Lectures d’été 2010… partie 2/spécial thrillers : « Les Lieux sombres » (attention, must!), « Les Enfants de la nuit » + « Meurtre et obsession » …

Après la lecture estivale deux thrillers, « Les Enfants de la nuit », un peu décevant mais intéressant, qui aurait pu être beaucoup plus brillant, « Meurtre et obsession », carrément mal écrit et à la louche, j’ai trouvé ma merveille : « Les Lieux sombres » : un livre paru fin 2009, thriller tragique social à la fois captivant et bouleversant sans jamais tomber dans la sensiblerie ni la complaisance, un must comme on en lit un tous les 5 ans et encore!!!
     

 

 « Les lieux sombres » de Gillian Flynn

Quand on « tombe » sur un livre pareil, on est bluffé : l’auteur a su créer une vraie atmostphère lancinante, obsédante, et dieu sait si le sujet choisi était difficile à traiter sans mièvrerie, sans pathos. La construction en deux parties, en alternance, la vie de Libby aujourd’hui et la vie de la famille de Libby le jour J de leur assassinat dans les années 80, est apparemment simple mais ici quelle rigueur, quelle efficacité redoutable! On avance dans cette journée fatale heure par heure dont on sait que la nuit du massacre de la famille Day approche… mais on ignore pourquoi, ce qui s’est passé ce jour-là, tension maximum assurée…
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Libby Day est la seule femme rescapée du massacre de sa famille, 32 ans, plutôt antipathique, dépressive, lymphatique, 7 ans au moment des meurtres, elle a témoigné contre son frère Ben qui purge une peine de prison à vie. D’abord, l’intelligence de faire de Libby Day une anti-héroïne pas sympa, pas compassionnelle pour deux sous, chapardeuse, ronchonneuse, agressive. Ensuite, pourquoi Libby Day va-t-elle décider de relire son histoire tragique? Parce qu’elle n’a plus d’argent, vivant jusque-là des revenus du drame, les dons, un livre autobiographique médiocre, etc… Libby accepte donc la proposition d’un certain Lyle, gérant d’une association lugubre de gens ordinaires passionnés par les faits divers sanglants, passant leur temps libre à faire des contre-enquêtes sur les affaires de meurtres. Et l’affaire du massacre de la ferme de la famille Day, la mère décapitée par un coup de fusil, les deux soeurs tuées, l’une étranglée, l’autre poignardée, des inscriptions sataniques au mur, genre affaire Manson, passionne les adhérentes. La plupart de ces femmes, entichées de Ben, sont convaincues qu’il n’est pas coupable, qu’on a influencé à la petite Libby au moment du procès, qu’elle doit revenir officiellement sur ses déclarations afin de le faire libérer. Malgré le confort relatif de ne pas replonger dans ses souvenirs, et par là de considérer son frère Ben comme coupable et basta, Libby va accepter des missions d’enquête grassement payées par l’association. Cela commence par une visite à la prison, car, depuis les meurtres, elle n’a jamais revu son frère…

Le roman se passe au Kansas dont est originaire l’auteur Gillian Flynn ; c’est son second livre après « Sur ma peau » que je vais certainement me procurer tant cette nouvelle venue dans l’univers du thriller a compris comme personne  la nécessité de scanner les mécanismes de la tragédie sous-jacente à un triller noir. La dimension sociale du crucial manque d’argent de la famille Day, omniprésent, nécrosant, est traité par une infinité de petits détails quotidiens oppressant sounoisement le lecteur. On ne s’en rendra compte qu’en refermant le livre, mais, malgré les mobiles des uns et des autres, les tenants et la résolution de l’intrigue au premier degré, l’affaire du massacre de la famille Day est avant tout un drame de la précarité. Un thriller d’exception qui se paye le luxe d’être aussi le procès d’une certaine Amérique rurale endettée, harcelée, accablée, d’un côté, hypocrite, nantie, bien-pensante, de l’autre… Un livre qui pourrait donner une formidable adaptation au cinéma…

(Sonatine, 2009)

« Les Enfants de la nuit » de Frank Delaney

 

Ce livre présenté comme un choc dans le paysage du thriller n’est pas le chef d’oeuvre attendu. Visiblement traduit en français en 2010 plus de dix ans après sa parution (1997), ce roman traite des horreurs des expériences nazis « médicales » sur des familles juives sélectionnées comme cobayes. On voit bien que ce volet intéresse davantange l’auteur que la dimension thriller. Les journaux des victimes de l’Holocauste que lit par bribes le héros, un architecte, sont les plus poignants, débordant de détails immondes sur les tortures que subissaient ces familles.


 

Michael Newman, architecte star, prend quelques jours de vacances dans un palace en Suisse. Il y fait la connaissance d’un couple mielleux de milliardaires qui lui montre des photos d’une villa somptueuse qu’ils sont en train de rénover en Italie. Sur l’une de ces photos, Newman reconnaît une sculpture en améthyste qui appartenait à Madeleine, la femme qu’il aimait, assassinée trois ans plus tôt.

 

Cette rencontre déclenche des violences à l’encontre de l’architecte, ses comptes piratés, son appartement mis à sac. Peu après, à Venise et Athènes, deux femmes ressemblant en tous points à Madeleine sont assassinées, comme elle, selon le même rituel opératoire sadique d’un serial killer dont on ignore tout. Malgré ses réticences à revivre son deuil, Newman accepte de collaborer avec la police internationale pour protéger une prochaine victime supposée qui habite aux USA.

 

Ce qu’on peut reprocher à ce livre : d’abord son écriture à la première personne (l’architecte) racontant quantité d’états d’âme et regrets et atermoiements ni captivants ni sonnant toujours justes. Son amour pour Madeleine décrit platement, par exemple, ne nous touche pas. Par ailleurs, on sent très bien, faute d’être capable de créer une ambiance que toutes les x pages, il faut qu’il se passe quelque chose de fort, une agression sur l’architecte de préférence, on la voit venir… Enfin, la résolution de l’intrigue à la fin du livre est un peu bâclée jouant sur un personnage dont on n’explique pas pourquoi on le reconnaît ou pas selon les cas. Néanmoins, c’est un livre fort qu’on n’oublie pas.


(Le Cherche-midi, 2010)

« Meurtre et obsession » de Jonathan Kellerman

 

Si le père est plus connu que son fils, Jesse Kellerman qui a écrit « Les Visages », un polar noir vraiment original et touchant, c’est le fils l’écrivain vrai car Jonathan Kellerman, réputé comme spécialiste du thriller, s’avère dans ce « Meurtre et obsession »…  un tâcheron sans style n’ayant pas grand chose à raconter mais pro du remplissage : chaque personnage le plus secondaire soit-il est décrit de la tête aux pieds, la couleur de sa chemise, la matière de ses chaussures, etc… Ca en devient comique chaque fois qu’on tombe sur un nouveau nom, on sait que le tenue vestimentaire détaillée va suivre…



L’intrigue est mince mais convenable : Patty, une infirmière sur son lit de mort, confie à Tanya, sa fille adoptive, qu’elle a tué quelqu’un et meurt sans terminer sa phrase. Le couple Patty et Tanya est angélisé, la mère courage et la fille perfection. Le couple psy/policier ne l’est pas moins, le psychologue avec son chien et sa femme so sexy, le flic en couple avec le médecin de l’hôpital, chacun ménageant l’autre pour ne pas l’inquiéter. Face à tous ces gens ayant un peu toutes les qualités, le psy veillant sur la jeune orpheline avec l’aide du flic, des ordures : un oncle junkie, frère d’une dame de la haute société divorcée d’un homme dénaturé, le fils naturel d’une ancienne actrice de porno reconvertie dans l’immobilier, un pervers sanguinaire qui a quelques excuses et des copains qu’il bute les uns après les autres, etc…


Retour à ce qu’on appelait le roman de gare à l’heure où on écrit des polars comme de la littérature à part entière, à éviter!


(Seuil, 2010)


Lire aussi Lectures d’été 2010, partie 1…

 

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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