Club Zero : L’Emprise
Pitch
Un professeur de nutrition débarque dans un lycée et prêche la privation de nourriture pour prolonger la vie.
Notes
Dans un lycée privé huppé, Miss Novak, une enseignante en nutrition, recrutée à l’initiative des parents d’élèves, fait du zèle dès son arrivée dans l’établissement, acceptant notamment de rester durant le week-end, ce qui suffit à la directrice pour l’adouber.
Un groupe d’élèves s’inscrit à son cours, deux en partiront et quatre y resteront, Ragna, Elsa, Fred (qui est diabétique…) et Ben ; ce dernier, de milieu modeste, élevé par sa mère, ne s’est inscrit à ce cours que pour l’obtention d’une bourse…
Petit à petit, le mécanisme d’emprise se met en place, Miss Novak prêchant, in fine, qu’on se sentirait mieux sans manger du tout. (Il existe en effet, des études sur les bienfaits du jeûne, de temps en temps, sur l’autophagie, un mécanisme naturel qui permet au corps de «nettoyer» les cellules et qui diminuerait avec l’âge). D’autant que la surconsommation participe au désastre écologique… Mais elle va opérer par étapes. Dans un premier temps, elle leur enseigne «l’alimentation consciente» consistant à couper ses aliments en petits morceaux, à les renifler façon yoga et à les mâcher très lentement, un premier pas vers l’aversion de la nourriture… En parallèle, la mère d’une élève du cours de nutrition (Elsa Zylberstein) ne mange quasiment rien, et le spectateur suppute alors sa soumission aux diktats de la société de rester mince à tout âge. Dans un second temps, Miss Novak prêche le secret : Ne parler à personne de ce qui se passe en cours de nutrition (isolement des adeptes du Club Zero de leur entourage).
C’est cela que dénonce Jessica Hausner, d’une part, l’emprise individuelle, où, dans ce récit, une femme solitaire et délirante, sous ses dehors policés, sa voix monocorde, son expression figée, zébrée de quelques signes de fêlures (Mia Wasikowska, très convaincante) pousse des élèves au jeûne chronique sous l’alibi d’être raccord avec son esprit (son moi intérieur) en contrôlant son corps (sa nourriture), soit la démonstration du risque de la tyrannie de la pleine forme pour tous (cf. Les guides de régimes, de développement personnel, les coaches, etc…), quel qu’en soit le prix à payer ; d’autre part, l’emprise de la société sur les femmes, la dictature de la minceur, synonyme de possibilité de séduction, voire d’être vue autrement que comme une névrosée adipeuse, rejetée du catalogue en taille 38, dans nos sociétés du paraître.
On peut faire un parallèle avec les mécanismes d’endoctrinement des sectes car le club Zero fonctionne comme une mini-secte, enrôlant des élèves psychologiquement fragiles, cultivant le secret, au sein de l’établissement. On pourrait développer…
Procès aussi de la démission des parents, l’élève dont les parents appellent en vidéo d’Afrique, la mère insistant qu’il fait trop chaud pour le faire venir. De leur maladresse, les parents plus préoccupés d’assister au conseil de classe que de s’occuper en direct de leurs enfants, mais également débordés par des adolescents, devenus des étrangers, n’ayant, au passage, aucun respect pour les aînés, leur claquant la porte au nez quand ils tentent un rapprochement.
En compétition au Festival de Cannes cette année, ce film, dont on note une parenté avec les films de Ruben Östlund, justement président du jury 2023, fut reçu un peu de la même manière, contrastée, comme on dit. Ceux qui aiment le film et ceux qui sont choqués (et pourtant, ils en ont vu d’autres). Ce film ne va pourtant pas aussi loin, dans la forme, mais dans le fond, oui, il y a une parenté entre les analyses sociétales féroces de Ruben Östlund dans ses films (ex : Triangle of sadness) et celle de Jessica Hausner dans Club Zero.
Ici, le style est sophistiqué, l’approche factuelle, sans empathie, le cadre excessivement impeccable, les couleurs que portent les élèves immuables, une sorte d’uniforme (polo jaune et chaussettes violettes), la manière de s’habiller de la coach en nutrition asexuée (et des élèves en général). Les allées et venues au sein du lycée sont orchestrées comme un ballet d’automates.
Personnellement, ce film brillant ne m’a pas traumatisée du tout. La réalisatrice dérange peut-être par sa mise en scène glacée sur un sujet glaçant, ses couleurs saturées, sa musique de prières boudhistes, mais il s’agit d’un conte stylisé sur les dérives de la société contemporaine. Le choix de l’absence d’empathie et de dramatisation du drame en marche (les faits se suffisants à eux-mêmes) marque les esprits, et, peut-être les ouvre un peu à la réalité de nos sociétés narcissiques où le culte du moi s’est substitué à la spiritualité.
Et aussi
Diffusion
Bac Films
Sortie le 27 septembre 2023
Notre note
(4,5 / 5)
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