«Marvin où la belle éducation» : en finir avec Marvin Bijou…

focus film Anne Fontaine, sortie 22 novembre 2017

Pitch

Persécuté par ses camarades d’école, incompris par une famille inculte, soudain, Marvin quittera ce village de toutes les souffrances...

Notes

Quand Marvin, qui s’appelle désormais Martin, se prépare à monter sur scène, brossant ses sourcils face au miroir de sa loge, que l’on retrouve la même scène vers la fin du film, on pense aussitôt à « Les Garçons et Guillaume à table! ». Si le traumatisme originel n’est pas le même, les chemins de résilience de Guillaume et Marvin obéissent à la même logique. Deux individus « différents » qui trouveront leur salut en convertissant leurs souffrances d’enfance et d’adolescence en force créative, en création tout court : faire de cette enfance traumatique un spectacle, passer de l’obscurité d’autrefois, pavée d’humiliations et de questionnements, à la lumière du Paris artistique, être enfin reconnu pour ce que l’on est avec ses « différences ». Montrer au public ce que l’on tentait de cacher autrefois. Cependant, ici, Anne Fontaine s’offre un épilogue de réconciliation de Marvin, devenu Martin, avec son père (Gregory Gadebois est un grand acteur, il fait passer beaucoup d’émotions dans ce film), épilogue gentiment optimiste dont on aurait pu se passer, à mon avis…

« Marvin » (photo Mars distribution)

« Marvin » (photo Mars distribution)

Le film traite d’un sujet universel : échapper à l’ostracisation d’hier en l’intégrant dans la création d’aujourd’hui. Ce qui faisait ricaner hier les camarades de lycée de Marvin Bijou, qui le persécutaient, le poids de cette famille obtuse, débordant de préjugés, refusant d’admettre que leur fils est où sera homosexuel, qu’il est plus délicat et tellement différent de son frère, de son père, ces deux derniers présentés comme des brutes bornées, émouvra demain un public parisien quand il leur présentera sa pièce de théâtre racontant son histoire. Mais pour cela, il faut partir de ce village, changer de ville, de nom, de vie, renaître en utilisant les décombres encore tièdes de son ancienne vie. On serait tenté de citer Nietzsche «ce qui ne tue pas rend plus fort» et de noter la fonction thérapeutique de la démarche, mais ce serait faire impasse sur la dimension artistique (et l’art, dans son dépassement de la réalité, n’a pas vocation à être une thérapie) ; l’oeuvre autobiographique du créateur, une fois exposée au plus grand nombre, au delà du don d’écrire, se raconter et de se mettre en scène, existe en tant que telle.

« Marvin » (photo Mars distribution)

« Marvin » (photo Mars distribution)

A Paris, Marvin trouvera des gens qui vont l’aider, l’héberger, ne pas le juger, comme ce couple gay de longue date qui devient un peu sa nouvelle famille (magnifique composition de Vincent Macaigne, sobre et émouvante). Démarrant sa vie amoureuse avec un vieux play-boy inconstant (Charles Berling),  ce dernier le confiera après sa mort à une amie proche : Isabelle Huppert (qui joue son propre rôle).  Elle l’aidera au delà de ses espérances à monter son spectacle jusqu’à partager la scène avec lui.

« Marvin » (photo Mars distribution)

« Marvin » (photo Mars distribution)

 

Et aussi

Jules Porier interprète Marvin jeune (son premier rôle au cinéma) et c’est unanimement la révélation de ce film comme le fut JP Léaud à son âge dans « Les 400 coups », un naturel et une force d’empathie rares. Après la projection du film la semaine dernière, il y a eu une rencontre entre les bloggers invités et l’équipe du film. La réalisatrice Anne Fontaine était impressionnée de rencontrer des bloggers cinema pour la première fois de sa carrière, Jules Porier, en revanche, était dans son élément, c’est ce que nous ont dit les organisateurs de l’agence Okarina à l’initiative de cet événement. Finnegan Oldfield, qui joue Marvin jeune adulte, a, pour sa part, démarré une carrière au cinéma très vite, remarqué notamment dans « Bang-gang » et « Nocturama ». La réalisatrice Anne Fontaine a toujours prisé les sujets qu’on pourrait dire transgressifs, des sujets qui dérangent le spectateur (l’interpellent, parfois, agissant en effet miroir dérangeant) de « Nettoyage à sec » au magnifique « Les Innocentes » en passant par « Nathalie » et « Entre ses mains » (mon préféré), hormis « Perfect mothers » avec Robin Wright et Naomi Watts, excellentes actrices US, au service d’une histoire sous le soleil totalement incrédible, j’aime tous les films réalisés par Anne Fontaine et «Marvin» ne déroge pas à la règle. Le film est inspiré par le roman « En finir avec Eddy Bellegeule » d’Edouard Louis. 9083E819-A904-44FE-87CC-6ACA299457D2.

Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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