"Nos héros retrouveront-ils leur ami mystérieusement disparu en Afrique?" : divorce à l'italienne

Ettore Scola, 1968, sortie DVD décembre 2007
         
On est quand même frappé par l’évolution de l’affiche de cette sympathique comédie italienne signée Ettore Scola : tout d’abord l’affiche d’époque (1968) sans prétention avec les deux acteurs principaux : Alberto Sordi et Bernard Blier, ensuite, la version italienne où on a viré Blier pour Nino Manfredi qui joue un très petit rôle même si son absence est le moteur du film, enfin, le DVD tel qu’il est sorti fin novembre en France avec un côté sérieux film d’auteur, le fond couleur savane, le beau Nino Manfredi en premier plan et les deux compères Blier et Sordi rapetissés et flous en arrière-plan, à croire qu’ils dérangent…  

 

Homme pressé, surbooké, submergeant ses collaborateurs de consignes depuis sa Rolls, commandant une salade à la piscine en se faisant bronzer pendant le seul quart dheure libre de la journée, léditeur Fausto Di Salvio est un homme riche et surmené. Les jeux dadultes oisifs de la Dolce vita romaine, le domestique anglais, le handicap au golf, son épouse sophistiquée, Di Salvio nen peut plus, sourd aux mondanités, il rêve de lAfrique. Car son beau-frère Oreste Sabatini dit Titino, disparu depuis bientôt trois ans, vient dêtre repéré par lagence de détective au fin fond de lAngola, une piste à creuser sur place Di Salvio (Alberto Sordi) décide de se dévouer, il part en Angola avec son comptable Ubaldo Palmarini (Bernard Blier) qui nen demandait pas tant.—–

Les deux compères débarquent alors dans un pays inconnu, aux paysages de rêve, auquel ils ne comprennent rien et, en premier lieu, le portugais. Déguisé en explorateur, short, chaussettes et petit galon en fourrure zébrée sur son chapeau, Alberto Sordi est filmé par la population locale dès son arrivée tant il est ridicule tandis que Bernard Blier ne quitte pas son costume cravate noir de comptable terne. La bonne volonté de sintégrer de Di Salvio est touchante, ému aux larmes par une autruche ou un morceau de savane, se fâchant avec le guide qui na pas voulu saluer un frère pygmée, photographiant tout et nimporte quoi, enregistrant des carnets de voyages aux accents lyriques. Une scène très drôle métait restée en mémoire car javais déjà vu ce film il y a des lustres : une larme coule sur la joue dAlberto Sordi, sous ses lunettes miroir, puis, la caméra séloigne, dévoilant la scène : tandis que l’éditeur est ému aux larmes par la beauté des Chutes d’eau dans la jungle, Ubaldo, le comptable, lui, tourne ostensiblement dos au paysage somptueux, installé sur une table pliante pour y faire des comptes.

Après de multiples péripéties, les deux hommes vont enfin retrouver Titino (Nino Manfredi), le beau-frère de léditeur, devenu le gourou dune tribu mais acceptera-t-il de rentrer à Rome? Oreste/Titino ayant refait sa vie en Afrique, le comptable ne pensant quà potasser les horaires du retour en Italie, léditeur di Salvio, assis entre deux chaises, est le plus malheureux des trois. Débordant soudain damour de la nature et des gens simples quil na jamais loccasion de rencontrer à Rome, Di Salvio se révèle beaucoup plus humain que ne limaginait son comptable souffre-douleur mais, à la différence dOreste, il ne vivra une autre vie que quelques jours, sétant offert le luxe de mettre son rêve de lAfrique en images.

Tourné en 1968, le film est très daté début des années 70 avec beaucoup de liberté de ton et de créativité dans le montage (parfois) un peu psychédélique des images, un voyage aussi pour le réalisateur (belles poursuites des animaux en jeep), le générique en BD papier craft sur percussions des tam tam donne le ton. LAfrique est filmée avec beaucoup damour et de générosité, les populations, les enfants, tout est beau, les paysages sont splendides (le film fut vraiment tourné en Angola), on navigue entre premier degré, on irait bien aussi là-bas comme Nino Manfredi et comédie, limpuissance de loccidental surcivilisé démuni devant le moindre pépin, terrifié devant un animal sauvage, perdu hors de son univers aseptisé qui demande si il y a un wagon restaurant dans le train!

Une comédie satyrique sans prétentions avec une analyse légère mais tout à fait pertinente du fantasme dune autre vie, du comportement des occidentaux en Afrique, dexcellents acteurs même si on est gêné de ne pas entendre la voix de Bernard Blier doublé par un acteur italien, on sait de toute façon quen Italie à cette époque, tous les films sont post-synchronisés avec la voix des acteurs du film quand ils sont italiens.

A noter que cette nouvelle collection (éditée par M6 vidéo et Warner home vidéo) a sorti plusieurs films italiens introuvables dont «Le Cri» dAntonioni au prix conseillé de 19,90 Euros (ce qui n’est pas le cas à la FNAC où j’ai eu la sottise de l’acheter).

 

Notre note

4 out of 5 stars (4 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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