Festival du cinéma Brésilien de Paris/ »Le Ciel de Suely »/Avant-Première
Hermila a quitté Sao Paolo par manque dargent, regagnant avec son bébé son village natal du Nordeste, une des régions les plus pauvres du Brésil, où elle est hébergée par sa grand-mère et sa tante, Maria, femme libérée et moderne, qui exerce la profession de Moto-taxi. Le film débute par un générique à la Lellouch avec un homme et une femme filmés dans un flou coloré, une histoire damour toujours.
Hermila, 21 ans, attend en vain larrivée de Mateus, son mari de 20 ans, à Iguatu mais il ne répond plus au téléphone, il faut se rendre à lévidence, il la abandonnée. Dans un univers où on met quelquefois des années à payer les traites dun frigo, comme la mère de Mateus à qui Hermila va rendre visite, les tombolas pour gagner une bouteille de whisky ou une caisse de bières remportent un grand succès. Une idée va alors germer dans la tête dHermila pour sen sortir : titillée par lexemple de Georgina qui se prostitue pour vivre, hésitant se prostituer elle-même, elle va changer de prenom pour Suely et mixer les deux systèmes : vendre des billets dune tombola un peu spéciale avec comme lot une nuit au septième ciel avec elle.
De notre petit confort français, on est frappé par lénergie et la bonne humeur de ces femmes vivant dans des logements très modestes où il manque quelquefois de largent pour acheter des tomates comme chez la grand-mère de Hermila. Des petites maisons multicolores en contigu posées dans un désert terreux à perte de vue où un arbre tout seul est filmé planté au milieu de rien. La chaleur accablante, Hermila et Georgina se rafraîchissent devant la porte ouverte du frigo, sans ventilateur et encore moins de climatisation dont sont, par ailleurs, pourvus tous les appartements bourgeois au Brésil, la classe dominante vivant dans des condominiums fermés par des grilles et surveillées par des gardiens jour et nuit.
Les tenues des jeunes femmes très coquettes sont typiquement brésiliennes avec des shorts oranges et des minijupes en jean sur longues jambes musclées, des t.shirts archi-moulants sur peau satinée, des tongs turquoise à plateforme, les ongles vernis avec des petits dessins pailletés, les boucles doreille, les foulards dans les cheveux. Lomniprésence de la musique comme dans tout le Brésil, Hermila plaquée, désespérée, on chante en cur un air à la mode entre copines, on danse. La solidarité naturelle des femmes, mères naturellement, qui veulent toutes prendre le bébé dHermila dans leur bras et le cajoler, en interrompant volontiers leurs activités pour les accueillir. Une ambiance chaleureuse, généreuse, joyeuse, labsence de tabou sur le corps quon est obligé parfois de vendre par nécessité, sans en faire un drame, mais quon bichonne pour son amoureux. Une fois encore, je suis bluffée par la pulsion de vie qui balaye tout au Brésil, cette quête du sensuel, du bonheur, ces sourires, cet amour du pays malgré les conditions de dénuement matériel.
Le film nous immerge dans ces paysages désertiques chauffés à blanc, dans cette communauté, sa vitalité, sa débrouillardise, sa volonté de sen sortir à tout prix comme Hermila qui économise pour soffrir un billet dautocar pour une destination la plus lointaine possible. Superbe fin du film avec un long plan fixe sur la pancarte à la sortie du village « Igatu vous manque déjà » (« Aqui começa a saudade de Igatu ») avec lautocar qui séloigne et la moto de lancien amoureux dHermila qui tente de la retenir.
Décidément, le nouveau cinéma brésilien excelle dans le mouvement, je lavais déjà noté pour le film douverture, ici, cest encore davantage, couleur, sensualité, gestes quotidiens dilatés, on est entraînés au cur du mouvement, on ne peut pas résister longtemps à cette énergie, on est rapidement séduit par ce film, produit par Walter Salles, et on comprend quil ait obtenu trois prix au festival de Rio : meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure actrice.
Site officiel du film et Trailer…
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