Borgo : la femme de pique

Pitch

Une jeune surveillante est parachutée au centre pénitentiaire de Borgo. Un monde qui lui est étranger…

Notes

Melissa, 32 ans, et son mari, ses enfants, voulaient changer de vie. Ils décident de s’installer en Haute-Corse. Lui ne fait pas grand chose, un stage de menuiserie. Elle, travaille comme surveillante pénitentiaire à la prison de Borgo à une trentaine de kms au sud de Bastia. Une arrivée en terra incognita pour cette jeune femme, venant du continent, et pourtant expérimentée. Et, aussitôt, le réalisateur cède aux clichés au sujet de la prison de Borgo dont on dirait, depuis l’hexagone, que ce sont les prisonniers qui surveillent les matons… Pourtant, les scènes en prison, les acteurs étant tous Corses ou natifs de l’île, l’état d’esprit crédible, sont assez réussies.

Intuitant qu’il vaut mieux ne pas se frotter frontalement au fait divers sanglant qui a secoué l’île en 2017 et dont le scénario s’inspire, si on n’est pas né «là-bas», on a beau se documenter, observer, on n’y comprend pas grand chose, on n’a pas, notamment, la mémoire vécue et transmise des choses sur des générations. Le réalisateur dit dans le DP qu’il est fasciné par la Corse et ce n’est ni le premier ni le dernier. On imagine ce qu’aurait pu être ce film avec un Nicolas de Peretti ou un Xavier Giannoli aux commandes… Mais revenons à nos muvrini…

Avisé, donc, pour ce réalisateur d’avoir privilégié l’angle du portrait de femme, de cette femme complexe (Hafzia Herzi), ainsi, il peut romancer le récit. Melissa arrive à Borgo oscillant entre autorité et volonté de s’intégrer, d’être sympa tout en tentant de garder une distance. Mais ses retrouvailles avec un détenu, Saveriu (Louis Memmi, au charme angélique) qu’elle avait connu ailleurs, dans une autre prison, sa fascination pour les armes (scène où elle s’entraîne avec les amis de Saveriu) donne une indication pour son tropisme inavoué pour les voyous. Une relation qui va l’entraîner au pire…

Stéphane Demoustier a néanmoins évité la carte postale en montrant la réalité des logements précaires des quartiers sud de la ville, dans une région qui subit une crise immobilière aigüe pour les jeunes corses, imputable, notamment, au développement exponentiel des résidences secondaires qui gangrènent l’île. Un parti pris un peu radical car il ne montre pas ou très peu la beauté des lieux qui coexiste avec ces banlieues tristes qui s’étirent au sud de la ville, créant des nouveaux quartiers pour loger des nouvelles populations mélangées aux autochtones.

Parmi les clichés incontournables, on montre une société macho, vivant dans des bars, dont les femmes sont exclues, ce qui aujourd’hui n’est plus la réalité, hier, les femmes se mélangeaient aux hommes, encore un peu à part, aujourd’hui, elles sortent avec leur mec ou entre elles comme partout.

Le ryhtme est trop lent, à la manière du précédent film (La Fille au bracelet), la focalisation sur les soucis de famille de Mélissa finit par lasser, bien que le message que le réalisateur veuille sans doute faire passer est que Mélissa, issue de l’immigration en France avec ce que ça suppose de possibilités de discriminations, se sent doublement étrangère quand elle s’installe en Corse.

En conclusion, si on est loin d’Un Prophète de Jacques Audiard comme l’annonce l’affiche, c’est un film qui évite les embûches du genre (en le contournant) et qui plaira sans doute au public en raison de la qualité d’interprètation de l’ensemble du casting (les scènes au commissariat sont très crédibles aussi).

Et aussi

PS.
Un problème se pose pour la sortie du film en avril alors que le procès du double assassinat (par un commando armé) survenu en décembre 2017 au sortir de l’aéroport de Bastia-Poretta aura lieu du 6 mai au 5 juillet 2024… Une sortie du film différée eût été plus adaptée à la réalité puisque le film indique clairement s’inspirer de cette affaire non encore jugée.

Borgo

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