« L’Ami de la famille » (« L’Amico di famiglia ») /Avant-Première/festival du cinéma italien/sortie le 2 mai

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Un film d’une inventivité, d’une maîtrise technique, d’une beauté, d’un humour et d’une originalité pas vus depuis longtemps au cinéma, à regretter qu’il n’ait pas décroché la palme d’or l’année dernière à Cannes où il avait été sélectionné en compétition officielle, ça aurait dépoussiéré le palmarès, je vous le garantis ! Un tel moment de grâce en voyant ce film récemment au festival du cinéma italien que j’ai tardé à en écrire la critique, pas certaine du tout de pouvoir traduire par écrit mon enthousiasme à la hauteur de l’événement ! Un film jubilatoire pour le spectateur et le réalisateur, un film d’auteur où rit, c’est déjà assez rare, mais dans l’ami de la famille, il n’est pas rare qu’on éclate de rire, impossible de résister aux situations ubuesques et aux dialogues désopilants mis en scène avec une imagination, un culot, une inventivité et un rythme qu’on ne reverra pas de sitôt ! Et le style, quel style icônoclaste et créatif, quelquefois un peu sophistiqué, et quel bonheur que chacune des images infiniment modernes et tellement techniquement impeccables, je vous l’avais dit, les mots me manquent…

Je ne résiste pas à vous décrire la première scène, source de toutes les inquiétudes pour la suite du film, et qu’on apprécie tellement mieux à la vision du film en entier : sur une musique d’église, un gros plan sur une religieuse, une tête de religieuse, pas le gâteau… la caméra s’éloigne, une religieuse est enterrée dans le sable sur une plage… De dos, deux observateurs de la scène… Mais où suis-je tombée, se dit-on aussitôt de son fauteuil… pas pour longtemps…

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Filmé comme un profil de médaille, un homme, le front ceint d’une serviette de table pliée en bandana, c’est Geremia di Geremei, un homme affreux, sale et méchant, usurier qui pille les pauvres gens endettés en leur prêtant de l’argent qu’ils ne pourront pas toujours rembourser… C’est l’explication de la religieuse dans le sable, le réalisateur Paolo Sorrentino venu après la projection a répondu à la question d’un spectateur : la religieuse est enterrée dans le sable parce qu’elle n’a pas pu rembourser sa dette à G.

Le réalisateur a raconté aussi qu’il s’était inspiré pour le film de voisins à lui dans la vie : un fils et sa mère entretenant des relations assez particulières… G vit avec sa mère infirme dans un logement crasseux plongé dans la pénombre, jamais nettoyé depuis des décennies, la cuvette d’eau noire sur le seuil de la porte (hilarante scène où G amène une jeune femme bulgare chez lui en disant «a casa» d’un air ému)… Tandis qu’il tente de soulager ses migraines (explication du bandeau avec des rondelles de pomme de terre qu’il porte chez lui), la mère monstrueuse absolument Fellinienne beugle des ordres de la chambre voisine, son obésité la clouant sur son lit. Que vienne par hasard un visiteur dans ce gourbis et on lui offre un verre d’eau du robinet… Plus castratrice que Freud ne l’aurait osé imaginer, la mère cite le père absent qui lui seul pouvait prétendre à faire des affaires en grand, pour G, elle conseille d’arnaquer petit..

Pendant la journée, G trône dans une sorte d’atelier où il exerce les professions conjointes de tailleur et d’usurier, recevant les doléances des uns et des autres dont il se prétend l’ami de la famille. C’est tellement riche que je peux à peine raconter la mise en place des personnages, malheureux clients de G comme ce couple qui veut emprunter de l’argent pour marier sa fille Rosalba. Le nœud de l’histoire car le radin et cruel G va tomber amoureux de Rosalba après avoir désespéré l’agence matrimoniale qui essaye en vain de lui trouver une épouse depuis des lustres… Scène savoureuse avec la tenancière de l’agence de rencontre, exaspérée, lui présentant une jeune fille bulgare de 22 ans, parle-t-elle l’italien, demande G, on lui répond que non, elle vient d’arriver de Bulgarie, c’est ennuyeux répond l’usurier, car l’essentiel de mon charme réside dans la conversation…

Claudia Chiatti, somptueuse jeune femme comme on n’en avait pas vu dans le ciné italien depuis les années 60 qui interprète Rosalba (voir mes photos de l’actrice) a déclaré modestement pendant le festival qu’elle était très étonnée que PS pense à elle pour un film d’auteur. Emergeant sur l’écran dansant dans une minirobe glitter, elle réveillerait un monastère de moines tibétains en train de méditer, une bombe ! Rosalba est le seul personnage combatif du film, on pourrait presque dire intègre dans sa logique personnelle… Fustigeant ses parents qui se ruinent pour lui offrir un mariage qui ne l’intéresse pas, atterrée par leur comportement servile, elle va se rebeller…

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L’acteur Giacomo Rizzo qui joue Geremia di Geremei n’était pas connu au cinéma avant l’ami de la famille sauf dans sa région de Naples où il faisait surtout du théâtre. Héritier en quelque sorte du cinéma néoréaliste italien comme celui de Fellini, Paolo Sorrentino a trouvé un acteur à la mesure de sa démesure, dément, géant, immense…

Pour ceux qui l’auraient vu au festival de Cannes l’année dernière où il était en compétition officielle (seconde sélection pour Paolo Sorrentino, jeune réalisateur qu’on a rencontré plutôt timide…) , le film, alors hâtivement monté, a été remonté depuis avec en particulier la soustraction de 6 minutes. C’est cette version qui sortira en salles le mercredi 2 mai.

Il y aurait tant à dire sur ce film exceptionnel, de ceux qui vous font comprendre pourquoi on est ciné-addict, pour ce genre de films justement, on attend pendant des films et des films que se reproduise cette sensation forte de voir un film choc qui vous transporte… Vous ne risquez pas de la louper mais je vous recommande la scène de la mère et le fils couchés dans le même lit s’esclaffant «come brutu!», tassés l’un contre l’autre, à la vue de la laideur d’un caïman à la télé… De toute façon, demain, j’y retourne, bonne projection !

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zoliobi

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