« The Staircase » (« Soupçons ») : l’affaire Michael Peterson, un scénario de polar doc plus palpitant qu’une fiction

Série doc diffusée sur Canal+, coffret DVD, sortie 5 juillet 2006

Pitch


Quelques jours après avoir prévenu les urgences de la chute mortelle de sa femme dans l'escalier de leur maison en Caroline du nord, l'écrivain Michael Peterson est accusé de l'avoir assassinée. Emprisonné, relâché sous caution, il est finalement condamné à vie en 2003 sans remise de peine ni de possibilité de faire appel.


L’incroyable « polar du réel » que constitue l’affaire Michael Peterson a trouvé un rebondissement ces derniers temps : 8 ans après avoir été condamné à perpétuité pour le meurtre de sa femme Kathleen, sans preuves ni témoin, Michael Peterson vient d’être libéré sous caution

le 15 décembre 2011. Pourquoi? L’un des experts du FBI local en charge du procès, Duane Deaver, ayant été accusé d’avoir falsifié des preuves, le même procureur, Jim Hardin, qui avait condamné Peterson en 2003, l’a libéré. Une occasion de (re)voir le doc fleuve de Jean-Xavier de Lestrade qui avait filmé l’avant et pendant procès 18 mois durant, donnant naissance à une série documentaire en 8 épisodes qui se regarde comme un thriller, voire un mélodrame ou les deux. Le réalisateur est depuis reparti pour filmer la « saison 2 » du procès Peterson.
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L’histoire

Dans la nuit du 9 décembre 2001 à trois heures du matin à Durham en Caroline du nord, l’écrivain Michael Peterson, connu dans la région, téléphone, affolé, au SAMU local en hurlant que sa femme est en train de mourir après une chute grave dans l’escalier de leur luxueuse villa. Il appelle deux fois, dans le premier appel, il dit qu’elle respire encore, dans le second qu’elle ne respire plus. Pourtant, les policiers sur place vont être étonnés de la quantité de sang dans laquelle baigne la victime, sur les murs, sur l’escalier, un sang qui a eu le temps de sécher. Quelques jours plus tard, Peterson est inculpé par le procureur Jim Hardin à la stupéfaction de son entourage. Il fait appel pour se défendre à un grand avocat pénaliste, David Rudolf, qui le fait libérer sous caution en attendant le procès. La série montre le pas à pas des préparatifs du procès avec l’équipe de choc de l’avocat, puis le procès.


photo éditions Montparnasse

 

Les épisodes 1 à 4 sont construits comme un vrai thriller, ménageant le suspense, les révélations sur la double vie de Michael Peterson arrivant une à une. Les épisodes suivants sont plus routiniers, très techniques, on est entré dans la phase du procès, les
réunions de préparation de l’avocat avec ses collaborateurs, Michael Peterson et son frère se multiplient. Bien que cette immersion au sein du quotidien de la préparation technique d’un dossier de défense qui doit s’adapter aux nouvelles révélations, anticiper les préjugés des jurés, faire avec ce que racontent les médias et comment ils présentent les faits, est assez instructive, du jamais montré à l’écran.

Le procès va tenter de percer l’énigme:  le soir de sa mort, Kathleen a-t-elle été frappée par son mari, Michael Peterson, comme peuvent le laisser supposer les nombreuses contusions sur son crâne? Ou, ayant bu ce soir-là de l’alcool, ayant pris également un anxiolytique, a-t-elle, en revenant de la piscine (ou son mari était resté), fait une chute accidentelle dans son escalier mal éclairé et, inconsciente, son corps rebondissant sur les marches, son crâne se cognant sur les murs? Le mobile? On suppose une dispute entre les époux qui aurait mal tourné mais il n’y a ni témoin ni preuves de cette supposée dispute. L’arme du crime? On parle beaucoup au procès de la possibilité d’un pique-feu disparu, offert par la belle-soeur de Peterson, dont personne n’a jamais pu démontrer qu’il avait servi en tant qu’arme d’un crime.

A l’issue du procès en octobre 2003, Michael Peterson sera condamné pour homicide volontaire à l’unanimité du jury après 5 jours de délibérations avec une peine de perpétuité incompressible. La veille du verdict, sentant sans doute qu’on le juge plus lui, individu à la « vie tourmentée », comme il le dit lui-même, que le drame, il demande à ses deux frères « au cas où » de veiller sur ses enfants. Il y a beaucoup d’images de Michael Peterson au quotidien, personnage affable et lucide, pratiquant souvent l’humour, l’auto-dérision, très protecteur avec ses enfants, toujours en hypercontrôle sous des dehors zen, à qui on soupçonne une grande force de caractère (sa dernière phrase au tribunal après le verdict, avant d’être emmmené en prison, est de dire « ça va aller! » en se tournant vers sa famille). Un homme dont le réalisateur pensait qu’il saurait la vérité en le filmant tous les jours mais, qui, finalement, demeure opaque pour les spectateur excepté qu’on sent chez lui une forme de résignation, ou plutôt d’acceptation des choses, de philosophie que l’individu se construit mentalement malgré les contraintes extérieures, il dit à un moment donné qu’il sera le même homme « dans sa tête » chez lui ou en prison.

Depuis, une théorie que Kathleen Peterson aurait pu être attaquée par un rapace ou une chouette, provoquant des blessures sur le crâne, a été développée d’autant que Michael Peterson n’avait pas de sang sur ses vêtements la nuit du drame (le jury pensait qu’il avait eu le temps de se changer). Détail piquant : même en prison, le mystérieux Michael Peterson a su ravager… les coeurs féminins…  une des monteuses du documentaire, désespérée par le verdict, a noué avec lui une relation amoureuse et le soutient depuis.

 


photo éditions Montparnasse

Une famille idyllique
Michael Peterson a épousé Kathleen qui avait une fille d’un premier mariage, Caitlin, qui va se ranger du côté de l’accusation dans un second temps. De son premier mariage à lui avec Patty en Allemagne, Michael Peterson, qui était alors officier dans la marine, ancien du Vietnam, a eu deux fils. Par ailleurs, Peterson a adopté Margaret et Martha, les deux filles dun couple d’amis intime qu’ils avaient lui en Patty en Allemagne, George et Elisabeth Ratliff. Cette famille recomposée (Kathleen et Michael Peterson ont été mariés 13 ans) vivait tous ensemble, les deux fils et les trois filles, Kathleen et Michael Peterson, donnant l’image d’une famille idéale. A l’exception de Caitlin, tous les enfants vont soutenir inconditionnellement leur père durant le procès.

Les zones d’ombre de Michael Peterson

Deux révélations vont plomber le procès Peterson :
Primo, quelques temps après la mort de son mari en mission, Liz Ratliff a été retrouvé morte en Allemagne un matin au bas de son escalier en 1985. Le dernier a avoir vu Liz Ratliff la veille de sa mort était son voisin et ami Michael Peterson qui l’avait accompagnée au garage. Les avocats iront en Allemagne voir les lieux de l’accident, les anciennes maisons des Ratliff et des Peterson. Patty, l’ancienne épouse de Michael, jure qu’il n’y avait pas de sang, que Liz est morte par hémorragie interne cérébrale, d’une rupture d’anévrisme. En revanche, Barbara, la nounou des enfants à l’époque, dit qu’elle a mis une journée entière à nettoyer tout le sang sur et autour de l’escalier, elle viendra en témoigner au procès de 2003. Car, dans l’intervalle, le procureur a demandé l’exhumation et l’autopsie de Liz Ratliff, 17 ans après sa mort, qui avait été enterrée au Texas. Afin de comparer les traces de traumatismes sur les crânes de Liz et de Katlheen, et c’est sur ces expertises que personne n’est d’accord. D’ailleurs, on n’a pas retrouvé d’arme du crime dans les deux cas bien que Candace, la soeur de Kathleen s’obstine à raconter qu’elle avait offert un pique-feu à sa soeur pour sa cheminée, objet qui a disparu et sera finalement retrouvé quinze jours avant la fin du procès.

Secundo, en fouillant dans l’ordinateur de Michael Peterson, la police y découvre des vidéos porno gay et des mails qu’a envoyé Peterson à un escort-boy qu’on verra ensuite témoigner au procès. Le frère de Michael dit qu’il savait depuis son adolescence que Michael était bisexuel. Ce dernier ne se dérobe pas, avoue à son avocat qu’il avait des aventures avec des hommes par le biais d’un site internet de militaires gay pendant son mariage avec Kathleen. L’avocat va comprendre aussitôt que sa défense va devoir reposer désormais sur la lutte contre les préjugés coriaces dans le sud des USA : le jury va-til condamner Michael Peterson parce qu’il est bisexuel ou parce qu’il est convaincu qu’il a tué sa femme? Et l’aurait-il tuée, après une violente dispute, pour le motif qu’elle avait découvert sa double vie?


photo éditions Montparnasse

Un réalisateur et la justice américaine

Le réalisateur Jean-Xavier de Lestrade avait déjà remporté lOscar du meilleur documentaire en 2002 pour « Un coupable idéal » (« Murder on a Sunday Morning« ), le procès en Floride d’un jeune black, issu de milieu défavorisé, accusé de meurtre et passible de la peine de mort. En s’attaquant à l’affaire Peterson, il s’agit cette fois-ci d’un riche bourgeois blanc (les dépenses d’avocat lui coûteront une fortune) mais, au delà du portrait intime d’un homme ambivalent, fascinant, c’est l’autopsie des mécanismes de la justice américaine et le procès de ses dysfonctionnements qu’il pointe avant tout. La série, diffusée d’abord en 2004 sur la chaîne américaine ABC où elle a obtenu des records d’audience, puis, sur Canal+ en France, a obtenu de nombreuses récompenses dont le Columbia DuPont award (équivalent du Pulitzer price).
Le 1er épisode en accès libre est disposible ici… 

Coffret 3 DVD éditions Montparnasse, sorti le 5 juillet 2006
8 épisodes de 45′ + 1h30 de bonus

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Posted by:

Camille Marty-Musso
Créateur et responsable éditorial du site www.cinemaniac.fr, en ligne depuis janvier 2006.

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