« Prick up your ears » : meurtre d’un dramaturge anglais

Stephen Frears, 1987, reprise 24 novembre 2010

Pitch

Dans les années 80, un écrivain américain s'apprête à écrire un livre sur l'assassinat du dramaturge Joe Orton par son compagnon dans le Londres des années 60. Pour cela, il rencontre son éditrice qui lui prête le précieux journal intime de l'auteur.

En aout 1967, la police découvre les corps de Joe Orton et Kenneth Halliwell dans leur petit appartement de Londres dans le quartier d’Islington, le second à tué le premier et s’est suicidé ensuite. Presque 20 ans plus tard, un écrivain américain enquête sur cette affaire pour écrire la biographie de Joe Orton, il recontre alors Peggy, son agent littéraire de l’époque qui lui prête son journal intime. Le biographe va y découvrir dix ans de la liaison tourmenté de Joe et Kenneth. Quand Joe Orton rencontre Kenneth Halliwell à une audition de théâtre, il est plus ou moins fiancé avec une jeune fille mais ils vont rapidement s’installer ensemble. Pour Joe, c’est une première, pas pour Kenneth, plus âgé, qui a toujours préféré les hommes mais, comme Joe le lui dira méchamment vers la fin, si ce n’avait pas été lui qui l’avait initié, c’aurait été un autre. Car dans le journal intime, Joe raconte ses inombrables aventures et infidélités dans le Londres des années 60, où l’homosexualité était encore un délit, où les amants devaient se cacher, notamment dans des pissotières ; une scène est particulièrement éloquente où les hommes enlèvent les ampoules dans des toilettes publiques la nuit afin de pouvoir s’échapper, le cas échéant.
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photo Carlotta

C’est d’ailleurs six mois de prison, où les deux hommes sont séparés, qui vont permettre à Joe Orton de commencer à écrire des pièces de théâtre. Bien qu’à la fin de leur liaison, on voit un Kenneth brisé, devenu un homme au foyer dépressif, irritable, jaloux, faisant la cuisine, le ménage, la lessive, lors de leur rencontre, c’était l’inverse, ce que le film dévoile habilement peu à peu avec des allers et retours des années 80 aux années 60 et à l’intérieur des années 60. Kenneth H était un homme cultivé habitant un hôtel assez chic et Joe Orton un plouc débarqué de sa province, à qui il faisait remarquer que de ce fait, il portait très bien des vêtements bon marché! L’écrivain, c’était Kenneth passé en dix ans de professeur et coach à épouse délaissée.
 


photo Carlotta

Ce qui est déroutant dans ce film devenu culte avec le temps, c’est le parti pris de traiter un mélodrame en tragi-comédie mais les films de Stephen Frears sont souvent à part. Quand on connaît l’issue, la mort des deux hommes montrée dès la première scène, on n’a guère le coeur à rire, pour ma part, du moins. Le personnage de Kenneth est tragique, orphelin, une mère morte très tôt, un père suicidé, devenu chauve précocément, affublé d’une perruque grotesque posée comme un chapeau, colosse surnuméraire partout, très laid, très triste. On nous montre la progression de la marginalisation de Kenneth qui devient fou, rongé par la jalousie, ayant l’impression dans son esprit malade que Joe, dont il méprise les pièces de théâtre populaires, lui a pris sa place.
L’occasion de dresser un portrait de l’Angleterre intolérante des années 60, où l’homosexualité est passible de prison, malgré l’émergence du Swinging London qu’on ne montre pas excepté une visite de Paul Mc Cartney à Joe Orton, caché dans une Rolls blanche. Joe Orton représente une liberté intolérable pour l’Angleterre de l’époque, et peut-être même pour Kenneth Halliwell, son compagnon. Quand le film sort en 1987, l’ambiance n’est pas tellement plus tolérante, on est au coeur de l’épidémie de Sida et on ne sait pas encore que les hétérosexuels peuvent être contaminés, les gays sont alors ostracisés une fois encore (je lisais le blog anglais de quelqu’un qui a vu le film à Londres à sa sortie et l’a revu récemment et compare l’ambiance d’hier et d’aujourd’hui). Aujourd’hui, on voit le film comme un document aussi au delà se son style tout à fait spécial, on aime ou pas ce mélange de tragédie et de comédie mais c’est une démarche originale et osée avec un sujet aussi tragique. Les acteurs sont assez exceptionnels : Gary Oldman (Joe), Alfred Molina (Kenneth), Vanessa Redgrave (Peggy).

 

Notre note

3 out of 5 stars (3 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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