille à Limonov d’aller à Paris. Il y publiera de nombreux livres mais de Paris, le réalisateur ne montre rien. Succès d’estime ; la célébrité, vrai projet de Limonov, tarde à venir. Moscou, Kharkov, retour aux origines. L’URSS n’existe plus…

Une scène est parlante. Limonov retourne voir ses parents à Kharkov qui n’ont pas quitté leur modeste appartement de fonction. Le père regrette la fin de l’URSS, l’ordre et l’ordonnancement des hiérarchies où chacun se sentait à sa place, celle qui lui avait été assignée, où personne ne remettait rien en question. Naïvement, le père de Limonov lui dit : tu pourras garder l’appartement (après notre mort).

 

La performance de Ben Whishaw, sage acteur anglais, est ébouriffante : à New York, il est successivement le sosie de Jim Morrison en blouson en jean blanc, cheveux longs et lunettes noires, puis, celui de James Dean débutant en majordome, cheveux en brosse et petites lunettes. Etc…

Comme j’avais beaucoup aimé le livre, je me doutais qu’avec un réalisateur comme Serebrennikov, le film serait brillant et c’est le cas. On note d’abord à l’écran le changement de format, carré en noir et blanc au début pour la sensation d’enfermement, grand format couleur pour la liberté (l’illusion), un choix qui peut paraître sophistiqué mais c‘est cohérent.

Il y a une grande fluidité entre les périodes, le passage d’un lieu à un autre, grâce à une mise en scène simple, bien qu’un peu théâtrale, à la musique aussi (très bonne BO).

Il exhale une certaine poésie de ce film, Limonov était un voyou, un imposteur, un dandy, obsédé par la quête de célébrité mais écrire était son moyen d’expression privilégié en même temps que le sésame pour être une star. A-t-il vécu tout ça pour l’écrire?

On voit bien que le réalisateur est fasciné par le personnage (fascinant…), ce qui le prive de prendre de la distance. Mais peut-on être à la fois dans l’immersion et la distance?

Le trip New-York est un peu long, l’étape à Paris un peu courte. Le côté «poubelle» de NY est très réussi, ça correspond à la réalité des années 70 et met en exergue les inégalités, ces populations marginales devenues invisibles. C’est la libération sexuelle, l’explosion du consumérisme compulsif, tout ça est très bien exploré. 

Je regrette un peu que le film ait fait l’impasse sur l’enfance de Limonov qui aurait donné des clés pour comprendre le personnage, qui a (à mon avis), toute sa vie, eu la nostalgie de l’URSS de son enfance, qu’il voulait pourtant fuir. Ce qui explique sans doute ses sentiment ambivalents vis à vis de la classe ouvrière de ses parents pour laquelle il conservera toujours une certaine tendresse.

 

Et aussi

Limonov, the ballad (2023), fut présenté en compétition officielle au Festival de Cannes cette année. Quatrième sélection pour le réalisateur russe dissident, Kirill Serebrennikov ; il avait déjà été sélectionné précédemment à Cannes avec La Femme de Tchaïkowsky (2022), La Fièvre de Petrov (2021), Leto (2018).

Limonov (photo Pathé)

NEWS.

Kirill Serebrennikov aurait adapté pour 2024 : La Disparition de Josef Megele d’après le livre éponyme d’Olivier Guez, Prix Renaudot 2017. Ce roman biographique suit la « disparition » du tristement célèbre bourreau d’Auschwitz, le docteur Mengele, et imagine sa fin misérable au Brésil après avoir fui en Argentine après la guerre (puis au Paraguay). Vivant reclu au Brésil vers la fin de sa vie pour échapper à la justice, sa mort est sujette à des hypothèses. Un beau sujet pour Cannes 2025?

 

Diffusion

SORTIE EN SALLES PATHÉ FILMS

4 DÉCEMBRE 2024

 

 

Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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