« 99 Homes » : la grande bouffe des banques

focus film Rami Bahrani, sortie e-cinéma le 18 mars 2016

Pitch

Rick Carver a fait fortune dans la saisie des biens immobiliers. Quand il exproprie Dennis Nash et sa famille, ce dernier lui propose un marché...

Notes

Le Grand prix du festival de Deauville ne sortira pas en salles mais directement, non pas en DVD mais en e.cinéma (dispo en VOD sur les plateformes dédiées). Digression : le DVD, aujourd’hui détrôné par le blu-ray, est un phénomène que je n’arrive pas à comprendre, comment ce support MATERIEL (un de plus quand on a déjà connu la VHS, le laser-disc, le DVD et j’en passe…) a réussi à s’imposer à l’ère de la dématérialisation des supports, car, qu’on l’aime ou pas, elle est là, en place. Donc, moi, la VOD, pour la blogueuse hyper-connectée que je suis, ça me va très bien.

Ce film est un choc : une mise en scène sans le moindre temps mort, des focus habiles et un scénario très intelligent tout en dénonçant les conséquences (en deux mots) de la crise des subprimes aux US ayant conduit à l’expulsion de familles entières, surendettées à qui on disait « votre maison appartient désormais à la banque, prenez quelques effets personnels et sortez! ». Comme quand on est arrêté pour un crime, les menottes en moins mais pas les flics, accompagnant l’huissier, ici, « assistant » un certain Rick Carver, « courtier immobilier assermenté », traduction : au service des banques, ce type faisant  fortune en expulsant les gens, manu militari, depuis des années.

le scénario est toujours un peu le même, le tribunal dit à une famille « vous avez 30 jours pour faire appel » et deux jours plus tard, Nick Carver se pointe (les malheureux pré-expulsés n’ont pas encore réussi à joindre un avocat) et les vire sur le trottoir, direct! Lui et ses deux acolytes policiers en rajoutent, on va être gentils, on vous donne entre deux et dix minutes à pour emporter quelques effets perso, puis, ils déposent tout le mobilier de la maison sur le trottoir, préviennent le chef de famille que si sous 48h, il ne sont pas venus récupérer leurs meubles, ce sera trop tard, et, pour ne pas perdre de temps, un employé de Rick Carver est déjà en train de changer la serrure puisque cette maison appartient désormais à la banque.

Il y a des scènes à pleurer comme celle où ce vieil octogénaire n’a même pas la force de se révolter, avec la résignation de celui qui a déjà un pied dans la tombe, le regard inquiet, puis, presque reconnaissant qu’on ne le frappe pas, qu’on lui parle quasiment gentiment, c’est la séquence la plus triste du film.

PS. Si ça vous rappelle que dernièrement, la ville de Nice a expulsé par la force trois octogénaires afin de pouvoir construire une route et fabriquer un luxueux stade de foot pour l’Euro 2106, avec les formes, on n’est pas aux US, mais « on y va tout droit » comme disait Jean-Michel Larqué, tordu d’angoisse quand il voyait bien en commentant un match avec Thierry Roland qu’on n’échapperait pas à la séances de tirs au but, cette roulette russe des stades…

 

 

 

 

 

Rédigè le 4 mars 2016

Et aussi

[caption id="attachment_13752" align="aligncenter" width="385"]photo Wild Bunch photo Wild Bunch[/caption] Et les acteurs... Casting parfait et je n'ai pas cité Laura Dern (la mère de Nash). le synopsis en deux mots : le premier à être expulsé dans ce film, lui, sa mère, son fils, est un certain Dennis Nash (Andrew Garfield dont le charme console un tantinet la spectatrice, voire le spectateur, lui permettant des moments dits de "respiration"). Nash, comme tous ceux qui suivront, croit avoir 30 jours devant lui pour faire appel mais, deux jours plus tard, Rick Carter (Michael Shannon) arrive et le vire, lui et sa famille. Direction un motel modeste où sont hébergés les nouveaux parias de l'Amérique. Mais Nash de de jour n'a qu'une idée : récupérer sa maison de famille et une autre idée lui vient dans la foulée, observant que l'équipe technique de Carver n'en fait pas lourd et que lui-même, ancien ouvrier du bâtiment au chômage (on ne construit plus, on spécule) serait plus compétent que les autres : Nash lui propose alors ses services en échange de récupérer sa maison... Et, chemin faisant, Carver ne peut plus se passer de Nash, il a un associé, il n'est plus seul à faire ses saloperies, et s'il avait un coeur, il en arriverait même à s'attacher à Nash du moment qu'il n'y perd pas un centime/un dollar (cette phrase de Carver à Nash à la fin du film quand Nash, qui fait désormais le même métier que Carver, a des scrupules "tu sais depuis combien d'années je n'ose plus aller au restaurant avec ma famille? La fortune a un prix...) Un film intelligent, socialement salutaire (ce n'est pas un argument cinéma mais je fais une exception) qui dénonce l'horreur que les mieux intentionnés lisent de leur canapé dans les dernières pages du "Monde" ou "ont "le courage" de découvrir lors d'un reportage d'investigation sur Arte. Car le pire de tout, c'est que ce que TOUT ces que personnes subissent et que nous ne pouvons/voulons pas voir "pour se ménager". Ce film vous révolte, on a envie de hurler "stop! la haute finance est devenue le nouveau III° Reich ou c'est moi qui devient parano?" Ca ne vous rappelle rien ces gens à qui on confisque tout, leurs biens, leurs droits, leur dignité piétinée avec l'aval des tribunaux? Ca va recommencer? Mais on y déjà... tandis qu'on pense Euro 2016 et paquet neutre pour les cigarettes, les fumeurs, nouveaux exutoires politiquement correct (on peut taper dessus sans limites, c'est autorisé, encouragé...) ; tandis qu'on fait acte d'ingérence par "humanisme" dans des pays qui ont du pétrole à revendre ; tandis qu'à peine les porte de la COP21 refermée, on reparle déjà de l'aéroport Notre Dame des Landes lors du dernier remaniement ministériel. Oui, pendant ce temps du pain et des jeux, des enjeux de santé et de politique intérieure... Pendant ces temps aux arrière-pensées électorales, on entasse des gens dans des camps, je ne comprends rien à la politique mais l'humain, ça existe encore? On en arrive à se poser la question : faut-il vraiment sauver la planète pour que seuls les types/multinationales qui payent leurs impôts au Luxembourg (leur président étant aussi celui de la commission européenne, on aura tout vu...) en profitent? Stop! il FAUT voir ce film!            

Diffusion

« 99 Homes » dispo en e.cinéma sur toutes les plateformes de VOD et tous les supports (TV, Ordis, tablettes), en première  exclusivité durant 6 semaines. Prix : €6,99 (en HD)

Distributeur : Wild Bunch

Grand prix du festival du cinéma américain de Deauville 2015

 

 

Notre note

5 out of 5 stars (5 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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