"Loin de Sunset boulevard" : Hollywood or et rouge
On pouvait espérer beaucoup dun film avec un tel sujet : la réalité du cinéma en URSS sous Staline et la vie des protagonistes sous un régime totalitaire. Mais le sujet est tellement dilué dans 2h30 de film avec un flash-back de plus de 2h quil perd très nettement de sa virulence et de son intérêt…
—–
Un couple très âgé danciens acteurs du cinéma, un réalisateur et son épouse, stars de lépoque Staline, voient leur maison encerclée par les journalistes à loccasion dune rétrospective télé dont ils ignoraient lexistence. Paniqués, leur premier réflexe est de fuir, comme autrefois
Retour aux années 30. Débarquent des USA, après deux années de tournée à létranger, un réalisateur de génie, Mansourov (sosie d’Eisenstein), reconnu dans le monde entier, et son jeune amant, Konstantin Dalmatov (sans doute le cinéaste Alexandrov dans la réalité), assistant sur ses films.
Sur le point de se lancer lui aussi dans la réalisation, Konstantin Dalmatov, se voit refuser laccès au studio sil ne collabore pas avec le pouvoir en place. On lui reproche notamment sa liaison, qualifiée dimmorale, avec Mansourov. Poussé par son mentor revenu en Russie uniquement pour le suivre, Konstantin signe Peu de temps après, Mansourov meurt dans des circonstances étranges, sans doute empoisonné par la peinture de son appartement fraîchement rénové.
Sen suivent les années de gloire pour Konstantin Dalmatov qui fabrique des comédies musicales faisant lapologie du régime, du métro, de Moscou, etc Dans lintervalle, Konstantin a épousé la débutante de son premier casting, Lidia Poliakova, dont il a fait une star. Un mariage blanc que le réalisateur traite de loin ou pas vraiment, dailleurs, dommage
Les relations entres les personnages et les personnages eux-mêmes, hormis Dalmatov et Mansourov, ne sonnent pas toujours juste. La scène de lavortement clandestin où Lidia mord une serviette de ses lèvres carminées pour réprimer des cris de douleur chez une faiseuse danges et quon retrouve physiquement intacte en culotte de soie blanche et sa robe rose nickel le soir même dans son appartement (bien que saoule), nest pas crédible, par exemple. Les relations du couple Konstantin et Lidia, qu’on devine plus ambigües qu’il n’y paraît, sont aseptisées, survolées, une scène et le réalisateur zappe. Le personnage du scénariste est intéressant, blasé et lucide, ayant appris à dissimuler toute émotion, il fait fonction de narrateur du récit, malheureusement, il ne trouve pas son insertion dans le film, n’apparaissant qu’à mi-film et bien isolé, demeurant le seul vrai personnage secondaire, les autres étant assez stylisés (la script, le directeur de la photo, la secrétaire)
En revanche, le point positif est la réussite des scènes de comédies musicales du Hollywood rouge quon montre longuement à lécran. Les abus, les excès et les crimes, les dissimulations, les dénonciations, les privilèges des uns (attribution d’appartements et de datchas par le régime à quelques uns) et les mises au rebut des autres, sont clairement dénoncés. Lambiance parano et suspicieuse, psychologiquement invivable, est présente (les coups de téléphone de surveillance permanents sont assez parlants…), mais pas assez réaliste cependant (si on pense à la force de la Palme dor 2007 « 4 Mois 3 Semaines et 2 Jours »).
Cest un film à mission multiple de dénoncer à la fois lassassinat du cinéma russe en URSS sous Staline (le film dEisenstein interdit) mais aussi loppression généralisée. Dans ces conditions, faute dun objectif unique fort, tout cela est abordé mais rien nest vraiment creusé. Le film, paradoxalement à sa volonté de briser le silence, nest pas moderne, et même dune texture assez démodée parfois, filmé avec des réticences et des pudeurs dautrefois tout en essayant de dénoncer lintolérable. De surcroît, les acteurs, hormis Sergueï Tsyss qui ressemble un peu à Adrien Brody, ne sont pas inoubliables lactrice principale est même quelquefois franchement mauvaise (scènes de colère). La fin est bâclée mais on nest pas mécontent de voir le générique de fin
Comme le film a eu le Grand Prix et le prix du scénario du festival du cinéma russe de Honfleur, on a peut-être avantage à regarder dabord les films antérieurs du réalisateur Igor Minaev dont « L’Innondation » (1993) avec Isabelle Huppert. Je tiens à préciser que les spectateurs présents à la projection de lArlequin avaient pour la plupart vu beaucoup de films de la rétrospective russe durant 15 jours, ce qui nest pas mon cas, aussi, ils ont peut-être eu un point de vue plus indulgent que le mien en regardant ce film dans la continuité des précédents, embrassant un ensemble.
réalisateur : Igor Minaev
acteurs : Sergueï Tsyss (Konstantin Dalmatov) et Youlia Svejakova (Lidia Poliakova)
musique : Vadim Cher
Lire, en avis contraire, la critique sur le site www.kinoglaz.fr…
Ce film est disponible sur internet en VOD avant sa sortie en salles en novembre 2007*…
*Sortie salles différée au 7 mai 2008
Notre note
(2 / 5)
Laisser un commentaire