La Nouvelle Star 2006 Une Finale puissance 2

photo site officiel « La Nouvelle Star » M6

Il l’a compris rapidement : tous ses défauts à Baltard sont devenus de qualités. Souffrant depuis l’enfance d’être stigmatisé comme ringard, efféminé, différent, Christophe n’en est pas revenu d’être plebiscité par le public de « La Nouvelle star » pour les mêmes raisons qui l’avaient fait rester sur le banc de touche dans son école, son lycée. Cet étudiant en communication ne s’était même pas inscrit au casting de « La Nouvelle star », c’est sa soeur qui l’a fait pour lui. Son grand pullover à rayures, pourtant classique, qui a tant fait jaser lors du casting, ça reste un mystère pour lui, « mais qu’est-ce qu’il a ce pull? », Marianne James l’a immédiatement traité de tortue, le cou rentré dans les épaules, la tête propulsée en avant… Dès le premier prime, on est passé de la tortue à la « turtle attitude », conversion du ringard en branché, Christophe n’a pas été dupe, il a dit dans une interview que ce surnom le protégeait. Le professeur de chant bénevole à la chorale de Deuil-la-barre, est rapidement devenu le favori de l’émission, étonné lui-même de se sentir aussi à l’aise sur scène « comme dans mon salon avec ma télécommande », il a analysé qu’il n’était en fait vraiment lui-même qu’en chantant. A la fin de chaque chanson, il revient sur terre, on dit qu’il est modeste quand il regarde étonné les écrans bleus du jury, mais il est surtout lucide, sidéré par la métamorphose du regard des gens sur lui : tout ce qui déplaisait en lui dans la vie fait son succès sur scène, et plus il en rajoute, plus ses nouveaux fans se pâment… Vers la fin, la prod de l’émission n’a pas résisté au relooking mais ça n’a pas changé grand chose : on a teint ses trois poils sur le caillou en blond mordoré, il en a plaisanté : »le cheveu numéro 2 sur le cheveu numéro 3″… Il a gardé ses lunettes, grande première depuis Nana Mouskouri, il a enfilé des jeans un peu plus destroy que les siens, des chemises disco et des vestons de notaire, ça a donné le même Christophe avec une styliste dans les coulisses.

Les téléspectateurs avaient donné le ton en votant pour Magali à la « Star Ac 5 » : les bimbos anorexiques, les stéréotypes Ken et Barbie, ils n’en veulent plus, ce n’est pas tant que Magali leur plaisait, c’est le comportement de la prod de l’émission qui leur déplaisait souvairenement, ce racisme anti-gros, cette méchanceté à lui dire qu’elle était démodée, cette cruauté à forcer Magali à se maquiller même en cours de gym, on a voté pour la consoler de toutes ces humiliations. Le problème, c’est que Magali chantait bien mais rien à voir avec le talent d’une Dominique ou d’un Christophe. Quand Magali Star Ac 5 a sorti son album, les gens n’ont pas eu envie de payer 15 Euros en plus de leurs appels surtaxés au 36xx ; de toute façon, dans cette société de consommation de satisfaction immédiate et de faux désirs balayés par la fabrication des suivants, il faudra bientôt que les albums soient en ligne la nuit de la finale des émissions pour que les gens se rappelent qu’ils ont aimé tel ou telle candidat, encore qu’entre temps, on leur aura vendu un aspirateur et un forfait mobile dans les pubs sur leur temps de cerveau disponible…

Il semblait carrément impossible de départager Christophe et Dominique, la tortue et la diva, tout comme Christophe, cette coiffeuse de 27 ans avait tous les handicaps pour gagner en téléréalité : ni le bon âge, ni la bonne couleur de peau, ni les kilos, ni la famille nombreuse pour étayer les sujets avec des embrassades et des « je suis fière de ma fille » : ses parents sont morts, elle n’a pas de famille, le staff du salon de coiffure les a remplacés tous les mercredis à Baltard. Elle l’a dit d’entrée « moi, je vais me la jouer moi, je suis black, je suis ronde, j’ai 27 ans ».

La grande victoire du jury de « La Nouvelle star », la vraie star de l’émission, c’est d’avoir su parier que les gens pouvaient aimer des vrais chanteurs non formatés, pire, des gens comme vous et moi qui allument miraculeusement le feu quand ils attrapent un micro, des pas assez minces, pas assez jeunes, pas assez beaux, des gens qui n’avaient rien pour plaire sauf l’essentiel : le talent, la voix, la flamme.

Le duo Christophe et Dominique dans les prolongations « Le Rappel » sur M6 hier soir était emblématique de l’émission, la tortue et la diva sur « Can you feel it » des Jacksons… On aurait donc le droit en prime time d’écouter autre chose que Céline Dion ou Lara Fabian…

Tout le monde en a parlé : les deux ont gagné, Christophe, un album produit par la maison de disques qui sponsorise l’émission et Dominique, sans doute une carrière comme celle d’Amel Bent version US, tablons que tous ne sont pas sourds dans la profession… Dominique a déjà bluffé Garou, le duo sur « I feel good » de James Brown, on nous l’avait annoncé comme de la dynamite, c’était le Vésuve, somptueux, quelle herbe peut repousser sur la scène de Baltard ensuite… C’est confirmer la personnalité de Christophe qui préférait affronter la diva en finale et faire monter la pression… J’ai voté pour Dominique mais j’étais contente que Christophe gagne, dans les deux cas, ça faisait l’affaire, c’est la faute de Maître Nadjar si on a été obligé de les départager…

Castaldi parti, à mon avis, le jury ne rempilera pas l’année prochaine, il ne pourra pas faire mieux que le casting de cette année, une page est tournée, espérons que la bande des quatre nous a ré-éduqué à des valeurs plus proches de l’art que du défilé narcissique mais sommes-nous encore capables de penser « par nous-mêmes », privés de notre gourou de charme André Manoukian (pour philosopher de Deleuze à sa tante Adrienne) et de notre pétulante boosteuse de consciences Marianne James?

Marianne James et Dove Attia pendant les castings