La Passagère : inversion de la peur
Pitch
Au cours d’une croisière avec son mari, une ancienne surveillante SS d’Auschwitz croit reconnaître une détenue…
Notes
La Passagère d’Andrzej Munk est un film polonais d’un réalisateur, contemporain de Wajda, réalisé en 1961 ; ce film ne put pas être terminé par Munk, le cinéaste mort dans un accident de voiture.
Sur un paquebot, Liza, une allemande, croit reconnaître une jeune femme brune. Elle se confie à son mari sur son passé dont il ignorait tout. «Nous étions tous des soldats», lui dit-elle. À Auschwitz, Liza n’était pas prisonnière mais une surveillante SS zélée. Néanmoins, travaillant dans l’entrepôt de tri, ayant besoin d’une aide, elle choisit Marta, une prisonnière, à qui elle s’attacha, lui accordant quelques faveurs comme voir son fiancé. Marta ne lui témoignant aucune reconnaissance, Liza fut déçue, amère…
Ce film n’est pas «facile» à voir. Pas plus dans le fond que dans la forme : format carré de portraits sur le bateau, format classique pour les scènes dans le camp d’#auschwitz (2/3 du film).
Bien qu’il y ait une pudeur à filmer l’insoutenable, on est immergé dans le quotidien du camp, les conditions dégradantes de vie des prisonniers ; petit à petit à petit, le spectateur met en place un mécanisme de défense pour se protéger des images montrées, verrouillant ses émotions. Une scène émerge : des prisonniers en tenues rayées formant un orchestre, portant leurs instruments avec fierté, oubliant un instant leurs uniformes sinistres, concentrés sur la musique, et on imagine alors ce que furent ces hommes autrefois, avant la guerre, avant les humiliations et la peur, avant les camps… Une musique sur fond d’un brouhaha d’activités dont on préfère oublier de quoi il en retourne…
La force du film est de ne pas chercher à choquer, le tableau contractuel de l’horreur organisée, se suffisant largement en soi.
A l’époque de la sortie du film, Wajda avait déclaré que Munk avait réussi à traduire la peur à l’écran, il dira encore «c’est le film le plus terrible sur Auschwitz».
On peut dire que c’est un film pour cinéphiles, compte tenu de son austérité et surtout de sa mise en scène.
Le magnifique The Zone of interest (Jonathan Glazer, 2023), Grand Prix à Cannes 2023, à la mise en scène pourtant radicale mais d’une manière plus accessible au spectateur, a choisi une approche à l’opposé : le hors champ, ne pas montrer (mais entendre), faire appel à la mémoire collective de l’innommable.
Et aussi
Diffusion
Coffret DVD collector le 14 février 2024
Bonus : documentaire sur le réalisateur et le tournage du film
+ Un livret
Malavida films
Notre note
(3,5 / 5)
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