« Rain » (« Pluie ») : expiation sous les Tropiques

Lewis Milestone, 1932, sortie DVD 25 janvier 2012

Pitch

Sur l'île de Pago, une prostituée débarque d'un bateau en même temps qu'un groupe dont un missionnaire et sa femme. Ce dernier va s'acharner à la convertir et à la renvoyer chez elle à San Francisco d'où elle s'est enfuie et ne veut pas retourner.

Tiré d’une nouvelle de Somerset Maugham « Miss Thompson » parue en 1921, déjà adaptée au théâtre, puis au cinéma muet avec Gloria Swanson, plus tard en 1953 avec Rita Hayworth dans le rôle titre, ce film de 1932 est à une charnière : si la présence de Joan Crawford dans le rôle Sadie Thompson, la prostituée au grand coeur, est un grand plus pour l’affiche, dans les faits, elle a un jeu très forcé, hyper-expressif, inspiré du muet bien que le film soit parlant. Le tout est extrêmement daté, démodé mais pas inintéressant.
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photo Wild Side Vidéo

En provenance de Honolulu, un groupe descend du bateau L’Orduna sur l’île de Pago à destination d’une ville, Apia, où ils sont interdits de se rendre immédiatement à cause d’un cas de choléra en mer. Apia, la ville la plus humide du monde. La pluie ne cessera d’ailleurs que pour la dernière scène du film. En quarantaine, le groupe s’installe chez l’épicier/hôtelier, l’américain Joe Horn, qui vit sur place depuis 20 ans, lisant Nietszche entre deux verres. Parmi les passagers, un médecin et son épouse, un missionnaire de l’église réformiste, un certain Davidson, et sa femme.

La pluie, l’oisiveté, l’alcool, les commérages, l’ambiance tristes tropiques est en place. Une atmosphère plombée, assez malsaine, y flotte un parfum de péché et d’expiation des fautes. Dès le départ, le missionnaire est fasciné par la prostituée qui constitue, à ses yeux, un danger pour la communauté. Caricaturée à outrance, Sadie Frost/Joan Crawford apparaît dans une incroyable tenue, robe à carreaux ultra-serrée et ceinturée, frange frisottée, maquillage de sorcière, bracelets par paquets. Sadie se rapproche d’un militaire qu’elle appelle « beau gosse », met de la musique dans sa chambre. Ce n’est pas du goût de ses voisins qui chuchotent qu’elle vient d’Evalay, le quartier mal famé de Honolulu, le patron de l’hôtel lui conseille alors dans son intérêt à elle de se tenir tranquille.


photos Wild Side Vidéo

Mais cela ne suffit pas à Davidson qui s’est mis en tête de convertir Sadie Thompson et de lui faire expier une vie de pécheresse à se prostituer. Comprenant qu’elle risque gros à rentrer à San Francisco, il l’y oblige par une sorte d’envoûtement mystique. C’est alors qu’on verra Joan Crawford métamorphosée, les cheveux tirés, robe noire, se comportant un peu comme Jeanne d’Arc… Tout le jeu de Joan Crawford est faux et outré. D’autant que les autres acteurs jouent bien plus sobrement à l’exception du missionnaire exalté Davidson qui va tenter de convertir Sadie par tous les moyens ; ce qui donnera une scène assez choc (la scène le plus forte du film) où les deux se faisant face, le missionnaire récitant des prières pour repousser le diable, soudain, la prostituée se mettra à réciter avec lui, un couple en transes communiant pour exhorter la peur (elle) et la tentation (lui). Car, ayant réussi la conversion de Sadie, en la persuadant qu’elle doit racheter les errances de sa vie passée par un sacrifice,

en lui faisant peur de l’enfer, Davidson se prend au jeu et y plonge à son tour. Le film est moderne pour l’époque dans son propos, c’est le désir que lui inpire la prostituée, synonyme d’enfer, dont veut se débarrasser au plus vite le missionnaire (le premier regard qu’il lui jette est parlant). Le même schéma sera repris bien plus tard dans l’incroyable « Crimes of passion » (« Les Jours et les nuits de China blue », 1984) de Ken Russel où un prêtre dévoyé, cinglé, veut faire expier une prostituée des bas-fonds de LA dont il pressent qu’elle n’est pas comme les autres.D’après les notes du DP, en 1932, Joan Crawford, bien que mariée à Douglas Fairbank Jr, l’avait trompé avec Clark Gable, ce qui lui avait valu que la légitime épouse de Gable se plaigne à la Metro Goldwyn Mayer, qui, pour marquer le coup et punir son actrice star, l’avait prêtée au studios Artistes Associés pour ce film « Pluie ». A sa sortie, ce film avait mauvaise réputation et on comprend pourquoi en le voyant, il n’y est question que de péché, d’expiation, de rachat des offenses, de désirs interdits et de crainte de l’enfer.


photo Wild Side Vidéo

 

« Pluie » (« Rain ») de Lewis Milestone (1932)
DVD collection « Vintage classics » Wild side vidéo, sortie 25 janvier 2012

Dans la même collection, DVD sortis l aussi le 25 janvier 2012 :

« Song of freedom » de J. Elder Wills (1936)
« Barbe bleue » (« Bluebeard ») de Edgar G. Ulmer (1944)
« Le Masque » (« The Bat ») de Crane Wilbur (1959)

mais aussi une curiosité dont je reparlerai plus tard :
« Marée nocturne » (« Night tide ») de Curtis Harrington (1961) avec Dennis Hopper très jeune

 

Notre note

2 out of 5 stars (2 / 5)

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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