« Douce France » : malgré un sujet neuf, permanence du look fossilisé des séries TV françaises…

Stéphane Giusti, France 2, à partir du 9 décembre 2009
J’ai regardé cette semaine en avant-première un téléfilm en deux parties produit par France 2 qui sera diffusé les 9 et 16 décembre, doublement primé pour son interprètation* au dernier festival de la fiction TV de La Rochelle : « Douce France » réalisé par Stéphane Giusti et coécrit par Régis Wargnier. Pavé de bonnes intention, ce film traite d’un sujet peu abordé au cinéma ou à la télé, l’intégration au quotidien d’une famille issue de l’immigration. En prenant pour modèle la famille Chaouche, modèle d’intégration réussie, à première vue… Un fils chef de cabinet du premier ministre, un autre fils champion du monde de boxe, une fille avocate au barreau de Paris. Mais la rivalité des deux frères autour du père et d’une femme aimée va conduire à l’éclatement de la famille et l’explosion des illusions sur la réalité de leur intégration dans une France moins douce qu’il n’y paraissait. A l’heure du débat sur l’identité nationale qui agite les médias et les mairies, ce film tombe juste malgré sa réalisation « à l’ancienne ».



Le séduisant Mourad (Malik Zidi), chef de cab du premier ministre, nommé secrétaire d’état aux sports, est également pressenti pour se présenter à la mairie de Bordeaux, sa ville natale. Si tout allait pour le mieux à Paris pour Mourad, à Bordeaux où vit toute la famille Chaouche excepté Leïla, c’est à dire les parents, Abdel , le champion de boxe, et Nordine, le petit frère, l’étoile montante de la politique va retrouver ce qu’il avait quitté et peut-être fui : Muriel, la femme de son frère Abdel, qu’il aime en secret, la préférence marquée du père pour Abdel et la boxe, les allusions racistes de province sur l’opportunité de sa candidature à la mairie. La famille idéale de la première partie va voler en éclats dans la seconde partie : en premier lieu, Abdel vient de perdre son titre de champion, il s’avère qu’il a de sérieux problèmes ophtalmiques qu’il camoufle afin de se préparer à récupérer son titre. En second lieu, le comptable de l’entreprise familiale, qui gère également la carrière d’Abdel, est un escroc qui va les ruiner. Enfin, Muriel cède aux avances de Mourad tandis qu’Abdel poursuit sa chute et se retrouve en prison avec Nordine, le petit frère. Ca fait beaucoup… Malgré tout, on tricotera un demi-happy end en sacrifiant l’un d’entre eux.—–

photo France 2

Les intentions du scénario sont louables : sous le vernis d’une intégration réussie sommeillent des relents de racisme, de méfiance, de coups bas de la Douce France, pays natal pour une génération de trentenaires dont les parents sont issus de l’immigration. Afin d’anticiper les choses, les dialogues sont émaillés de remarques sur l’identité française, sujet casse-gueule par excellence, de la part des intéressés eux-mêmes, un procédé redondant qui devient rapidement lourd. Pour ne pas dire qu’on échappe difficilement au catalogue de clichés…

Question style, ce film qui aborde un sujet neuf a un look de feuilleton de l’été d’il y a 15 ans dans le genre des « Les Grandes Marées »** ou « Le Château des Oliviers »**, musique banale au point qu’on la remarque et interprétation approximative, dialogues récités, très feuilleton. Mais surtout, le film est une juxtaposition de situations (le plus souvent des têtes à têtes) qui fait penser à une sorte de roman-photo animé avec des instantanés sur des micro-tranches de vie. 90 minutes de la première partie sont consacrées à l’installation des personnages et des situations, c’est long… Dans la seconde partie, on donne un franc coup d’accélérateur avec quelques événéments chocs et on détruit à peu près tout ce qu’on venait de construire dans la première partie avec la chute d’Abdel, le champion, au départ élément fédérateur pour la famille, servant également de fil conducteur lors de sa désintégration. Outre cet excès de dramatisation, on bouge quand même un peu plus en seconde mi-temps.
Quand on vient de voir la série « Pigalle, la nuit » sur Canal, c’est un brusque retour sur terre que ce téléfilm à la française qui semble voué à demeurer inchangé depuis la nuit des temps, comme fossilisé (exception faite pour « Clara Sheller » sur France 2). Heureusement, il y a Malik Zidi (Mourad,) un grand acteur que rien ne semble pertuber, c’est au départ pour lui que j’ai regardé ce film… Autre actrice connue  : Elodie Bouchez (Muriel) pas du tout à son avantage dans un rôle antipathique de briseuse de famille.* Mehdi Nebbou (Abdel) a obtenu le prix du meilleur interprète masculin au festival de la Rochelle et Karina Testa (Leïla) celui de la révélation féminine.** « Les Grandes Marées » et « Le Château des Oliviers », diffusés en été 1993 respectivement sur TF1 at France 2.

Diffusion les 9 et 16 décembre 2009 sur France 2 à 20h35 (2 fois 1h30).

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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