"The Da Vinci Code" : Décode-moi un Graal

Ron Howard, 2006

 

Je dois être un des rares pèlerins à n’avoir pas lu «The Da Vinci code» et ce n’est pas ce grand jeu de piste pour grands adultes, lent, long et (plutôt) laid, qui m’encouragera à acheter le livre. Je me demandais pendant la projection si ce film n’était pas un effet pervers de l’autofiction Je veux dire par ce raccourci que les lecteurs en ont eu tellement soupé des kilos de romans dits d’autofiction parus à chaque rentrée littéraire, et, ce, des années durant, qu’ils se sont précipités sur le premier livre avec une histoire qui les tenait en haleine. Et dans ce sens, on n’est pas sans remarquer depuis deux ans le retour en force du polar qui quitte les quais de gares et les aéroports pour gagner ses lettres de noblesse. Bref, il ne restait plus qu’à proposer la version filmée du livre aux quarante millions de lecteurs.
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Je lisais dans une interview de Dan Brown que son père lui organisait des jeux de piste, quand il était enfant, avec des indices pour découvrir cachés ses cadeaux de Noël. Rien n’a changé ou presque, c’est madame Brown qui se colle aux recherches documentaires et c’est monsieur Brown qui cache tout seul ses jouets.Le film met en scène un interminable tête à tête entre Sophie Neveu (Audrey Tautou), officier de police spécialisée en cryptologie et le professeur Robert Langdon (Tom Hanks), éminent spécialiste des symboles, réunis à l’occasion de l’assassinat du conservateur du Louvre, Jacques Saunière, retrouvé nu la nuit dans le musée avec des marques sur le corps et toute une série de signes cabalistiques, en relation avec des tableaux de Leonard de Vinci, qu’il faut déchiffrer.

Bezu Fache (Jean Reno), policier chargé de l’enquête et persuadé de la culpabilité de Robert Langdon, est lié à l’Opus dei, ennemi de la mouvance religieuse à laquelle appartenait Jacques Saunière. La quête du Saint Graal, qui provoque la guerre des gangs entre deux courants religieux antagonistes, est assez sulfureuse puisqu’elle impliquerait que Jésus ait eu une descendance de Marie-Madeleine : cette hypothèse, considérée comme blasphématoire, fait scandale aujourd’hui dans les milieux chrétiens.

L’aspect le plus horripilant du film, ce sont mille flash-back pour les souvenirs de tous les protagonistes. Que Sophie Neveu ouvre la bouche pour évoquer un souvenir d’enfance et c’est comme si on cliquait sur un lien sur internet : la séquence s’affiche aussitôt sur l’écran avec une image en noir et blanc (pas toujours) plutôt salie et floutée. On en arrive à redouter qu’un des personnages se souvienne de quelque chose Ces sortes de liens visuels, qui s’ouvrent comme des annexes au film au fil des conversations, ne concernent pas que les souvenirs, le réalisateur en use et en abuse pour montrer la fabrication d’un cryptex (objet ancien pour cacher les secrets), pour des périodes de l’histoire auquel on peut faire référence dans les dialogues, et comme Ron Howard fait les choses en grand, on ne lésine pas sur les figurants. Pour le reste, hormis une petite poursuite en voiture et quelques déplacements, le film consiste surtout en palabres et discussions, le plus souvent, entre Tom Hanks et Audrey Tautou. Une révélation peut et doit en cacher une autre, révélations, comme des poupées russes, dont on ne verrait jamais la dernière et qui étirent ce film bavard en longueur (2h30) sur une musique pesante et omniprésente. On note que Paris est bien vu par des américains avec un bois de Boulogne à deux pas de l’Arc de triomphe.

Les visages de Tom Hanks et Audrey Tautou sont filmés en gros plan la plupart du temps quand rien ne le justifie que le parti pris d’en faire des sortes de personnages stylisés d’un jeu géant. Tom Hanks trouve là son rôle le plus passif et d’ici à dire qu’il a l’air de s’ennuyer, il n’y a qu’un pas. D’Audrey Tautou, on remarque deux choses : sa fluidité en anglais et sa maigreur, très loin du «Vénus beauté institut» de ses débuts. Un acteur émerge du casting : Paul Bettany, qui avait déjà connu le festival de Cannes avec «Dogville» de Lars Von Triers : dans le rôle d’un moine halluciné (Silas) portant cilice, c’est le seul acteur dont on retient la performance.

Le réalisateur Ron Howard est déjà venu trois fois à Cannes : pour «Willow» (1988) avec Val Kilmer, «Horizons lointains» (1992) avec Tom Cruise et Nicole Kidman » et «En direct sur Ed TV» (1999), film en avance sur son temps sur la téléréalité. Le producteur, Brian Grazer, est le même que celui du « Seigneur des anneaux ».

Après le succès planétaire du livre, l’auteur, Dan Brown, présent lui aussi à Cannes, a vu des trois précédents ouvrages, sortis dans l’indifférence générale avant le «Da Vinci code», être réédités et s’arracher La discipline de Dan Brown laisse pantois : debout tous les jours à quatre heures du matin pour travailler et quittant toutes les heures son bureau pour faire quelques exercices de gym !

Lors de la projection du film pour les journalistes, la veille du festival de Cannes, soit mardi soir, des rires et des sifflets ont accompagné la révélation finale et les commentaires en ont conclu que le public aurait une tout autre réaction, la presse cannoise ayant la dent dure : ce n’est pas le cas de la salle où j’ai vu le film hier, le jour de sa sortie, à Paris, des grands rires ont également éclaté au même moment de la dite révélation Cependant, la salle était comble comme rarement. Je pense que ce film ne peut intéresser que les lecteurs du livre ayant la mémoire de bons moments de lecture.

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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