"Les Faussaires" : impressions des camps

57° Festival de Berlin, compétition 2007, Stefan Ruzowitzky, sortie 6 février 2008
 

C’est une histoire vraie de l’Histoire avec un H de la dernière guerre mondiale. Un groupe de déportés juifs, qu’on fit venir de camps de concentration différents, dont certains de lenfer dAuschwitz, fut transféré et réuni dans le camp de Sachsenhausen pour fabriquer de la fausse monnaie, lopération Bernhard… Car ils étaient tous imprimeurs, photograveurs, photographes, illustrateurs, voire faussaires de profession Cest le cas du héros, Salomon Sorowitsh, dit Sally, roi des faussaires avant guerre arrêté par le commissaire de police Herzog chargé des contrefaçons et envoyé au camp de Mauthausen. Arrêté pour une nuit de trop avec une belle (Dolores Chaplin) qui la fait traîner en ville car Sally est un frimeur, un jouisseur, un homme qui aime les palaces, les casinos, le jeu et les femmes.Au bout de quelques années, Sally qui sen tire mieux que les autres au camp de Mauthausen grâce à son coup de crayon vite repéré, exécutant multe portraits des officiers et leur famille, est transféré au camp de Sachsenhausen. 140 hommes triés sur le volet pour leur expertise en imprimerie sont parqués dans un pavillon, « une cage doreé », à lécart des prisonniers ordinaires, dans des conditions à peu près décentes, surtout par rapport aux autres : des lits avec des draps propres (lodeur des draps propres les fait chavirer), de la nourriture, une douche par semaine qui leur fait plus peur quautre chose (ils craignent dêtre gazés ensuite) et une table de ping-pong, même si il faut jouer en faisant abstraction des cris dehors des prisonniers du camp quon martyrise, quon torture, voire quon tue dune balle dans la tête pour un oui, pour un nom.

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photo Rezofilms
La vie dans le camps est filmée dune manière réaliste sans voyeurisme, ce nest pas le sujet focalisé sur le groupe des imprimeurs mais le réalisateur ne fait pas impasse sur lhorreur. Certaines scènes sont dures à pleurer, on est dévasté par lindignation et la tristesse et on a du mal, comme les protagonistes, à sintéresser aux faux billets. Petit à petit, sous la houlette dAdolf Burger, une sorte de résistance sorganise avec des fluctuations, retarder lémission des faux dollars pour contrer les allemands, point de vie radical et idéaliste de Burger, prêt à mourir, tout en évitant de se faire tuer pour rébellion, point de vue pragmatique de Sally Sorowitsh, réaliste, les hommes inventent par exemple que la gélatine ne prend pas Filmé de façon plus efficace qu’artistique avec des plans rapprochés, du mouvement, des couleurs assez stylisées, le rouge et le jaune (intérieurs), le brun et gris (les camps), on tend à immerger le spectateur dans la sinistre réalité du quotidien de ces hommes, à être « au plus près » de l’humain, excepté les quelques scènes avant et après la guerre dans les hotels de luxe, des bars, etc…Le personnage de Sally Sorowitsh est une sorte dArsène Lupin séducteur, tricheur, joueur, faussaire, qui fascine le commandant Herzog, le policier qui lavait arrêté autrefois devenu chef de lopération Bernhard : c’est lui qui fait  transférer Sally et le nomme responsable de l’atelier, le considérant comme un génie de la fausse monnaie. Sally Sorowitsch (initiales…) est un voyou qui naurait eu dans la tête que de sauver la sienne si les circonstances tragiques ne lavaient forcé à devenir compassionnel, généreux, solidaire. Le contraire du commandant nazi SS Herzog, plus borné à exécuter les ordres que sadique, nen rajoutant pas, sujet à des enthousiasmes, à des sympathies, sans doute un homme à peu près fréquentable en temps de paix La question se pose alors, le commandant SS Herzog a-t-il sauvé ces hommes en les utilisant? Il a sauvé leur vie mais peut-on de remettre du retour des camps (un des imprimeurs se suicide à quelques brasses de la libération )


photo Rezofilms

Le réalisateur autrichien Stefan Ruzowitzky parle dans une interview, à propos de la sortie du film, de son intérêt pour le sujet du nazisme, vivant aujourdhui dans un pays, lAutriche, accordant 20% de suffrages aux candidats populistes dextrême-droite « … intolérablement proches de lidéologie nazie… », no comment L’acteur autrichien interprétant Sally, Karl Markovics, est connu internationalement grâce à au feuilleton télé « Rex : a cops’ best friend », pour ma part, vu pour la première fois ici, je le trouve est assez génial et charismatique, on l’aime tout de suite!
Le film est tiré dans livre « LAtelier du diable » écrit par limprimeur Adolf Burger, un des survivants de lopération Bernhard Quant au faussaire réel qui a inspiré le personnage de Sally, on perd sa trace après la libération, selon certains, il flambe tout au casino de Monte-Carlo et mourra ensuite en Argentine dans les années 60 où il « revisitait » des tableaux de grand maîtres Que sont devenus les faux billets ? Les nazis, en passe de perdre la guerre, jetèrent les faux dollars dans un lac après avoir inondé lAngleterre de Livres sterling

Un film parfois très dur mais se regardant néanmoins comme un film possédant un suspense, un film pour tous les publics avec des moments terriblement humains, voire un brin d’humour, avec la vocation aussi bien de raconter une histoire que d’informer, témoigner, mettre en garde. Un témoignage essentiel sous l’angle d’un récit un peu policier…

 

Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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