"Les Bronzés 3, Amis pour la vie" : Les bronzés ne comptent plus pour des prunes

Patrice Leconte, 2006

Mais où est donc passé ce budget pharaonique de 35 millions d’Euros des «Bronzés 3» dont on nous a rebattu les oreilles depuis un an? Sûrement pas dans le décor, encore moins dans les figurants ou les effets spéciaux Le film ayant été tourné en Sardaigne sur la Costa Esmeralda qui compte plusieurs hôtels parmi les plus chers du monde, ce qui nous a valu moulte reportages photos du tournage, il s’agit sans doute du budget pour loger tout ce beau monde Il y a bien un plan ou deux de la côte sarde et puis basta.
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Dans les années 70, dans un lycée de garçons à Neuilly sur seine quatre copains rêvent de comédie : Michel Blanc, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte et Christian Clavier. Dans le lycée de filles proche, il y a Marie-Anne Chazel, accessoirement la petite amie de Clavier (ils resteront mariés 30 ans). Valérie Mairesse les rejoindra pour former la troupe du Splendid. Josiane Balasko viendra plus tard remplacer Valérie Mairesse qui préfère le cinéma. Anémone prendra la place de Balasko le temps de « Le Père Noël est une ordure » (film de 1982).

C’est la grande époque du café théâtre inaugurée par le café de la Gare de Rufus et Coluche où il fallait autant savoir peindre et bricoler les décors que jouer la comédie. «Amour, coquillages et crustacés» qui deviendra « Les Bronzés 1 » (1978) est d’abord une pièce de théâtre qu’on leur proposera d’adapter au cinéma pour un salaire de 10 000 F par acteur. Le tournage a lieu en Côte d’Ivoire dans des conditions précaires, on paye les figurants au lance-pierre, le réalisateur Patrice Leconte est choisi parce que les six du Splendid ont aimé son film «Les Vécés étaient fermés de l’intérieur» (1976 avec Coluche). Un an plus tard, on tourne la suite «Les Bronzés font du ski » (1979) et 27 ans se passent

On retrouve Popeye (Thierry Lhermitte) patron d’un hôtel en Sardaigne et marié à une riche italienne (Ornella Muti). Victime d’une gestion désastreuse, l’hôtel s’apprête à recevoir les copropriétaires des lieux : les cinq autres « Bronzés » qui avaient investi dix ans auparavant 500F chacun dans l’hôtel. Comment faire des restrictions sans froisser les nouveaux arrivants ? Comment se supporter les uns les autres ? C’est le sujet du film.

Jérôme a été rayé de l’ordre des médecins suite à une faute professionnelle en chirurgie esthétique : devenu le super-looser de la bande, il tire le diable par la queue comme moniteur d’auto-école. Pour couronner le tout, il a divorcé de Gigi qui l’a quitté « Gigi, c’est un joyau et je n’ai pas su en être l’écrin »
Bernard et Nathalie, éternellement beaufs, se sont enrichis grâce à la lunette et possèdent trois boutiques d’optique à Arras sous label « Plein la vue ». Mais le gagnant, c’est incontestablement Jean-Claude Dus qui a fait fortune en Amérique dans le commerce des perruques occasionnelles, habite une villa de 14 pièces à Santa Monica et se fait appeler Jessie (JC).

Popeye que ses camarades appellent toujours plaisamment « le tireur compulsif » n’a pas beaucoup changé, ce qui n’est pas le cas de Thierry Lhermitte qui ronronne, plutôt apathique, tout le long du film.

Jérôme a toujours le goût des strings en référence à la scène des « Bronzés 1» où il récitait un verset de Saint John Perse dans un égout qu’il croyait un lagon pour frimer devant Nathalie. Fauché, quand il n’est obligé d’emprunter les vêtements de la boutique de l’hôtel, il doit dormir avec les employés, faute de pouvoir payer sa chambre. Cet emploi de looser absolu qui a tout perdu : boulot, femme, argent, est plutôt pénible

Bernard et Nathalie sont devenus encore plus radins que méchants : «je ne transigerai pas sur l’amitié, je ne payerai pas». En total look Burberrys pour le cabas du chien Elvis et le bob sur la tête de monsieur, ils font une arrivée en fanfare avec leur toutou qui mange des pâtes à la Carbonara sans parmesan… Les scènes de Balasko avec l’animal «ce chien est chez lui !» sont assez hilarantes. On n’en dira pas autant du bégaiement insupportable infligé à Jugnot au tiers du film pour cause d’un choc homophobe

La métamorphose de Michel Blanc est assez ahurissante : body-buildé à mort, bronzé pour de vrai, de maigrichon et chauve cherchant «une ouverture», il est devenu trapu et perruqué de blond platine ou de frisettes bicolores, une belle fille à son bras, parlant franglais «je suis complètement jet-lag», «je ne t’en veux pas, man», etc….

Gigi s’est offert une nouvelle poitrine à la Russ Meyer en 90F Vêtue de rose Barbie tout le long du film, les cheveux blonds décolorés trop longs avec des extensions bouclées, des sandales à plateforme comme Loana, MA Chazel a l’air de s’amuser comme une gamine de ses déguisements : tunique en crochet blanc sur maillot rose fluo, petit pagne et brassières rose bonbon, elle a mis le paquet !

Le vaudeville entamé il y a trente ans se poursuit : Gigi, objet de toutes convoitises, retournera-t-elle avec Jérôme inconsolable de son départ ? Nathalie avait-elle couché avec Popeye dans «Les Bronzés font du ski» et pas seulement dans «Les bronzés1» ? La force de Samson/Jean-Claude Dus est-elle dans ses cheveux/perruques qu’il ne redevienne un perdant sitôt de retour en Europe ?
La trouvaille du film, c’est le Prunus Resort, l’hôtel spa pour cures de jouvence, pastiche de la marque Caudalie qui utilise le raisin. On a la douche au jet au pruneau, le cocktail de noyaux de pruneaux, des pruneaux un peu partout jusque sur le comptoir de la réception.

D’autres compères des «Bronzés» viennent à la rescousse de la bande des six : Christiane (Dominique Lavanant) qu’on avait quitté esthéticienne et Miguel (Martin Lamotte), ancien GO au Club Med, forment un couple assez réussi de babas convertis au boudhisme venu pour une thérapie de reconstruction par le pardon des offenses

Le film est à l’échelle des carrières solo des uns et des autres : Balasko et Blanc sont les deux meilleurs acteurs, naturels et crédibles, ici comme dans leurs autres films quelque soit leur emploi. On se rappelle Michel Blanc aussi bon dans «Marche à l’ombre» (avec Gérard Lanvin) que dans «Monsieur Hire» (avec Sandrine Bonnaire) ou de Josiane Balasko aussi performante dans «Les Hommes préfèrent les grosses» (avec Daniel Auteuil) que dans «Trop belle pour toi» (avec Depardieu).

Jugnot et Chazel ont conservé un jeu à « l’ancienne » tout droit sorti du « Père Noël est une ordure » ou de «La Vie dissolue de Gérard Floque» (Chazel, Roland Giraud)) avec voix grinçantes, grimaces et surjeu ostentatoire.

Si l’on excepte «Napoléon», Clavier joue toujours pareil mais ça fonctionne… que ce soit dans «Les Bronzés», « Les Babas-cool» (avec Chazel, Lamotte, Léotard, Daroussin), «Je vais craquer» (avec Nathalie Baye), « les Anges gardiens » (avec Depardieu) ou « L’Enquête corse » (avec Jean Reno), il n’a qu’un seul registre à la Louis de Funès, ce qui n’est pas si mal

Thierry Lhermitte est le grand absent, sans doute son physique de tombeur accuse davantage le coup que les autres. La présence d’Ornella Muti a ses côtés ne le réchauffe pas, elle-même peu à son avantage. Oscillant entre la comédie «Clara et les chics types » (avec Adjani et Auteuil), "Les Ripoux" (avec Noiret), par exemple, et le drame comme «Elles n’oublient jamais» (avec Maruschka Detmers) puis retourné à la comédie, on le verra prochainement dans le dernier film de Michael Young «Incontrôlable».

Quatre sur six de l’ancienne troupe du Splendid sont passés à la réalisation, Balasko par exemple avec «Les Keufs» (avec JP Léaud), «Ma vie est un enfer» (avec Auteuil), «Nuit d’ivresse » (avec Huppert) , etc Blanc avec «Mauvaise passe » (avec Auteuil), «Embrassez qui vous voudrez» (avec Carole Bouquet). Jugnot avec brio de «Meilleur espoir féminin» aux «Choristes», Chazel plus timidement avec «La Vengeance d’une blonde» (avec Clavier), « Les Surs soleil » (avec Clémentine Célarié).

Ils se sont fait plaisir, les six «amis pour la vie», on n’en doute pas mais si il n’y avait pas de références aux deux films précédents, comme JC perdu au large sur son scooter des mers comme il le fut dans la neige, que resterait-il ? Il y a quelques passages et quelques répliques amusantes dans le genre «il est sourd-muet», «il aurait pu le dire» (Jérôme/Clavier), «on s’est aimé avant de s’aimer, c’est comme dans un film de Lelouch» (JC/Blanc), le chien de Nathalie/Balasko mordant une grosse dame «il n’a rien ?» (le chien). On n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer, ça n’est ni ennuyeux ni désopilant, c’est "pas terrible" mais "pas si mal"… d’autant que le film est très court : 1h35!!! On sort content de les avoir revus comme des cousins perdus de vue depuis longtemps avec ce que ça comporte de nostalgie On regrette le côté artisanal des "Bronzés", aujourd’hui, ce sont des notables du cinéma… Christian Clavier invite Nicolas Sarkosy en vacances dans sa maison en Corse, Michel Blanc est l’ami de Bertrand Delanoé…

Les paysages sont inexistants, ils auraient pu tourner en banlieue parisienne que ça n’aurait pas changé grand-chose, une petite nuit sur la plage pour le final sur une petite crique La BO est assez pimpante, ce qui m’a valu de payer 10,50 Euros !!! une place de cinéma avec son Dolby sur les Champs Elysées

Bien qu’il soit à peu près impossible de résister au conditionnement médiatique pour la sortie des «Bronzés 3», on pourrait raisonnablement attendre la sortie en DVD qui ne se fera pas sans bruit, je suppose !

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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